La sultane du désert

Attends-moi

Retrouver Londres, son brouillard, son froid, son ciel gris et son style urbain unique avait été un véritable choc pour Victoria. À sa grande surprise, elle s'était sentie comme une parfaite étrangère dans un pays qui ne lui rappelait en rien son pays natal...Azima.

D'abord honteuse, et trouvant mille excuses à cette sensation, la jeune femme s'était rapidement rendue à l'évidence. Désormais, elle détestait tout à Londres. Le bruit, le climat, la surpopulation, l'architecture, l'industrialisation de tous les aspects de la vie. Pire encore, elle ne supportait même plus sa couleur de cheveux naturels et ses habits occidentaux.

Le dépaysement avait été si perturbant, qu'à peine une nuit passée à la capitale Anglaise, Victoria avait supplié Brooke de l'emmener au Kent. Une faveur que ne lui avait pas refusé la journaliste devenue amie et confidente.

Durant la première quinzaine de son arrivée chez Brooke, Victoria avait choisi de se couper totalement du monde. Renonçant aux sorties, à la télévision, à la radio et à internet, elle avait passé les deux semaines à dévorer les romans de ses auteurs préférés, et à replonger dans ses livres et ses cahiers de droit.

Peu à peu, la jeune femme avait réussi à retrouver les repères de son ancienne vie et de sa véritable identité. Et tout doucement, elle avait repris ses droits sur son corps et son esprit. Seul son cœur était resté sous la domination de son amour pour Hicham.

Vivant son chagrin d'amour comme une fatalité imposée par le destin et non par la haine et la traîtrise, Victoria avait su gérer sa déprime en décidant, pour guérir et réussir à dépasser cette épreuve, de se venger de la cruauté de la vie et de profiter de tout ce qu'elle avait acquis comme force et audace. Quand elle s'était sentie enfin prête à aller de l'avant, elle avait mis fin à sa réclusion et ouvert les portes et la fenêtre de son nid douillet, puis elle était partie découvrir le paisible et médiéval village d'Aylesford qui l'avait accueillie.

En découvrant les ruelles et les maisons de charme d'antan tout droit sorties de légendes et de contes Anglais, en traversant les ponts en pierre ancestral qui surplombait la romantique rivière Medway, et en faisant connaissance avec les habitants, la jeune femme s'était rapidement imprégnée de l'ambiance moyenâgeuse du village au point de se sentir de nouveau Anglaise.

Elle avait alors commencé à fréquenter les marchés, les cafés et les pubs de coin, et à faire connaissance avec quelques villageois et touristes. Elle avait même décidé d'organiser un dîner d'adieu pour une famille de touristes Irlandais qui s'apprêtait à rentrer chez elle.

La matinée de cet événement, Victoria se réveilla très tôt, et partit au marché afin d'acheter tout ce qu'il lui fallait pour préparer le repas du soir. Mais alors qu'elle passait au milieu des différents stands de fruits, de légumes, de viandes et d'épices, elle eut la désagréable sensation d'être épiée et suivie.

Jugeant cette terrifiante sensation comme une lamentable rechute après sa guérison, la jeune femme tenta de faire abstraction des avertissements lancés par tous ses sens. Il n'y avait aucune raison d'être à nouveau la cible de menace. Personne de son ancien entourage ne savait où elle se trouvait, y compris les Anderson. Et au village, tout le monde la connaissait sous le nom de Juliette Sullivan, la cousine de Brooke.

Malgré cette certitude et cette assurance, plus le temps passait, plus elle sentait des regards qui la suivaient là où elle se rendait.

Par prudence, Victoria décida d'écourter le temps accordé aux courses, et de rentrer chez elle au plus vite. Elle finit donc de payer ses pommes vertes qu'elle mit dans son petit panier, et se prépara à quitter le marché.

— Avez-vous besoin d'aide, votre altesse ? Lui murmura une voix qu'elle reconnut immédiatement.

En se tournant vers Walid, Victoria sentit l'esprit d'Asma qui infiltrait son corps pour le posséder de nouveau.