Chapitre 43

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Je passe toute la journée et celle d'après à m'inquiéter de la possible insatisfaction de mon petit ami. Auguste se comporte comme d'habitude et ne semble pas être sur le point d'éclater de frustration. Mais il est peut-être simplement un bon acteur capable de cacher son impatience.

J'ai regardé sur internet. Apparemment, l'âge moyen du premier fricotage sérieux chez les garçons est de 17,4 ans et, moi, je n'en ai que 15 et demi. Mais ma propre jumelle s'est visiblement déjà lancée. Mon colocataire aussi, peut-être. Cela veut sans doute dire que les créatures surnaturelles ont tendance à faire baisser la moyenne générale, et...

Ma gorge se serre. Je pense à un autre sujet pour éviter de m'enfoncer encore davantage. Je pourrais songer à... à mon succès sur les réseaux sociaux, par exemple. Je n'ai pas parlé de la lettre de la journaliste à Auguste ou Morgane. Il est vrai qu'elle n'est pas d'une grande importance. Je l'ai jetée à la poubelle, ce qui règle le problème. Que peut faire en retour cette Aurélie Blancard ? Une vidéo TikTok intitulée : "J'ai écrit à Viven Guyonvarc'h et il ne m'a pas répondu" ? Pas très vendeur.

Ce constat me soulage et je me mets à avancer avec un peu plus de légèreté. Avec un peu de chance, toute cette histoire est derrière moi. Je n'ai plus qu'à me concentrer sur mes études et sur le tournoi interespèces. Et sur mon petit ami qui paraît désireux de... de passer à un niveau supérieur. Je vais le faire. Je peux le faire. La prochaine fois que nous nous retrouverons seuls tous les deux, je me déshabillerai, et... Et on verra bien ce qui arrive.

Nous sommes le mardi soir à 18 h et je me rends sans conviction vers la bibliothèque où, d'après Morgane, Hector est supposé me retrouver. Je prends soin d'avoir dix bonnes minutes de retard lorsque je franchis les portes.

Je jette un coup d'œil discret dans la pièce principale, espérant que le boutonneux ne sera pas venu ou déjà reparti. J'aperçois malheureusement une masse jaune assise sur une chaise. Je n'ai plus qu'à me diriger vers elle en traînant autant les pieds que possible.

Le magicien attend que je ne sois plus qu'à un mètre pour daigner lever les yeux vers moi. Sa bouche reste fermée, bloquée dans son habituelle moue dédaigneuse.

— Bonjour, je lui lance parce que Maman me répète souvent qu'il faut rester poli en toutes circonstances.

Poli, mais ferme.

Le magicien agite vaguement la main.

— Salut.

J'ai l'impression d'avoir dû lui arracher ce mot des lèvres.

Je tire une chaise et observe son visage ingrat, me demande ce que ma jumelle lui trouve. Certes, sans ses boutons, je suppose qu'il serait regardable, malgré l'air boudeur qui ne le quitte jamais. Quand j'étais petit, Grand-mère prétendait que l'on pourrait rester coincé à vie dans cette expression si un coup de vent passait au moment d'une grimace. C'est peut-être ce qui est arrivé à ce type, qui sait ? Même si je n'accorde pas vraiment foi aux mots qui sortent de la bouche de Grand-mère.

S'il était sympathique, je ne trouverais rien à redire sur son physique. Après tout, les humains n'ont pas la chance de bénéficier de la peau sans défaut des fées qui nous permet d'échapper à la période ingrate de l'acné.

La table devant laquelle nous sommes assis est recouverte d'une pile de gros bouquins à la couverture qui respire l'ennui. Hector, un stylo-bille à la main, est en train de noircir une copie double.

— J'ai déjà commencé l'exposé, m'informe-t-il en désignant ses notes du menton.

Je fronce les sourcils.

Le lycée des Surnaturels (tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant