L'amour qui tua l'amour (Partie 2)

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Pantelante et trémulante, Victoria tenta de toutes ses forces de libérer ses cordes vocales de leur mutisme. Incapable de prononcer ou de compléter une phrase compréhensible, elle se jeta, désespérée et anéantie, dans les bras d'Hicham en hurlant sa peine.

— Victoria, écoute-moi, je t'en prie.

— Tu es cruel, Hicham ! Oh mon Dieu, tu es si cruel ! Réussit Victoria, haletante, à s'exprimer enfin.

— Non. Non, mon amour. Je ne le suis pas. Je ne peux pas me permettre de l'être avec toi. Laisse-moi t'expliquer. Tu ne me donneras pas raison, mais tu sauras au moins que je n'ai jamais voulu te blesser.

— Tu n'as plus rien à m'expliquer. J'ai tout entendu. Répliqua Victoria en s'éloignant du sultan.

— Oui, tu as tout entendu, mais tu ne sais pas tout, Victoria. La rattrapa-t-il en la tenant par ses deux bras.

La jeune femme ne lutta pas pour fuir sa prise. Courageusement, elle affronta ses yeux.

— Et toi ? Sais-tu ce qui est pire que le fait que tu sois marié ? Que le fait que ton épouse soit la princesse Amina ? Que le fait que je viens de t'entendre dire que tu refuses de divorcer ? Tu sais ce qui est bien pire de tout cela, Hicham ? C'est le fait que je ne peux même pas t'en vouloir alors que mon cœur saigne. C'est le fait que je n'ai pas le droit de te faire une scène, de crier ma haine, de te frapper, de te griffer, et de t'insulter !

— Victoria, écoute-moi, s'il te plaît. Pour avoir fui sa famille afin d'épouser Zayd, Amina est, à ce jour, menacée de mort. Ses parents ont chargé son frère de laver leur honneur souillé en la tuant. Après l'accident, espionné comme il était par les membres de sa famille, Djalal ne pouvait pas s'occuper d'elle. J'ai dû alors la faire venir ici. Malheureusement, religieusement parlant, Amina restait une étrangère pour moi. Je n'avais donc pas le droit d'aller la voir ou de m'occuper d'elle. Elle-même n'avait pas le droit d'habiter chez moi sans être accusée du pire. La seule solution était de l'épouser pour préserver sa réputation, et pour pouvoir la voir et lui parler. Nous avions vécu un drame horrible, et nous avions besoin l'un de l'autre. Ce mariage n'est rien d'autre qu'un bouclier, je te le jure. Si je refuse aujourd'hui de divorcer, c'est parce que ce n'est pas le moment. Je vais entrer en guerre contre les assassins de mon frère, je ne peux pas me permettre de me mettre les Saoudiens sur le dos. Si Djalal déclare sa désobéissance et sa rébellion contre sa famille, les Émiratis vont se servir de cela pour inciter les Saoudiens à m'attaquer. Seul contre deux fronts, je ne pourrai rien faire, Victoria.

— Pourquoi m'avoir caché tout cela ? Tu pouvais me dire la vérité dès le début ! Je n'oublie pas que tu as voulu le faire, et que c'était moi qui, pour pouvoir vivre pleinement notre amour, t'ai prié de ne pas me divulguer ton secret. Mais ton secret n'en est pas un ! Ce n'est pas un banal secret que tu as gardé pour toi, c'est l'ultime sacrilège qu'un homme et une femme puisse commettre envers l'être qu'ils aiment. C'est un insurmontable point de discorde entre ce que ta religion te tolère et ce que ma société m'interdit. Avec cet immense obstacle qui attendait notre couple au tournant, tu ne t'es pas contenté de ne rien me dire. Tu m'as couvert de fausses promesses, et tu m'as enfermée dans un paradis fait d'illusions trompeuses. Pire encore, tu m'as même fait croire que tu étais mon homme avant d'être un sultan, alors que le souverain avait toujours primé en toi ! Et comme si cela ne te suffit pas, tu me prives à présent du droit de te haïr, de te maudire, de te hurler mon dégoût ! Parce que je te comprends ! Parce que je t'aime, Hicham ! Oh mon Dieu, je t'aime ! Je t'aime malgré tout !

Victoria fondit en larmes dans les bras d'Hicham qui la serra contre lui en laissant ses yeux verser un déluge de peine et de regret.

— Victoria...

La sultane du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant