Perdition sentimentale

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Le consentement volontaire et ferme de Victoria ne rassura pas le sultan tourmenté par le sort de son peuple. Bien qu'il était prêt à tout pour l'obtenir, l'acquiescement de la jeune femme lui parut hâtif et irréfléchi. Deux points noirs qui polluèrent son soulagement avec de la méfiance et de l'inquiétude.

Victoria remarqua aisément l'explicite suspicion qui émanait des regards du souverain.

— Ma décision est...

— Précipitée et impulsive.

— Absolument pas. Vous avez un délai court, et moi je suis pressée de retourner chez moi.

— Il s'agit donc de cela. Retourner chez vous.

— Vous étiez clair avec moi, si jamais je refuse de vous aider, je serai forcée de rester votre prisonnière pour six mois encore. Je ne vais pas vous mentir. Je ne peux pas rester ici aussi longtemps ! J'en mourrai ! Je m'en fous de sacrifier mon identité si cela me permettra de retourner en Angleterre au bout d'une semaine ou deux, et même un mois, mais m'en tenir à mon refus et rester ici six mois, c'est au-dessus de mes forces. Je n'y arriverai pas.

Si la franchise de Victoria plut énormément au sultan, il fut navré de sentir cette pointe de narcissisme et d'égoïsme chez elle. Son manque de considération et de solidarité envers la cause nationale lui laissa un goût amer.

Hicham était conscient que rien n'obligeait l'Anglaise à montrer où à éprouver de la sympathie pour le peuple Azimite, malgré cela, une profonde déception blessa sa fierté. Regrettant amèrement de s'être fait duper par le charme de Victoria, il jura de ne plus se laisser avoir.

— On n'en reparlera demain matin.

— Ne me croyez pas si désespérée au point de vous céder mon destin sans conditions. J'accepte certes l'idée de prétendre être votre épouse devant vos ennemis, mais je dois d'abord lire le contrat et l'approuver. Je précise également que je garde le droit de refuser ou de modifier toutes clauses qui ne me conviendraient pas.

Efficace et implacable, la lucidité de Victoria rassura Hicham. Finalement, peu lui importait la sensibilité de la jeune femme envers les aspirations de tous les Azimites. Il n'avait d'ailleurs aucun droit de la forcer à s'impliquer émotionnellement dans les affaires politiques du pays. Seule sa capacité à jouer parfaitement son rôle comptait, et elle lui démontrait heure après heure qu'elle avait la force, l'intelligence et le tempérament nécessaires pour réussir sa mission.
À un jour de rendre sa réponse aux Émiratis, Hicham n'espérait pas mieux.

— Tu es fatiguée pour aujourd'hui, Victoria. Je te donne rendez-vous à la première heure pour finaliser notre accord.

— Merci de vous soucier de moi. Je ne peux y voir la moindre hypocrisie. Néanmoins, je sais que vous êtes pressé, et que chaque seconde compte. Si le contrat de confidentialité est déjà rédigé, et si aucune obligation royale ne vous retient pour ce soir, je pense qu'il est préférable de passer être étape aujourd'hui avant demain.

Hicham fut dérouté par le soudain empressement de Victoria à retourner chez elle. Certes, elle n'avait jamais cessé de réclamer sa liberté, mais peu à peu, elle avait donné l'impression d'être résignée à rester auprès de la princesse.

— Il en sera ainsi si tel est ton désire. Je te donne rendez-vous dans une heure. Céda-t-il à la demande de la jeune femme sans chercher à assouvir sa curiosité.

— Je vous remercie pour votre compréhension.

Les deux mains du souverain emprisonnèrent les dix doigts de Victoria dans une prise aussi brutale que délicieuse. Avant même de se rendre compte qu'elle le touchait pour la première fois, elle se trouva hypnotisée par ses magnifiques yeux noirs.

La sultane du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant