– Je t'ai dit que mes parents sont des alphas... En fait, il semble qu'il n'y ait que des alphas dans notre lignée, ou du moins c'est le mythe familial qui nous a été rabâché, à Adèle et moi. Rencontrer une femme alpha, me marier avec elle puis avoir de beaux enfants alphas, c'était simple. Et pendant longtemps, je n'ai pas du tout questionné ce schéma. Jusqu'à Alice.
Je remarque un bref rictus sur le visage d'Alec. Pendant une seconde, je crois que son faux sourire va s'y dessiner, mais ce n'est pas le cas. Et ce que j'y vois à la place me serre le cœur. De la souffrance...
– Alice, c'était notre voisine. Enfin, c'est ce que j'ai cru pendant toute mon enfance. Elle a emménagé dans l'immeuble juste à côté de notre maison quand j'avais dix ans et elle venait très fréquemment, pour nous garder ou pour passer du temps avec mes parents. Pendant des années, je n'ai rien vu d'étrange et Adèle et moi avons fini par la considérer comme une grande sœur, voire comme une mère sur certains points. Elle jouait avec nous, nous racontait des histoires, nous faisait à manger aussi, parfois. Mais tous les mois, elle disparaissait pendant plusieurs jours. Mes parents aussi. Sauf qu'ils revenaient toujours quelques jours avant elle et que mon cerveau d'enfant ne faisait pas le lien entre leurs absences.
Je ne comprenais pas ce qu'il se passait, je n'avais pas conscience de ce que notre second genre impliquait, sexuellement parlant. Jusque là, tout ce qu'on m'avait dit, c'est que les alphas sont ceux qui réussissent, les bêtas sont banals et les omégas aiment servir. Comment les reconnaître ? Eh bien, ils portent un gros collier ou une morsure à l'arrière du cou. Alice ayant un collier, je me disais que c'était sa condition d'oméga qui faisait d'elle une personne si gentille envers nous. Puis un jour, elle réapparut sans.
Un an... C'était un an avant sa mort. Elle n'a survécu qu'un an à la morsure meurtrière de mon père...J'essuie la larme qui coule de l'œil marron de mon amant. Il prend ma main dans la sienne et la grimace sur son visage s'accentue, alors qu'il se redresse sur le lit :
– J'allais te mordre aujourd'hui ! Moi aussi, comme lui, j'allais te prendre ta liberté ! J'allais le faire, je voulais le faire ! J'en avais tellement envie... Finalement, je ne suis pas si différent d'eux ! Moi aussi, je suis un monstre !
Je me relève à mon tour et enroule mes bras autour de son corps. Je le sens si vulnérable, tout contre moi. Il tremble, comme un oiseau tombé du nid, et je réalise à quel point c'est difficile pour lui de replonger dans son passé. Toutes les traces, toutes les cicatrices qu'il porte encore aujourd'hui...
– Mais tu ne l'as pas fait. Tu ne m'as pas mordu et tu m'as même poussé. Alec, tu n'es pas un monstre.
– Je ne sais pas...
Je caresse ses épaules du bout des doigts et embrasse son cou. Peu à peu, ses muscles se détendent et il se retourne pour m'embrasser. De nouveau allongés, plus proches l'un de l'autre cette fois, il reprend :
– À mes quinze ans, mes parents m'ont présenté des omégas, pour anticiper mon premier rut qui ne devait plus tarder. C'est à ce moment-là, quand j'ai vu leur collier, que j'ai fait le lien. C'est con, je sais, je ne devais pas être bien intelligent alors, mais j'avais enfin compris. Alors, je suis parti me réfugier chez Alice. J'avais tellement de questions à lui poser...
Et c'est là que je l'ai vu, que j'ai su, que j'ai réalisé. Le désespoir. La prison. L'enfer. Derrière les rires et les sourires qu'elle nous offrait, en réalité, elle souffrait.
Elle m'a raconté son histoire, comment elle avait rencontré et était tombée amoureuse de ma mère. Elle est devenue l'oméga attitrée de mes parents, celle qu'ils pouvaient aller voir quand ils étaient en rut et qui, en échange, étaient présents lors de ses chaleurs. Mais ils ont considéré qu'elle devenait dangereuse pour leur couple, à cause de son amour pour ma mère. Alors, pour équilibrer les choses, mon père l'a mordue.Les larmes glissent sur ses joues et sa voix se brise quand il me demande :
– Tu arrives à imaginer ce qu'elle a dû ressentir, toi ? D'être dégoûtée par le corps de celle qu'elle a aimé et d'être physiquement attiré par l'homme qu'elle s'est mise à détester ?
– Non... Non, je n'y arrive pas... pardon...
Il se met au-dessus de moi, les bras tendus de part et d'autre de ma tête. Ses larmes tombent sur mon visage alors qu'il me dit :
– Je suis comme lui. Moi aussi, j'ai voulu te mordre par jalousie ! Tu... Je... Nous devrions arrêter de nous voir.
VOUS LISEZ
Scent of Love
RomanceTrois mois après ses premières chaleurs, Nathan débarque à Paris. Mais alors qu'il pensait qu'une vie trépidante d'étudiant s'offrait à lui, il déchante en apprenant qu'il a une maladie rare qui rend ses phéromones malodorantes. En cherchant à se fa...