Alec et moi déplions le canapé en silence, sans oser nous regarder. Je m'en veux tellement... Si seulement je n'avais pas paniqué, alors nous n'en serions pas là maintenant. Je repense à comment j'avais imaginé les choses : je n'aurais pas eu peur et je me serais tranquillement promené dans le laboratoire. J'aurais été vers Alec dont le visage aurait été rouge comme une tomate, et il m'aurait pris dans ses bras, après que je me sois moqué de lui. Peut-être qu'il m'aurait embrassé ? En tous cas, nous serions sûrement en train de rire et de profiter l'un de l'autre en ce moment même.
J'ai envie de pleurer... Je prends une inspiration discrète et tente :
– Tu veux du thé ?
Alec ne me répond pas et se contente de hocher la tête de gauche à droite. Je ne sais pas quoi faire et je suis à deux doigts de craquer. Je concentre mes dernières forces pour l'informer, avant de quitter la pièce :
– Je vais prendre une douche.
La porte fermée, je m'empresse de mettre de la musique sur mon téléphone. Du rock fera l'affaire. Dès les premières notes, je laisse ma tristesse s'exprimer alors que je me glisse sous la douche. Mes larmes se mélangent à l'eau chaude et mes inquiétudes semblent prendre vie : peur, tristesse, colère, déception, tout est emmêlé, embrouillé, emberlificoté.
Je ne veux pas penser, mais des questions reviennent encore et encore : est-ce qu'il va me quitter ? Est-ce que je vais un jour oser de nouveau enlever mon collier ? Comment faire pour améliorer les choses ?
Je ferme les yeux. Peu à peu, la cacophonie dans ma tête est remplacée par la musique qui parvient jusqu'à mes oreilles. L'air est entraînant, encourageant, et me conforte dans l'idée que je ne peux laisser les choses telles qu'elles sont. Je dois arrêter de m'apitoyer et me focaliser sur une chose à la fois. Alec. Je dois me concentrer sur Alec. Il ne va pas bien, j'en suis certain. Et nul doute que je n'y suis pas pour rien. Alors je vais arrêter de fuir mes responsabilités et tout faire pour le réconforter. Tout comme il l'a toujours fait pour moi jusqu'à maintenant.
Je profite encore quelques minutes de la chaleur de l'eau sur mon corps et me décide à sortir. Alors que je m'habille, je remarque mon reflet dans la glace qui me fait presque peur : mon teint est blême et mes yeux rougis par les pleurs sont cernés. Je regarde mon collier avec amertume et me tape les joues pour ne pas laisser mon esprit s'égarer. Et tant mieux si les traces roses ainsi laissées me donnent l'air plus vivant !
J'éteins la musique et respire un bon coup avant d'ouvrir la porte, bien décidé à soutenir Alec. Je sens le sang affluer dans mes veines quand je remarque son absence. Je fais un pas, prêt à m'écrouler, mais un son sur ma gauche attire mon attention. Mon amant est debout, dans le coin cuisine, devant la bouilloire en verre. Il semble subjugué par le mouvement de plus en plus agité de l'eau en ébullition. Rassuré, je tente une approche :
– Qu'est-ce que tu fais ?
– Je voulais partir, mais je n'y arrive pas. Alors je me suis dit que finalement, j'allais prendre un thé. T'en veux un ?
Alec ne me regarde toujours pas et je sens mon corps se tendre. Respirer, je dois respirer.
– Oui, merci.
Il ouvre un placard pour en sortir deux mugs. De mon côté, je prends la boîte à thés et lui propose :
– Menthe ?
Je lui tends le sachet encore dans son emballage papier. Il me semble, quand il pose ses doigts dessus pour le récupérer, qu'il fait attention à ne pas me toucher. Alors, je resserre ma prise et l'empêche de le prendre :
– Pourquoi tu voulais partir ?
Je porte mon attention sur Alec, dont le regard n'a pas quitté le petit bout de papier que nous tenons tous les deux. Il ne semble pas vouloir me répondre, alors je lâche ma prise avant de m'accouder au plan de travail en soupirant :
– Si tu veux pas répondre à ça, tu peux au moins me dire ce qui t'en a empêché ?
Je regrette ma question et surtout la manière dont elle sort de ma bouche. Je ne veux pas qu'il parte, mais c'est ce que j'ai l'impression de lui dire avec ces mots. Pourtant, cette fois, il me répond :
– Mon instinct. Ou plus précisément, notre lien ne me le permet pas.
Quelque chose se brise en moi quand je réalise qu'il ne reste pas parce qu'il pense à moi ou parce qu'il - en tant qu'être humain - a besoin de moi, mais uniquement parce qu'il ne peut pas faire autrement.
– Si toi tu ne peux pas, alors c'est moi qui pars.
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Scent of Love
RomanceTrois mois après ses premières chaleurs, Nathan débarque à Paris. Mais alors qu'il pensait qu'une vie trépidante d'étudiant s'offrait à lui, il déchante en apprenant qu'il a une maladie rare qui rend ses phéromones malodorantes. En cherchant à se fa...