Scent of Love

CHAPITRE 53 : Questions

Ce que la cacomistose peut m'apporter ?

J'ai beau réfléchir encore et encore, peu de choses me viennent. J'entends un craquement sous mes dents et je grimace en sentant les bouts de plastique sur ma langue. Je repose mon stylo sur ma feuille griffonnée et les recrache en soufflant le plus discrètement possible dans ma main fermée. Je regarde autour de moi, mais personne ne semble avoir remarqué tant l'attention générale est focalisée sur le document qui nous a été remis il y a une dizaine de minutes. Je soupire en me disant que je devrais suivre l'exemple de mes camarades et me concentrer sur les cours. Je ramène le feuillet devant moi et des mots me sautent au visage : « Contrôle », « choix multiples », « 1 heure ». Pris de panique, j'attrape mon stylo raccourci et me jette sur ma feuille.

– Ça a été ?

Je lève les yeux vers Pierre, dépité.

– Ah ouais... T'as l'air au bout du rouleau.

– Ouais, j'ai pas hyper bien dormi cette nuit et le contrôle a fini de m'achever. J'ai l'impression que ça a été pour toi, vu l'air satisfait que t'as !

Je range mes affaires pendant que Pierre me confirme mon impression. Je ne remarque pas tout de suite la feuille de brouillon qui glisse de ma table, ni mon ami qui se baisse pour la ramasser.

– « Avantages : Respect par tous de mon espace vital, me promener sans collier, pas de risques d'agressions sexu... »

– Pardon ?

Je reprends vivement la feuille de ses mains et la fourre dans mon sac. Je ne sais pas si je suis gêné ou en colère, sûrement les deux, et j'avance vers la sortie de la salle de TD. Derrière moi, Pierre continue à me parler :

– Désolé d'avoir lu, je pensais que ça avait un rapport avec le contrôle, mais pas du tout visiblement. Et donc, c'est quoi ?

Arrivés devant le point de rencontre avec les autres, je me stoppe net et soupire. Une partie de moi a envie d'en parler, pour m'aider à trouver des réponses, d'autres réponses. Mais une autre partie est un peu intimidée. C'est, je crois, la première fois que je vais demander des conseils à des amis. Je me retourne et inspire profondément pour essayer de voir par où commencer.

– Je pense que j'ai peut-être un peu besoin de votre aide...

Pierre s'avance vers moi et s'arrête à une quarantaine de centimètres. Il se tient droit comme un i, les bras le long du corps. Je l'imagine poursuivre sur un salut militaire et pouffe :

– Qu'est-ce qui t'arrive ?

– Je respecte ton espace vital.

J'éclate de rire devant tant d'ingénuité, au point que je dois appuyer sur mes abdos pour apaiser le tiraillement de mes muscles peu habitués à être sollicités.

– Je suis sérieux.

Le regard sévère qu'il porte sur moi me calme instantanément. Je ne suis pas sûr de comprendre ce qu'il se passe. Est-ce qu'il m'en veut d'avoir ri ? Est-ce que je dois me préparer à recevoir des insultes ? Des coups, peut-être ? L'angoisse me tord le ventre et j'ai l'impression d'être revenu au lycée. Mon corps tout entier se crispe, se préparant à encaisser ou à fuir. Derrière lui, Sophie, Ejaz et Alix s'approchent de nous alors qu'il hausse le ton pour me dire :

– Ne le laisse pas te mordre !

– Hein ???

Nous réagissons tous les quatre en chœur et je m'exclame, alors que tous les regards se portent sur moi :

– C'est pas ce que vous croyez !

Je réalise, aux yeux qui s'écarquillent, que ma phrase est mal choisie. Très vite, je précise :

– C'est par rapport à ma maladie !

Ce sont maintenant leurs bouches qui s'ouvrent et je sens que je m'enfonce. Agacé par mon incapacité à me faire comprendre, je souffle un grand coup et leur dis clairement :

– Je dois trouver des points positifs à ma maladie et non, je n'ai pas l'intention de me faire mordre ! On va manger et on en discute ?

Cette fois, ils semblent avoir compris la situation. Je suis soulagé mais me retiens de leur dire que je suis déjà lié à Alec et que d'une certaine façon, c'est comme s'il m'avait mordu.