J'attends quelques secondes et je sens mes mains devenir moites. J'en lève une pour frapper de nouveau mais la porte s'ouvre sur Alec, qui me regarde d'un air interrogateur.
– Qu'est ce que tu...
Cette fois, c'est moi qui le coupe. Je lui tends ma main droite que j'ai au préalable essuyée sur mon jean et lui sourit le plus naturellement possible. J'attends qu'il me la prenne pour l'agiter de haut en bas en disant :
– Bonjour, je suis Nathan Loriot, j'ai dix-neuf ans, je suis étudiant en première année de Sciences de l'Éducation à l'Université Esrevagemo. J'aime passer mes dimanches à lire avec une théière pleine pas loin, essentiellement des mangas ou des webtoons. J'aime aussi aller au cinéma et jouer aux jeux-vidéo. Je déteste les petits-pois, marcher sur une crotte de chien et la glace à la pistache. J'ai ni peur des araignées, ni des serpents, ni du vide. J'ai une petite sœur et mes parents sont divorcés. Tous Bêtas. Je suis arrivé en ville peu de temps avant la rentrée. Je loue un studio grâce à une bourse et j'y vis avec Tsuki, ma chatte. J'ai appris il y a environ une semaine que j'ai la cacomistose... Ah ! Et non, je ne suis pas bipolaire, j'ai simplement été vexé d'être comparé à un machin puant ! Et toi?
Je reprends mon souffle qui est légèrement venu à me manquer à la fin de mon monologue. Je n'ai pas lâché la main d'Alec mais ne l'agite plus. Et surtout, je le regarde dans les yeux. J'ai déjà été plus proche d'eux, ils m'ont déjà hypnotisés, subjugués, mais j'ai l'impression que c'est la première fois que je les vois vraiment. Que je les regarde vraiment. Son œil gauche est d'un bleu aussi clair que le ciel en été et son œil droit d'une couleur noisette qui me rappelle les longues balades en forêt de mon enfance.
Je n'ai aucune idée de l'expression que fait Alec tellement je suis focalisé sur ses yeux. Je ne sors de cet état de concentration intense que lorsque je sens sa main agiter la mienne à son tour. Je le regarde et le trouve beau alors qu'il me dit, une étincelle dans les yeux, un sourire aux lèvres et une petite fossette sur la joue :
– Bonjour Nathan Loriot, moi c'est Alec. J'ai vingt-trois ans et je suis en première année de doctorat en sciences olfactives. J'aime aussi les jeux vidéos et le sport. Je n'aime pas la foule et les centres commerciaux. J'ai aussi une sœur mais plus grande. J'ai toujours vécu dans la région et je suis team chien ! Et oui, je suis un gros con, alors, s'il te plaît, sois honnête envers moi quand je dis ou fais quelque chose que tu n'aimes pas.
– Je le ferai à partir de maintenant. Ravi de faire ta connaissance Alec !
– Enchanté.
Il ajoute, tout en caressant de manière presque imperceptible le dos de ma main de son pouce :
– Je suis désolé de t'avoir blessé, c'était pas du tout à toi que je pensais quand j'ai parlé de source malodorante...
Je suis soulagé qu'il ait accepté de jouer le jeu et je hoche légèrement la tête en signe d'acceptation de ses excuses. Nos deux mains sont toujours l'une dans l'autre. Je sens comme un courant électrique qui passe dans tout mon corps et je rougis. Heureusement, j'ai l'impression que je ne suis pas le seul à être intimidé par la situation, Alec ayant à présent les yeux baissés.
À contrecœur, je retire ma main de la sienne et me dirige vers le bureau. Je prends les documents qui y sont posés et en lis le titre à voix haute avant de me retourner vers Alec :
– « Protocole d'élaboration de la relation entre les paires destinées » ; qu'on soit bien d'accord, je ne vais pas signer le moindre papier ou contrat avec toi. Aujourd'hui, on va discuter, faire connaissance et voir comment on a envie de fonctionner.
Alec hausse les épaules et s'avance vers moi :
– Comme tu veux ! Je te l'ai dit, j'ai juste mis sur papier les choses sur lesquelles il me semblait indispensable qu'on ait un accord explicite.
Il me prends doucement les feuilles des mains, pose ses fesses sur le bord de son bureau et s'installe à mes côtés. Dans cette position, il est légèrement plus petit que moi et je me sens un peu moins intimidé par sa proximité. Il enroule les feuilles entre ses mains et utilise le tube ainsi formé pour se donner distraitement de petits coups sur les genoux à la manière des enfants. Sans regarder dans ma direction, il dit :
– Pour le moment, il n'existe pas de moyens connus de se libérer de notre état, et le phénomène des paires destinées est bien trop rare pour qu'il y ait des études dessus... On n'a pas d'autres choix que de faire de notre mieux pour qu'aucun de nous ne souffre trop...
– Ouais...
Je soupire. Je me souviens de la nuit blanche que j'ai passée à chercher comment me défaire de ce lien non désiré et je me rends compte qu'il a dû faire la même chose.
Un long silence s'installe dans la petite pièce. Je ne sais pas quoi dire, je suis désolé pour lui autant que pour moi. Même si, en tant qu'oméga, c'est moi qui suis le plus contraint par ce lien, c'est bien lui qui se retrouve à devoir supporter mon odeur. Et puis, sans être moche, je sais que je ne suis pas spécialement beau, alors qu'Alec... Il n'aurait pas à rougir face à une statue grecque. D'ailleurs, je ne sais même pas s'il a déjà quelqu'un dans sa vie... J'imagine que oui, ce qui justifie d'autant plus son besoin de mettre les choses au clair entre nous. Pour ce qui est de la personnalité, je ne le connais pas encore suffisamment mais je suis d'accord : on a du mal à s'accorder.
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Scent of Love
RomanceTrois mois après ses premières chaleurs, Nathan débarque à Paris. Mais alors qu'il pensait qu'une vie trépidante d'étudiant s'offrait à lui, il déchante en apprenant qu'il a une maladie rare qui rend ses phéromones malodorantes. En cherchant à se fa...