CHAPITRE 10 : Rapprochement

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Je suis excité, je suis stressé et j'ai chaud. Malgré ma gorge et mon ventre noués, je tente de finir rapidement mon thé. Impossible de toucher à ma chocolatine. Hâtivement, je mets mon manteau et mon écharpe et sors du café pour prendre l'air. J'espère que le froid va me rafraîchir suffisamment pour remettre mes idées en place et de l'ordre dans mes émotions.

Le changement brutal de température me fait instantanément frissonner. Machinalement, je fais les cent pas tout en restant près de la baie vitrée pour surveiller les affaires d'Alec. Ce n'est pas normal d'avoir autant envie d'étrangler quelqu'un et d'en même temps vouloir le prendre dans ses bras, l'embrasser, le caresser, le découvrir, le goûter... Je déglutis. Clairement, le froid n'aide pas autant que ce que j'avais espéré ! Soudain, je réalise qu'Alec n'a peut-être pas été aux toilettes pour les mêmes raisons que je suis dehors... Peut-être qu'il s'est senti mal à cause de mon odeur ? Peut-être qu'il est allé vomir et que j'ai interprété la situation complètement de travers ?

Je me renfrogne à cette idée. Je me demande ce qu'il peut sentir... Le fait que nous soyons une paire destinée doit jouer sur son attirance pour moi mais en même temps, ma cacomistose doit le répugner. Je ne comprends pas pourquoi j'ai envie de pleurer. Je ne le connais même pas ! Je ne l'ai pas choisi, et lui non plus d'ailleurs... Sans m'en rendre compte, je cogne ma tête contre la vitre, y laissant une empreinte de mon front. La visage que fait la serveuse me sort de ma maussaderie : elle me fait rire, avec ses gros yeux ronds et ses sourcils surélevés. On dirait un poisson-globe ! Je lui fais un signe d'excuse et commence maladroitement à nettoyer ma bêtise avec ma manche, ne faisant qu'agrandir la trace.

Quelques secondes plus tard, Alec revient. Je vois son visage se renfermer en même temps qu'il s'approche de la table vide. Il a l'air déçu, peut-être triste ? Il regarde autour de lui et me trouve très vite. Il fait lui aussi une tête de poisson-globe avant d'éclater de rire en me voyant nettoyer la devanture avec un chiffon et du produit à vitres que m'a donné la serveuse en colère, qui peste derrière moi. Je vois d'autres clients sourire gentiment et suis heureux que le café n'ait pas été plus rempli.

– Doooooonc, je ne peux pas te laisser seul deux minutes à ce que je vois !

Cette petite mésaventure a installé une ambiance bon enfant entre nous. Nous rions sur le court trajet vers le bureau d'Alec. Arrivés devant la porte vitrée du laboratoire, le souvenir de notre imprégnation me revient mais je le chasse immédiatement.

Alec se retourne soudainement et je vois son sourire quitter son visage qui prend un air plus sérieux. Il me tend une seringue :

– On va être seuls, je ne suis pas encore à l'aise avec le fait qu'on soit... tu sais. Je suis très sensible à tes phéromones en ce moment alors si tu te sens en danger ou que tu remarques que tu en dégages beaucoup, utilise cet inhibiteur. J'en ai un pour moi également mais je préfère ne pas prendre de risques.

– Mais tu m'as dit que c'était dans ma tête.

– J'ai dit ça parce que je savais pas comment réagir ! Tu vas tranquillement travailler un lundi matin et pouf, tu te retrouves lié à une personne que tu ne connais ni d'Eve ni d'Adam !

– Dit comme ça...

Alec semble un peu triste et désolé et il ouvre finalement la porte. Alors que je le suis dans le long couloir qui ne m'est plus inconnu, il me dit, sans se retourner :

– Je t'ai dit des choses vraiment horribles, désolé.

Je baisse la tête et souris, rassuré de ne pas réellement être tombé sur un taré.

– Ouais, moi aussi...

– Sauf que toi, c'était vrai.

Il ne me laisse pas le temps de répondre et se retourne pour me faire signe d'entrer. Je comprends qu'il ne souhaite pas en parler et vais m'installer sur la même chaise qu'il y a cinq jours. J'ai l'impression que c'était hier et il y a une éternité en même temps !

– Et pour tes collègues ? J'ai diffusé par mal de phéromones en partant, ils n'ont pas été trop malades ?

Alec me regarde et me fais un clin d'oeil :

– T'inquiètes, ils ont l'habitude de gérer toutes sortes d'odeurs et on a tous dans nos bureau divers parfums pour les supporter.

– Me voilà soulagé ! J'ai eu peur d'avoir provoqué un raz-de-marée de vomi !

Alec rit de nouveau et je ne peux m'empêcher d'admirer la transformation de son visage dans ces moments-là, ses yeux qui se plissent, sa bouche qui s'agrandit et une légère fossette qui apparaît sur sa joue.

– Mais qu'est-ce que tu racontes ? Tu n'es pas une arme chimique à toi tout seul hein !

– Mais, c'est ce que m'a dit le Docteur Lavaud... Il m'a dit que mon odeur avait presque fait vomir quelqu'un !

– Dans le cadre d'un protocole scientifique oui, c'est possible. Mais c'est parce qu'on demande au sujet de mettre un masque respiratoire dans lequel les phéromones sont diffusées et qu'il doit le garder pendant une bonne minute ! Personne ne va rester une minute le nez collé à une source malodorante !

Outch. Je ne m'attendais pas à être désigné ainsi et ça me fait mal. J'essaye de ne pas le montrer, je ne veux pas gâcher l'ambiance. Malgré tout, c'est avec un ton un peu plus dur qu'espéré que je lui demande :

– Et sinon, pourquoi tu voulais qu'on se voit ?

Alec fronce les sourcils et ses yeux se plissent comme s'il cherchait à voir quelque chose.

– Désolé de te poser la question, mais tu serais pas bipolaire par hasard ?

Je cligne des yeux. Pardon ? J'ai bien entendu ? 

Scent of LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant