– Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Aucun mot ne veut sortir de ma bouche tellement j'ai du mal à respirer. Derrière elle, Pierre nous rejoint, suivi d'Alix et d'Ejaz qui portent nos affaires, à Sophie et moi. J'ai envie d'arrêter de pleurer, mais je n'y arrive pas. J'ai envie de sourire, mais je n'y arrive pas. Je ne sais pas ce qui m'arrive... Je...
– Ba... Ba... Barrière...
Personne ne semble comprendre, sauf Sophie, qui me serre encore plus fort entre ses petits bras.
– Oh non... Je... Ça va aller...
Je ne sais pas combien de temps je reste comme ça, mais la manière dont elle me caresse les cheveux m'apaise. Je me sens idiot maintenant, moi qui pensais pouvoir faire comme si de rien n'était. Alix me tend un mouchoir que je prends en me libérant de la douce étreinte de mon amie. J'y essuie mes larmes et ma morve, alors que Sophie se lève et dicte des ordres :
– Les gars, on a un code rouge. Alix, tu t'occupes de la bouffe, Pierre, tu te charges de récupérer les cours, et Ejaz, tu le portes. On est trop pour un taxi par contre, comment on fait ?
– T'inquiète, je connais quelqu'un. Je l'appelle tout de suite.
Je prends le temps de respirer devant la scène qui se déroule devant moi, me sortant de ma torpeur. Ça me semble si lunaire de voir tous ces grands gaillards s'agiter et obéir aux ordres de la plus petite d'entre nous. Je ne comprends pas bien ce qu'il se passe et je crie de surprise quand Ejaz me prend dans ses bras, tel un vulgaire sac à patates :
– Hey ! Ça va pas ? Qu'est-ce que tu fais ?
C'est Pierre, à quelques centimètres de ma tête, qui me répond :
– On va chez moi. Sophie vient de déclencher un code rouge, on n'a pas le choix.
Il hausse les épaules, faussement dépité, alors qu'on avance tous dans la même direction et que je me plains :
– J'ai pas tout compris mais je peux marcher, hein !
Je regarde mes amis avec incompréhension et c'est Ejaz qui me répond.
– Désolé, ça fait partie du code rouge.
– Mais de quoi vous parlez ? C'est quoi votre problème ??
La pichenette que je reçois sur le front me surprend et je reste sans voix devant Alix qui me dit en souriant :
– Code rouge, c'est ce qu'on utilise pour une peine de cœur. Du coup, on va tous aller se goinfrer chez Pierre pendant que tu nous raconteras ton histoire. Bravo, tu fais officiellement partie de notre groupe de bras cassés !
L'entendre parler de peine de cœur me fait réaliser que c'est effectivement ce que je vis, et j'ai de nouveau envie de pleurer. Mais cette fois, j'en suis empêché par Sophie qui me prévient :
– Être porté par Ejaz pendant le code rouge est in-dis-pen-sa-ble ! Profites-en, c'est le seul moment où j'accepte de partager ses muscles ! Il peut aussi te porter comme une princesse, si tu préfères ?
– Quoi ? Non !
Je regarde, dépité, mes amis s'esclaffer. Ils doivent vraiment avoir un grain ! Mais la reconnaissance que je ressens en ce moment me fait réaliser la chance que j'ai. Je ne suis plus aussi doué qu'avant pour cacher mes sentiments, mais peut-être que c'est parce que je n'en ai plus besoin ?
– On prend les escaliers, on se rejoint en bas !
Je fais un coucou de la main au petit groupe en souriant, alors qu'Ejaz et moi montons dans l'ascenseur. Quand les portes se ferment, je lui demande :
– Et sinon, ça t'arrive souvent de kidnapper des gens ?
– Hahaha ! Kidnapper, non. Mais c'est vrai qu'entre Alix, Pierre et toi, j'ai eu pas mal de boulot ces derniers jours !
– Hein ? Il y a eu un code rouge pour Alix et Pierre ? Quand ça ? Pourquoi ?
– C'était jeudi en fin de journée. Et pas un code rouge, un code écarlate. C'est quand il faut forcer le dialogue ça. Du coup j'en ai pris un sous chaque bras et on a fait une espèce de médiation. T'aurais dû voir ça, on aurait dit deux chats sauvages !
Je ne peux m'empêcher de rire à l'image d'Ejaz portant Pierre et Alix. Ils ne sont pas aussi musclés ou grands que lui, mais ce ne sont pas non plus des enfants et ils doivent faire un peu moins d'un mètre quatre-vingt quand même ! C'est surtout ça que j'aurais aimé voir ! Je m'apprête à lui dire quand les portes de la petite cabine s'ouvrent et que mon ami rate la marche, nous faisant chuter au ralenti sur le sol. Ejaz se retrouve sur moi, l'air pataud, et cette fois, j'éclate franchement. Mes rires résonnent dans le couloir, rejoints par ceux d'Ejaz et bientôt suivis par ceux de nos amis qui nous retrouvent. Je me sens léger alors qu'ils nous aident à nous relever et que je gagne le droit d'avancer par mes propres moyens. Mais d'un coup, mon cœur s'affole et je dois m'arrêter. Je regarde autour de moi quelques secondes avant qu'Ejaz ne s'inquiète :
– Ça va pas ? Je t'ai fait mal ?
– Hum... Non, non, désolé. J'ai cru sentir une odeur, c'est tout.
Une odeur de pâquerettes.
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Scent of Love
Roman d'amourTrois mois après ses premières chaleurs, Nathan débarque à Paris. Mais alors qu'il pensait qu'une vie trépidante d'étudiant s'offrait à lui, il déchante en apprenant qu'il a une maladie rare qui rend ses phéromones malodorantes. En cherchant à se fa...