Le lycée des Surnaturels (tome 2)

Chapitre 5

Le village des fées se dévoile devant nous, aussi beau que d'habitude. Non, plus beau encore, avec les décorations de Noël illuminées. Les fées disposaient autrefois de leur propre religion, il y a très longtemps. Mais il n'en reste presque aucune trace, tant nous nous sommes assimilées aux humains. C'est ainsi que nous nous retrouvons à fêter Noël.

Maman gare la voiture dans un coin. Nous prenons nos bagages et avançons dans la rue principale réservée aux piétons. Les arbres qui la bordent sont ornés de cristaux scintillants presque éblouissants. Chaque maison disparaît sous une avalanche de guirlandes, comme si chaque habitante s'était donnée pour objectif de faire mieux que sa voisine. Çà et là, les fées liées à l'eau ont réalisé des sculptures de glaces qui ne fondent pas. D'autres font tomber en boucle de la fausse neige sur leur toit. 

Grand-mère nous attend devant la porte, prête, comme toujours, à nous inonder de reproches avant même que nous ayons pu déposer nos valises dans nos chambres.

— Enfin vous voilà, nous lance-t-elle en guise de bonjour. Tout le monde est déjà arrivé. Le dîner est en train de refroidir.

Notre mère s'avance vers elle et l'embrasse sur la joue comme si de rien était.

— Bonjour Maman.

— Bonjour, bonjour, grommelle Grand-mère, apparemment de mauvais poil.

Elle se radoucit un tout petit peu en saluant Morgane, Mélusine et Oriande. Puis retrouve son air revêche en me voyant.

— Eh bien, tu es fier de toi, j'espère ? me demande-t-elle. Tu as bien fait parler de ta petite personne, en tout cas.

Je me contente de soutenir son regard sans rien lui répondre. S'imagine-t-elle vraiment que j'ai fait exprès ? Si j'avais voulu dévoiler l'existence des créatures surnaturelles, je m'y serais pris d'une façon beaucoup plus directe.

Grand-mère finit par céder la première et me laisse passer. J'entre sans un mot, happé par le brouhaha qui règne en ces lieux.

Le salon est plein à craquer de toutes sortes de tantes et cousines. Toutes se mettent à chuchoter furieusement entre elles en me jetant des regards qu'elles s'imaginent discrets. Ou peut-être pas, d'ailleurs. Plus que jamais, je suis une bête de foire.

Je soupire. Je sens que mon séjour ici va être encore plus pénible que d'habitude. Et pourtant je me dis ça à chaque fois.

Nous allons déposer nos cadeaux sous le sapin disposé dans le salon. Il est en pot et sera ensuite replanté dans la nature, car les fées évitent de couper des arbres pour rien. Comme chaque année, l'arbre qui monte jusqu'au plafond est couvert de décorations. Des plumes d'oiseau multicolores se mêlent aux branches de baies rouges. Des cierges magiques réellement magiques (c'est-à-dire dire qui ne s'éteignent pas et continuent à faire des étincelles) crépitent. Au sommet, l'étoile rosée est en quartz enchanté.

Mélusine vient me coller.

— Tu m'as acheté un cadeau sur ma liste, hein ? s'inquiète-t-elle. Pas un truc nul ?

Je garde le visage neutre pour ne pas lui donner d'indice.

— Je t'ai acheté un dictionnaire, je lui dis. Pour que tu t'exerces en lecture et en orthographe.

Elle plisse les yeux.

— Même pas vrai.

Pour autant, elle paraît un peu inquiète.

Grand-mère tape dans ses mains, me faisant sursauter.

— Allons, tous à table, à présent que les retardataires sont enfin arrivés.