Il est presque dix-sept heures trente quand j'arrive devant le grand portail en fer forgé ouvert sur une grande cour pavée et un impressionnant bâtiment de style haussmannien. Je me sens un peu intimidé, mais me dis que ce serait complètement idiot de ma part de faire demi-tour maintenant. J'avance en essayant de ne pas tenir compte de la cadence rapide à laquelle bat mon cœur. J'ouvre une première porte, qui me semble plus légère que ce à quoi je m'attendais, et me retrouve dans une grande salle aérée aux murs d'un blanc éclatant. Je m'approche du bureau en bois massif et m'adresse à l'élégante femme blonde d'une quarantaine d'années qui se tient là, et qui ne semble pas remarquer ma présence tant elle est affairée à classer du courrier.
– Ahem, bonjour, euh... Je suis Monsieur Loriot, je devais passer aujourd'hui et...
J'ai une impression de déjà-vu quand la voix, que je reconnais comme celle que j'ai déjà entendue au téléphone, me coupe :
– Bonjour, je vais vous demander de remplir ce document s'il vous plaît. Puis-je voir une pièce d'identité ?
La femme me sourit et je sors mon permis de conduire pour le lui donner. Pendant qu'elle en fait une copie, je remplis la feuille devant moi. Il s'agit d'une fiche de renseignements classique qui me demande d'indiquer nom, prénom, adresse, numéro de téléphone et mail. Il y a en plus une ligne que j'ai du mal à remplir : le nom du laboratoire. Elle semble le comprendre et m'explique, de sa voix douce :
– Il y a plusieurs centres de recherche dans ce bâtiment, chacun ayant une spécialité qui lui est propre. Si vous ne connaissez pas son nom, peut-être pourriez-vous me donner un indice ?
– Cacomistose !
Le mot est sorti tout seul, fort et articulé comme si je venais de trouver la réponse dans un jeu télévisé. Je me sens un peu rougir et la réceptionniste me sourit en me rendant mon permis.
– Prenez les escaliers derrière moi et allez jusqu'au deuxième étage, vous trouverez le labo Suaveolentia sur votre gauche. Je préviens que vous arrivez mais vous devrez peut-être sonner, ils ne sont pas toujours très rapides.
Je lui rend son sourire et la remercie avant d'initier mon ascension. J'arrive assez rapidement au second étage et finis par me retrouver devant une porte en verre dépoli sur laquelle est imprimé le nom du laboratoire. Elle est fermée et je remarque rapidement un digicode et une sonnette. Mais, alors que je m'apprête à poser mon doigt sur le bouton à la cloche, je sens une odeur de pâquerettes. Mon cœur s'affole et j'ai chaud, très chaud. Toutes les cellules de mon corps semblent bouillir mais ce n'est ni désagréable, ni douloureux. Au contraire. Derrière la porte, je distingue une ombre qui semble s'être arrêtée en plein mouvement. C'est elle. Elle est là. Elle existe. Elle existe et elle est là. C'est elle. Cette personne derrière cette porte. C'est elle, j'ai besoin d'elle. Je vais la rencontrer. Je la veux, peu importe qui elle est. Elle m'appartient et je lui appartiens. Non. Non ? Non. Non. NON ! NON NON NON NON NON !
Je tente de redevenir maître de mes pensées et des désirs qui m'échappent. Je ne sais pas ce qu'il se passe, j'ai peur, j'ai hâte, je tremble, j'ai envie de briser cette porte, je veux m'enfuir. Je n'ai pourtant pas mes chaleurs, pourquoi j'ai tant envie d'elle ? STOP ! Partir, je dois partir. Mais je ne peux pas, je ne dois pas. Je l'ai enfin trouvé. Mais trouvé qui ?
L'ombre bouge derrière le verre dépoli, et soudain la porte s'ouvre. Il est grand, peut-être une tête de plus que moi. Ses cheveux noirs sont ramenés en arrière, de petites mèches tombant ci et là sur son front d'une manière adorable. Sa bouche, fine, semble m'appeler pour que j'y dépose mes lèvres. Mais c'est en voyant ses yeux vairons et la manière dont ils me fixent que je comprends. C'est mon âme sœur.
VOUS LISEZ
Scent of Love
RomanceTrois mois après ses premières chaleurs, Nathan débarque à Paris. Mais alors qu'il pensait qu'une vie trépidante d'étudiant s'offrait à lui, il déchante en apprenant qu'il a une maladie rare qui rend ses phéromones malodorantes. En cherchant à se fa...