CHAPITRE 101 : Remède

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Je n'ose lever les yeux de mon assiette. Pourtant, ce n'est pas la première fois que je raconte mon histoire. Elle sort de ma bouche toujours de la même manière mécanique, comme si elle était épurée de toute émotion. Et c'est vrai, je ne ressens rien. Je suis comme anesthésié. Mais là, devant Alec, ce n'est pas pareil. J'ai peur de ce qu'il pourrait penser et je me maudis presque d'avoir décidé de me confier si tôt dans notre relation. Je soupire et bois une gorgée d'eau, le regard toujours fuyant. C'est trop tard de toute façon. Mon cœur bat fort dans ma poitrine et j'ai l'impression que son rythme s'accélère encore un peu quand Alec brise enfin le silence :

– Merci Nathan.

– Hein ?

J'ai relevé la tête, ahuri. Je m'attendais à tout, sauf à ça. J'en tremble presque quand je lui demande :

– Pou... pourquoi merci ? Si c'est de la pitié, je...

– Non ! C'est pas ça ! Je... On... Je sais que c'est pas facile de parler de ses traumas et je te remercie de me faire assez confiance pour ça.

Je démens tout de suite :

– De rien, mais je... C'est pas vraiment un trauma quoi. J'ai juste une famille dysfonctionnelle, fait des rencontres pourries et à un moment, j'ai craqué. Mais vraiment, je vais beaucoup mieux ! C'est derrière moi, tout ça. Et promis, je suis pas un dangereux pyromane ! C'est vrai que tout n'est pas encore parfait, je suis toujours la cible de quelques moqueries à cause de ma cacomistose, mais je vais bien. Vraiment, ça va !

Et c'est vrai, ça va. Et je n'arrive pas à comprendre pourquoi j'ai les larmes aux yeux. Alec se racle la gorge :

– Tu sais, j'ai pas mal échangé avec le Professeur Nicolau et d'autres chercheurs et il semblerait qu'il y ait déjà un moyen de te guérir de ta cacomistose. Bien sûr, ce n'est pas fiable à cent pour cent, mais il y a de grandes probabilités pour que ça marche.

– Ah ?

J'en fais tomber ma fourchette. Je reste bouche bée, en attente de sa fameuse solution miracle. Alec se gratte la nuque et reprend, visiblement très gêné :

– Je... Si je ne t'en ai pas parlé avant, c'est parce que j'étais paumé. Je venais de te dire des choses horribles quand je l'ai appris, puis tu as disparu et je... j'ai eu besoin de réfléchir aussi, et... Comme je te le disais, j'ai parlé avec le Professeur et nous nous sommes mis en contact avec un laboratoire danois qui...

Je perds patience :

– Alec, je t'aime de tout mon cœur mais je vais t'étrangler si tu ne lâches pas vite le morceau.

– Une morsure !

– Quoi ?

Je... J'ai bien entendu ? Devant moi, Alec est agité et son teint a viré au cramoisi alors qu'il m'explique :

– Je suis désolé, je... C'est une hypothèse qu'on a depuis un moment et je n'ai pas voulu t'en parler tout de suite parce que... tu vois... on était pas sûrs et... ahem... même si on était déjà liés je... je voulais pas spécialement te mordre à l'époque mais maintenant je... ahem... je t'aime et c'est pas que j'en ai pas envie hein, mais je suis pas prêt. Et en même temps, ça me fait du mal de savoir que tu subis des brimades à cause de moi, qu'on pourrait tout régler si facilement. Et puis de toute façon, je sais même pas si t'en aurais envie aussi hein, tu m'aimes mais ça veut pas dire que...

J'éclate de rire. Décidément, Alec est à la fois très mignon et très stupide ! Je décide, devant la mine déconfite de mon idiot d'amant, de le rassurer :

– Pfff, tu vas vraiment toutes me les faires de travers, tes déclarations ! Alec, calme toi. Je te dis que je vais bien, pas besoin de se précipiter ! Visiblement, aucun de nous n'est prêt pour une morsure et je dois avouer que... je sais pas... c'est pas une solution qui te ressemble. Je veux dire, tu serais satisfait, toi, que le remède à la cacomistose soit la morsure ?

– Non, mais je...

Alec laisse sa phrase en suspens, son regard accroche le mien et j'y vois une lueur de quelque chose apparaître, sans que je ne sache dire quoi. Mais c'est fort, c'est puissant et ça le pousse à se lever et à s'agenouiller devant moi :

– Nathan, je t'ai fait une promesse et je vais la tenir ! Laisse moi encore un peu de temps, et je trouverai un remède à la cacomistose. Pour t'aider toi, mais aussi toutes les autres personnes qui l'ont. Je refuse que la morsure soit une solution, j'ai vu les ravages que ça pouvait faire. Et puis... si je dois te mordre un jour, je souhaite que ça ait un autre sens que celui-là. La chimie, le hasard ou le destin nous ont lié, et des sentiments sont nés. Je veux encore leur laisser le temps de grandir, mûrir, et un jour, tous les deux, en pleine conscience, nous choisirons d'unir nos vies.

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