La sultane du désert

Châtiment royal

Dans une tentative désespérée de raisonner l'implacable vengeur qui lui vouait une profonde rancœur, Victoria tenta de redresser son buste pour pouvoir lui parler. En elle, vivait encore l'espoir qu'il ne s'agissait que d'un homme aveuglé par la colère et le deuil, et que reconnaître ses torts pourrait apaiser sa soif de vengeance.

Immédiatement, son bourreau lui fit comprendre qu'il lui refusait cet entretien. Sa main pesante lui fracassa à nouveau la tête contre les draps du lit contre lequel elle était solidement plaquée.

Un cri d'horreur s'échappa de la gorge nouée de la jeune femme. À cela, son impérieux ravisseur répondit en lui crachant l'ordre de se taire.
Jusqu'ici seule indice de son humanité, la voix de l'impitoyable redresseur des torts s'enveloppa, cette fois-ci, d'un ton monstrueux qui pulvérisa les miettes restantes des espérances de la cible de sa rage.

C'était désormais une évidence pour Victoria. Elle ne sortira pas indemne de cet enfer. L'arrachement du bandeau qui lui couvrait les yeux lui prouva même qu'elle sera tuée à la fin de ce qui se présentait déjà comme son jugement dernier.

La jeune femme n'avait pas attendu de travailler dans le cabinet d'un avocat pour le savoir. Dans les affaires d'enlèvements et de prises d'otages, voir les visages des ravisseurs était souvent synonyme de mort. À la libération de ses iris, son premier réflexe fut donc de baisser ses paupières.

Lutter contre la tentation de découvrir l'identité de son ravisseur et le lieu de sa détention n'était pas chose aisée, elle réussit toutefois à contenir l'emballement de sa curiosité survoltée. Sa vie était mise en jeu, ce n'était nullement le jour de commettre des erreurs.

— Regarde-la ! Lui ordonna son ravisseur en se servant sauvagement de la queue de cheval de sa captive pour lui relever la tête. Regarde ce que tu as fait d'elle !

— Lâchez-moi ! Cria Victoria tout en essayant de libérer sa chevelure des doigts féroces de son tortionnaire.

— Ouvre les yeux, ivrogne ! Ouvre-les, si tu ne veux pas que je te les énuclée à mains nues !

Sous une menace proférée si cyniquement, Victoria n'eût de choix que l'exécution de tout ordre allant à l'encontre de sa volonté.

Après un long séjour dans une totale obscurité, retrouver ses facultés visuelles lui coûta d'atroces douleurs. L'assaut ravageur des rayons d'un soleil étonnement cuisant causa d'énormes dégâts à ses pupilles déjà malmenées.

— REGARDE CE QUE TU LUI AS FAIT ! JE NE LE RÉPÉTERAI PAS DEUX FOIS !

Afin de s'assurer de l'obéissance de sa captive, l'homme enragé la contraignit à poser ses regards là où il le souhaitait en lui dirigeant la tête avec ses mains cruelles. Les pauvres yeux déjà en souffrance de Victoria découvrirent avec effroi l'horreur de son abominable homicide involontaire.

La jeune femme se rappelait encore ce visage sur lequel étaient figés ses regards hagards.

Comment l'oublier ? Il l'avait longtemps hantée avant qu'elle n'ait pu le chasser de son esprit aidé d'antidépresseurs.

Victoria reconnut, sans la moindre difficulté, cette jeune femme en noir allongée sur un lit telle la belle au bois dormant.

— Te souviens-tu d'elle ? C'est Amina. C'est la jeune femme que tu as transformée en cadavre vivant. C'est la fiancée de l'homme que tu as tué. C'est la femme qui ne sera jamais ma belle-soeur puisque tu as assassiné mon frère !

— Je suis désolée ! Je suis sincèrement désolée ! Cria Victoria toute bouleversée face au navrant sort de sa victime.

— Tu es désolée ?! Tu crois que ce sont ces pitoyables excuses qui vont sortir Amina de sa prison corporelle ? Tu crois vraiment que, grâce à ton minable "Je suis désolée", Amina va de nouveau reparler, remarcher et s'occuper d'elle-même et de ses besoins sans l'aide des autres ? Tu crois que tes excuses vont ressusciter mon frère de sa tombe ?