Je suis fatigué, je suis déprimé et j'ai froid. Mes recherches de la veille ont été désastreuses. J'ai appris que ce qui était communément appelé « âme-soeur » était une vaste fumisterie. Les films et les romans présentent ça comme un lien amoureux indéfectible entre un alpha et un oméga, qui les fait entrer dans un autre pan de la réalité où ils vivent l'un pour l'autre, sans avoir besoin de se parler. Des êtres « entiers », au-dessus de la masse des autres humains condamnés à rechercher à jamais leur moitié sans aucune garantie d'y arriver.
Mais en réalité, c'est une prison. Et pas une prison partagée, mais uniquement pour l'oméga qui ne peut rien faire sans son alpha. D'ailleurs, ça ne s'appelle même pas « âme soeur » mais « paire destinée »... une paire où l'un est destiné à se soumettre à l'autre, pire qu'une morsure, puisqu'il ne le choisit pas. Et non, il n'y a aucun moyen de s'en libérer...
Une rafale de vent glacial vient me sortir de mes pensées et je réajuste mon écharpe en montant les escaliers de la bouche de métro. J'ai finalement décidé de me rendre au rendez-vous fixé par Alec. Foutu pour foutu, autant apprendre à connaître mon bourreau.
Mon cœur bat de plus en plus vite au fur et à mesure que je m'approche du laboratoire. Je stresse et trouve ironique que le lieu que je voyais comme un refuge potentiel soit devenu si rapidement une menace pour moi. Si seulement je n'étais jamais venu, je n'aurais pas un fardeau supplémentaire en plus de ma cacomistose. Je ralentis quelques mètres devant le grand portail pour regarder ma montre. Dix heures douze. Parfait, il est hors de question qu'Alec pense que je lui suis soumis !
Je referme ma main sur un barreau métallique et le pousse, mais rien ne se passe. J'en prends un second de mon autre main et pousse puis tire de toutes mes forces mais le portail ne bouge pas. Il est fermé. Je suis arrivé trop tard, il ne m'a pas attendu. J'ai raté l'occasion de savoir ce qu'il avait de si important à me dire. Je remets les mains dans mes poches, déçu, et contemple quelques secondes le grand bâtiment, laissant traîner mon regard vers les fenêtres du deuxième étage. Je me tourne pour partir mais me cogne contre un buste. C'est chaud, c'est réconfortant, c'est... lui. J'ai envie de laisser reposer ma tête sur son torse mais je me reprends et, alors que j'esquisse un mouvement de recul, je sens une main passer sur mon dos pour m'entraîner vers cet endroit qui m'attire. Sa tête se pose sur la mienne et, l'oreille contre son cœur, je l'entends qui bat aussi rapidement que le mien. Je ferme les yeux et inspire son odeur. Il sent si bon, je me sens si bien. Sa tête glisse jusqu'à mon cou et sa respiration me chatouille en même temps qu'elle me fait rougir. Je veux que cet instant dure toujours...
– Tu sens bon.
Il me dit ces mots dans un souffle, presque imperceptibles. Surpris, je me recule et le regarde. Est-ce qu'il se moque de moi ? Est-ce que j'ai bien entendu ? Je sonde son regard à la recherche de réponses et me retrouve comme envoûté, ne pouvant me détacher de ses si beaux yeux. Je finis par articuler :
– Qu'est ce que...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il détourne le regard et recule d'un pas :
– Pardon, laisse-moi deux secondes.
Il se retourne et avance de quelques mètres. Je le vois inspirer et expirer de manière prononcée. Mon coeur se serre. Il était si proche il y a quelques secondes, il me semble si loin maintenant. Il respire comme s'il souhaitait totalement renouveler l'air de ses poumons et mon corps se contracte. J'ai la cacomistose, notre contact rapproché lui a peut-être donné envie de vomir ? Est-ce qu'il se sent bien ? Je tente un pas pour vérifier mais je crois détecter un frisson qui lui parcourt tout le corps, comme s'il m'avait senti, et il se redresse. Je décide finalement de ne pas bouger et d'attendre quelques secondes. Après de nouvelles inspirations, il finit par revenir vers moi et se racle la gorge :
– Hem, excuse moi, je... merci d'être venu, tu... ça te dit un café ?
Il me désigne l'établissement au coin d'une rue, à une dizaine de mètres à peine. Je comprends, en voyant qu'il n'a pas de manteau malgré le froid que c'est là qu'il m'attendait. Je hoche la tête et le suis.
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Scent of Love
RomanceTrois mois après ses premières chaleurs, Nathan débarque à Paris. Mais alors qu'il pensait qu'une vie trépidante d'étudiant s'offrait à lui, il déchante en apprenant qu'il a une maladie rare qui rend ses phéromones malodorantes. En cherchant à se fa...