Un rapprochement inapproprié

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Affalé sur le siège impérial de son bureau, le bras accoudé sur l'accoudoir, Hicham passait nerveusement son index entre ses lèvres en fixant le nouveau contrat rédigé par ses avocats.

La nuit, ce document, dont il avait déchiré la première copie en mille morceaux, représentait la garantie d'une loyauté. Ce matin, ce n'était plus qu'une formalité à ses yeux. Pire encore, c'était l'humiliante réponse à l'héroïsme et la philanthropie de Victoria.

Contre l'avis très tranchants et radicalement catégorique de ses conseillers juridiques, le sultan songeait à ne pas forcer la jeune femme à signer ce contrat pour lui témoigner son respect, et lui prouver qu'il avait entièrement confiance en elle.

Depuis plus de trente minutes, le souverain réfléchissait à cette question, oubliant totalement la présence de Djalal. Ce dernier, à la fois concerné et amusé par le dilemme qui torturait son ami, se gardait de perturber la méditation de son ami. Avec une patience et un calme qui ne la caractérisaient guère, il attendit d'être appelé en rescousse.

— Je ne sais pas quoi faire. Finit Hicham par reconnaître sa défaite tout en levant ses yeux vers Djalal. Il m'est impossible de lui faire signer ce document. Ça serait un flagrant et répugnant manque de respect envers elle. En même temps, si je ne scelle pas notre accord par un contrat, je crains de lui faire peur. Ces bouts de papiers sont sa seule assurance et garantie de retrouver son identité.

— Victoria, pour ma part, je ne vois plus l'utilité de te faire signer un contrat de confidentialité tellement j'ai confiance en toi. Cependant, si tu ressens le besoin d'avoir un document qui te garantisse la récupération de ton identité, je ne peux que te donner les assurances que tu souhaites. Rétorqua Djalal en imitant avec maladresse la voix et la gestuelle du souverain.

Dérouté par la solution toute trouvée par son ami, et par son invitation à aborder honnêtement le sujet du contrat avec Victoria, Hicham dévisagea le jeune homme avec des regards envieux.

Malgré le malheur qui avait frappé sa sœur, le déshonneur causé à sa famille à cause d'elle, ainsi que les responsabilités qu'il portait sur ses épaules depuis le double drame qui avait tragiquement marqué la fin de l'histoire d'amour pure et passionnelle entre Amina et Zayd, Djalal était resté insouciant, optimiste, jovial et même volage.

En dépit des sérieuses menaces et des pressions insupportables qui pesaient sur lui, il se permettait encore de profiter de la vie avec une indécente joie de vivre. Comme si rien n'était, il se lançait frivolement dans des aventures sentimentales, professionnelles et personnelles sans penser au lendemain, et sans prendre en considération les avis et les regards des autres.

Hicham se souvint qu'il avait fui Azima pour vivre ainsi. Il avait déserté ses responsabilités du fils du roi, du frère de l'héritier du trône, et de citoyen Azimite afin de savourer pleinement, et sans aucune contrainte, les plaisirs qu'offrait le monde occidental.
Malheureusement, l'accident provoqué par Victoria avait sinistrement fichu en l'air ses rêves de liberté, d'anonymat et d'indépendance.

Une surdose d'alcool, une mauvaise décision, et une fraction de seconde avaient suffi à l'arracher de son destin tracé par ses désirs pour le plonger dans un autre imposé par l'appel du sang royal qui coulait dans ses veines.

Aussi injuste et aussi atroce que cela pouvait paraître, si Hicham était en mesure de pardonner à Victoria la mort de son frère, le souverain ne se sentait pas prêt à en faire autant avec son humiliante et indésirable ascension au trône. Non seulement il n'avait jamais souhaité régner sur Azima, mais il était devenu sultan à cause d'une femme alcoolique.

— Hé ! Hicham ! Ton silence commence sérieusement à m'inquièter là. Interrompit Djalal les tristes pensées du sultan. Cette histoire du contrat n'est pas aussi compliquée. En tout cas, pas assez pour te mettre dans tout cet état. Qu'est-ce qui te préoccupe vraiment ?

La sultane du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant