CHAPITRE 80 : Lien

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Je dépose nos mugs fumants sur la table basse et m'installe sur le sofa, ni trop près ni trop loin d'Alec. Une œillade dans sa direction me fait réaliser qu'il a le regard perdu dans le vide et machinalement, je tourne mon attention sur le point qu'il fixe : ma valise. Elle est là, dans un coin de la pièce et encore fermée. Une question jaillit dans mon esprit :

– Au fait, comment tu as su que j'étais revenu ?

– Je ne saurais pas bien l'expliquer. J'étais en cours puis j'ai eu des palpitations et ça m'est apparu comme une évidence. Je pouvais de nouveau te trouver et j'ai pas réfléchi, j'ai laissé les étudiants en plan et j'ai débarqué ici et... Putain, je vais me faire renvoyer, c'est sûr !

Alec se lève d'un coup, l'air paniqué. Je culpabilise et tente de trouver une solution :

– Euh... désolé... Tu peux peut-être essayer d'y retourner ?

– Et que je te laisse sans qu'on ait pu parler ? Hors de question. Je vais passer un coup de fil, je reviens.

Alec s'éloigne vers l'un des coins de la petite pièce pour passer son appel et je décide, pour lui laisser un minimum d'intimité, de concentrer mon attention sur ma tasse que je porte à mes lèvres. Je sais que je ne suis pas responsable de cette situation, mais je n'arrive pas à m'en persuader complètement. Et puis... je suis un peu stressé aussi. Je ne suis pas sûr d'être tout à fait prêt pour une discussion sérieuse, moi ! C'est pas ce qui était prévu, en fait : je devais prendre connaissance des messages sur mon téléphone et me préparer un petit pitch pour mon retour demain. Je réalise que je ne suis carrément pas prêt et je commence à paniquer. C'est la sensation d'affaissement du sofa à mes côtés qui me ramène à la réalité et je demande, l'air de rien :

– Alors ?

– C'est bon, Clémence va me remplacer. Je suis bon pour me taper la correction de toutes ses copies jusqu'à la fin de l'année par contre !

Je saute sur l'occasion :

– Ah oui, ça fait beaucoup ! C'est cher payé quand même, tu devrais peut-être assurer les cours de cet après-midi au moins ? Il est onze heures, peut-être que si tu pars maintenant... ?

– Pfff ! C'est moi ou tu me jettes dehors là ?

– Moi ? Jamais ! Je m'inquiète juste pour toi : pense à toutes ces copies que tu vas devoir déchiffrer pour réussir à les corriger, à toutes ces phrases que tu vas devoir relire plusieurs fois pour essayer de leur trouver un sens, à ces heures perdues alors que tu pourrais faire autre choses !

– Hahahaha ! Bien rattrapé, mais ça ne marchera pas ! Et puis, compte sur moi pour te ressortir cette phrase dans cinq ans, quand tu seras diplômé et que tu t'engageras dans une vie pleine de corrections !

– Touché.

Je fais mine de bouder alors qu'Alec s'esclaffe encore. Ses rires laissent progressivement place au silence et je sens sa main qui se pose sur ma cuisse.

– Je comprends que tu sois mal à l'aise et que tu ne veuilles pas répondre à toutes mes questions, mais je sais que je ne pourrais pas te laisser si tu ne me donnes pas d'explication, ou au moins un début d'explication.

Je hoche la tête sans réussir à parler. J'ai tellement de choses à lui dire mais je n'ai pas terminé de mettre de l'ordre dans mes idées... Alors, je décide de commencer par m'excuser :

– Je suis désolé d'être parti sans prévenir. J'avais besoin de m'isoler un peu et je n'ai pas pensé à ce que ça pourrait te faire, par rapport à notre lien. Moi, je n'ai rien senti de particulier mais je sais que ce n'est pas la même chose pour l'alpha dans ce type de relation alors... pardon.

Alec secoue doucement la tête de droite à gauche en fermant les yeux. Après quelques secondes, il finit par m'expliquer, le regard dans le vide :

– Quand je n'ai plus senti ta présence, j'ai été envahi par une angoisse folle que j'ai essayé de contenir de mon mieux. Mais quand je me suis rendu compte que tu ne répondais à aucun de mes appels ou de mes messages et que tu n'étais pas chez toi, j'ai été pris de panique et j'ai vraiment cru que j'allais perdre la raison. Nathan, j'ai contacté tous les hôpitaux de la région, j'ai été voir tes amis et si Adèle ne m'avait pas arrêté, j'aurai aussi appelé la police ! J'ai même failli subtiliser ton dossier étudiant pour avoir une piste... Je... J'étais prêt à tout pour te retrouver. Notre lien... tu avais raison.

Je n'arrive pas à déchiffrer son regard qu'il tourne vers moi, ni la chaleur qui m'envahit tout à coup. Mon cœur tambourine dans ma poitrine et je lui demande, la gorge nouée :

– Qu'est-ce que tu veux dire ? 

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