Je me réveille en panique, le corps recouvert de sueur. J'ai encore l'impression de sentir l'odeur du soufre et la suie sur ma peau. Je me lève, tremblant, pour aller me doucher. Quand je me recouche, je repense à cet incident et à toutes les successions d'événements qui m'ont mené à lui.
Je repense à mes parents et à l'amour qu'ils m'ont porté les premières années de ma vie. J'étais déjà pas mal embêté par mes camarades de classe à cause de ma petite taille, mais au moins j'avais un lieu où je pouvais être heureux. La naissance de ma petite sœur a été à la fois un cadeau et une punition. J'avais tellement hâte de pouvoir jouer avec elle et j'étais bien ennuyé qu'elle ne sache que brailler, manger et dormir. Mais oui, j'étais heureux.
À l'époque, je ne me suis pas aperçu tout de suite des changements survenus après qu'on m'aie identifié comme étant oméga. J'étais tellement fier de pouvoir porter un collier ! C'était la preuve qu'un jour, je serai indispensable à la vie de quelqu'un. Que je serai aimé par une personne qui ne fait pas partie de ma famille et, évidemment, que je serai heureux et aurai, à mon tour, des enfants à aimer. Et pourtant, les disputes entre mes parents ont commencé. D'abord, il y eut les silences à table, longs et pesants. Je n'étais plus autorisé à parler en mangeant. Puis, il y eut les reproches, rapides et cinglants. J'en étais parfois la cible mais toujours l'objet. Ensuite, il y eut les cris, forts et blessants. Je ne pouvais plus faire semblant de ne rien voir. Enfin, il y eut les coups. Je n'avais plus de refuge, plus de havre de paix, plus de raisons d'être heureux.
Les tourments du collège ont laissé place au calvaire du lycée. Je ne supportais plus qu'on me regarde, qu'on m'approche, qu'on me parle ou qu'on me touche. Élèves comme adultes, tous étaient contre moi. Soit je n'étais pas assez studieux, pas assez souriant, pas assez amical. Soit j'étais trop taciturne, trop froid, trop distant. J'étais trop tout, pas assez rien, nulle part bien.
Je ne sais plus ce qui m'a fait vriller cet après-midi là. Était-ce le coup de pied aux côtes de mon père, la critique assassine de ma mère, le sourire narquois de ma sœur ? Était-ce les commentaires dénigrants de mes professeurs, les moqueries incessantes de mes camarades, les propositions indécentes des terminales ? Je ne sais plus. Tout ce dont je me souviens, ce sont les flammes qui dansent, qui avancent et se propagent sur les livres du CDI. Tous ces univers que j'ai aimé, dans lesquels je me suis enfui, je les ai tous anéantis. Je les voyais brûler sous mes yeux et partir en poussière. J'imaginais ma vie consignée dans toutes ces feuilles de papier, comme un bouquin maudit dont il fallait se débarrasser.
Elsa m'a demandé si j'avais voulu me tuer, étant donné que je n'avais pas quitté les lieux. Je ne sais toujours pas et je crois que je ne le saurais jamais. Aujourd'hui, je veux vivre, c'est tout ce qui m'importe.
Je pousse Tsuki avec délicatesse plus loin sur le petit lit et me lève pour aller ouvrir la fenêtre. La lune est si belle ce soir. Je me souviens des nuits passées à la regarder à mon arrivée il y a trois ans. J'ai bien grandi depuis et je ne pensais pas, quand je suis parti, que je reviendrai si vite... J'étais certain de pouvoir tout affronter, que mes rêves pouvaient se réaliser.
Et même si je n'en suis plus aussi sûr aujourd'hui, je sais qu'il est temps pour moi de rentrer et de reprendre le cours de ma vie. Elsa, Amir, et même Constance m'ont aidé à faire le point, à reprendre des forces et je me rends bien compte que je dois avancer. Mes amis m'ont approché pour de mauvaises raisons, soit. Pourtant, je n'arrive pas à les détester et je crois que je peux leur pardonner, un peu.
« Alec ne m'aime pas. » Je dois me défaire de ce mantra, qu'importe si c'est ou non la réalité. Je dois être parfaitement honnête avec lui si je veux pouvoir avancer et préparer mon avenir. Avec ou sans lui. Oui, voilà. Une larme coule sur ma joue et le froid me blesse le long de son tracé. Je vais y arriver.
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Scent of Love
RomanceTrois mois après ses premières chaleurs, Nathan débarque à Paris. Mais alors qu'il pensait qu'une vie trépidante d'étudiant s'offrait à lui, il déchante en apprenant qu'il a une maladie rare qui rend ses phéromones malodorantes. En cherchant à se fa...