La sultane du désert

Instinct et prémonition

Victoria n'avait pas dormi de toute la nuit. Quand les rayons du soleil commencèrent à chasser l'obscurité qui avait enveloppé le ciel, ses yeux larmoyants et grands ouverts étaient à leur accueil. La jeune femme avait beau essayé de raisonner son cœur meurtri, ce dernier ne daigna même pas accepter de négocier avec la sagesse. Il était épris. Il s'était déjà livré aux forces de la passion, et il se délectait de cette soumission au point de refuser l'idée même de se libérer.

Triste et désemparée, Victoria n'eut nullement envie de quitter son lit. Elle ne désirait ni sortir de l'appartement ni repartir à Azima. C'était dans la ville rouge Marocaine que son amour fut avoué, reconnu et partagé. Ce fut sur cette terre Chérifienne et sous ce ciel royal qu'elle avait été embrassé par l'homme qu'elle aimait.

Pour la jeune femme, quitter ce paradis ferrique afin de retourner à l'enfer de la réalité signifiait la mise à mort de son amour.

— Cesse de te lamenter, Victoria. Tenta-t-elle de se donner un peu de courage tout en traînant son corps hors du lit.

La vue de la nuance bleutée qui envahissait peu à peu le ciel lui fit lâcher un long soupir. En s'approchant de la vitre de la fenêtre, ce magnifique paysage réussit toutefois à arracher à ses lèvres un éblouissant sourire.

En repensant à tout ce qui s'était passé hier entre le sultan et elle, Victoria retint une vérité qui lui redonna goût à la vie.

— Hicham a raison. Durant toute ma vie, je me suis considérée comme un déchet, ou comme un être inférieur qui a besoin de protection pour s'en sortir, or ce n'est pas le cas. Je ne peux pas être si faible, si insignifiante et si lâche ! J'ai tenu tête à mon tyrannique ravisseur ! J'ai fait face à mes erreurs avec courage et humilité. J'ai même rencontré un roi et des hauts responsables internationaux sans trembler. Pourquoi je considère ma vie réelle comme un cauchemar ? Pourquoi j'appréhende tellement mon retour à Londres ? Rien ne m'effraie aujourd'hui ! Je ne suis plus obligée de me cacher sous les ailes de David ou les jupons de Ruth. Je n'ai même pas peur d'affronter Austin ! Je suis amoureuse d'Hicham, et il est amoureux de moi, mais s'il dit qu'on peut pas être ensemble, je ne dois pas m'accrocher. Il est venu le temps pour moi de voler de mes propres ailes, de foncer vers les hauteurs, et m'éloigner de l'instabilité et l'insécurité.

— Victoria ?!

Tirée de ses pensées par la voix du sultan, Victoria se tourna vers lui sans pouvoir cacher son étonnement de le voir dans sa chambre.

Hicham voulut s'excuser et expliquer les raisons qui l'avaient poussé à faire irruption dans la chambre sans y être convié. Il ne sut cependant prononcer le moindre mot.

Victoria ne portait qu'une minuscule nuisette blanche satinée. Le tissu soyeux et étincelant cachait divinement les monts et merveilles du splendide corps de la jeune femme. Cependant, il en dévoilait diaboliquement assez de formes et de chair alléchantes pour attiser le désir du souverain.

Hicham a toujours trouvé Victoria belle, charmante et gracieuse. Quand elle s'était transformée en Asma, sa beauté était devenue plus exotique et plus sauvage, et son charme avait pris des doses de sensualité et de mystère. Mais vêtue d'un tissu peu discret qui trahissait les secrets du corps qu'il cachait, la jeune femme dégageait une redoutable et excitante sensualité.

Comme si cela ne suffisait pas à la rendre aguicheuse, son indifférence à sa présence attisa le désir fou du sultan à la dévorer toute crue.

Victoria ne semblait pas gênée ou consciente d'être à moitié nue face aux regards avides d'Hicham. Elle ne cherchait ni à voiler les délices de sa poitrine mal dissimulée sous une barrière de dentelles, ni à cacher le pouvoir d'envoûtement de ses débuts de cuisses, ni même à user de ses charmes pour provoquer le sultan.
La jeune femme arborait tout simplement son premier atout de séduction. Son innocence, sa naïveté et sa spontanéité.