Chapitre 47

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Le mois de mars est remplacé par un avril plutôt ensoleillé. Le parc se réveille et se couvre de fleurs. La boue dont étaient composées toutes les allées sèche par endroit et je n'ai plus besoin de nettoyer systématiquement mes chaussures à chaque fois que je sors. Et c'est tant mieux, car Morgane profite du retour du soleil pour intensifier encore davantage nos séances d'entraînement au petit matin et fait la sourde oreille quand je me plains de mes courbatures pourtant nombreuses et douloureuses. Je me demande presque si je ne préférais pas la période où elle me faisait la tête à vie. Au moins, il m'était permis de faire la grasse matinée, agréablement blotti sous mes couvertures, bien au chaud.

— Aller p'tit frère, encore une fois, est-elle en train de me crier depuis le sol.

Parfois, elle s'entraîne en même temps que moi. Parfois, elle se contente de me tyranniser, les mains dans les poches, comme aujourd'hui.

Je réprime un juron, serrant les dents pour canaliser la douleur qui pulse dans mes muscles. Mes ailes, tout aussi endolories que moi, continuent à battre avec acharnement, refusant de céder au découragement. Puis, soudain, tout change. Je sens une étrange stabilité m'envahir. Mon corps cesse d'avancer. Pour autant, le sol reste loin sous mes pieds. Je ne tombe pas. Je ne tombe pas du tout. Je... Je suis en vol stationnaire ?

Stupéfait, je me contorsionne pour me retourner et voir ce qui se passe dans mon dos. Mes ailes ne sont plus qu'un flou tourbillonnant, une masse d'énergie pure, presque invisible tant elles battent vite. Je ne distingue que quelques éclats de lumière scintillants.

Une vague de fierté et de surprise m'envahit, me laissant à la fois exalté et incrédule. J'ai réussi !

J'entends un applaudissement venir d'en bas.

— Bravo Vivien ! s'écrie Morgane. Je savais bien que tu finirais par y arriver !

Je bombe le torse, ce qui entraîne un léger déséquilibre qui me fait me remettre en mouvement. Mais peu importe. Je maîtrise le vol stationnaire ! Moi ! Le garçon fée magicien naguère complètement nul.

Après une petite pirouette aérienne triomphante, je me laisse glisser vers le sol, tout content. Morgane tend la paume vers moi pour que je lui fasse le check que nous avions inventé quand nous étions enfants et qui consiste à se taper la main à plusieurs reprises en variant les mouvements d'une savante façon.

— Parfait, lance ma jumelle. À présent nous allons enfin pouvoir passer à l'exercice suivant. Il faut absolument que tu apprennes à voler à travers des obstacles. On pourrait utiliser les anneaux de la salle de gym, et...

Je cesse d'écouter, découragé par avance. Typique de Morgane. Une fois une étape franchie, il faut se ruer vers la suivante. Avec elle, j'ai l'impression de vivre dans un jeu vidéo où il faut sans cesse passer au niveau suivant. Certes, j'aime les jeux vidéos. Mais quand je suis devant mon écran, tranquillement installé sur mon fauteuil pendant que Geralt de Riv affronte les monstres pour moi.

Je jette un coup d'œil à mon portable.

— Je n'en ai pas le temps aujourd'hui, j'annonce sur un ton faussement navré. Je suis attendu en cours de magie.

Ma jumelle plisse les paupières avec méfiance. Mon ton sonnait sans doute plus faux que navré.

— Bon. Demain, alors.

Je replie mes ailes.

— Oui oui.

Sauvé par le gong.

Après une douche plus qu'expéditive, je me précipite vers la salle de magie parce que ce n'était pas seulement une excuse pour m'échapper. Lorsque j'arrive, je regrette cependant de ne pas avoir "oublié" de venir, car M. Marlin a deux copies doubles dans les mains et je crains fort de savoir de quoi il s'agit.

Le lycée des Surnaturels (tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant