CHAPITRE 83 : Tri

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La valise ouverte en deux gît au milieu de la pièce de vie alors que je la vide de son contenu. À gauche, les vêtements sales et à droite, ceux que je dois ranger. Ce tri, aussi simple que banal, se joue aussi à un autre niveau, celui de mes pensées. Qu'est ce qui est important, qu'est ce qui est urgent, qu'est ce que je mets de côté ? Ces trois piles se remplissent en même temps que celles des vêtements. Mon esprit, comme la petite pièce où je suis, est rempli d'éléments éparpillés de part et d'autre. Et j'en prends un, et je l'examine, et je le pose là où il doit être.
Puis, en silence, je me lève, les bras chargés de tissus que je jette dans le panier à linge sale. Je reviens dans le salon pour ranger les vêtements préalablement pliés. Ne restent que les questions pressantes, urgentes, brûlantes et impétueuses. Celles dont je dois connaître les réponses pour avoir une image plus nette de l'avenir dans lequel je veux me projeter. Oui, j'ai peur de les poser. Oui, j'ai peur d'en affronter les conséquences. Mais je ne dois plus fuir. Et quand je ferme les yeux et que je pense à toutes ces interrogations déjà solutionnées sans aucun mouvement de ma part, je ne peux m'empêcher de sourire et de garder espoir. Sophie et Ejaz veulent rester amis avec moi, Alec tient à moi, à sa façon, et même Alix et Pierre semblent sincèrement s'inquiéter pour moi.
Reste le plus dur : leur pardonner. Ou pas. Je ne sais pas encore... Mais surtout, je dois avouer mes sentiments à l'homme avec qui je sors, à l'alpha à qui je suis lié, à l'être humain avec qui je veux passer ma vie.

Mon ventre gargouille en même temps que la sonnette retentit. Je me fige et ris intérieurement. Il ne peut pas être aussi précis même pour des choses comme ça, quand même ?!

– Désolé, j'ai fait aussi vite que j'ai pu !

Alec me tend un sac, un énorme sourire aux lèvres. Mais c'est un mélange de déception et d'incompréhension qui me saisit quand je constate qu'il n'y a aucun maki dedans. Je lève mon regard vers l'alpha, déjà affairé en cuisine, qui se moque tout de suite de moi :

– Hahaha ! Je te l'ai dit, je vais cuisiner ton plat préféré ! Tu ne t'attendais tout de même pas à ce que je te ramène de vulgaires makis tous faits du supermarché !

– Comme tu y vas ! Peut-être pas du supermarché, mais d'un restaurant, pourquoi pas ?

Il tend et fait claquer des baguettes devant moi, comme une menace, mais c'est de la détermination que je vois dans ses yeux :

– Oh non, crois moi, tu te souviendras longtemps des makis d'Alec ! À côté, même ceux des restaurants étoilés feront pâle figure !

– Pfff, t'es malade !

– Ne rigole pas ! Je suis très sérieux. J'ai un ingrédient secret ! Viens, je vais te montrer.

Je le rejoins dans le coin cuisine et m'installe à côté de lui après m'être lavé les mains. Il me montre des gestes, me donne des explications et des directives, que je suis de mon mieux. Je me moque de lui quand il sort une courgette à la place d'un concombre, il se moque de moi quand je découpe le saumon dans la largeur au lieu de la longueur, et nous rions, et nous nous chamaillons, et je me sens bien. Mais ce que nous avons dans l'assiette, une heure après, ne ressemble pas vraiment à des makis. Je vanne Alec :

– Avoue, t'en a jamais fait avant ?

– Bien sûr que si ! Une fois, avec Adèle et Alice. On avait mis le bazar dans toute la cuisine et ça nous a pris des heures pour tout ranger. On retrouvait même des grains de riz de temps en temps, cachés dans des recoins improbables les jours suivants !

Son sourire est doux malgré la mélancolie que je discerne dans ses yeux. Du bout de ses baguettes, il prend un maki et le tend vers mon visage. D'abord surpris, je m'avance et le saisis directement dans ma bouche.

– Ché krop bon !

– Hahaha ! Je te l'avais bien dit !

Je reprends une petite pièce avec gourmandise avant de demander :

– Et c'était quoi ton ingrédient secret du coup ?

Face à moi, Alec me scrute quelques secondes, un sourire au coin des lèvres, avant de me répondre :

– Hum... Je vais te le révéler, mais uniquement parce que c'est toi. Ce que je vais te dire là, c'est la première fois que je le dis à quelqu'un et tu dois me promettre de ne jamais le dire à personne d'autre.

Je plisse les yeux, méfiant et pourtant amusé :

– Si c'est de la drogue, je te tue.

Puis, une main sur mon cœur et l'autre à côté de mon visage, j'annonce, d'une façon caricaturalement solennelle :

– Et sinon, oui, je promets de garder ton secret précieusement, oh Monsieur le chercheur et cuisinier fou !

– Je t'aime.

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