Le lycée des Surnaturels (tome 2)

Chapitre 36

Ma correspondante me baragouine quelque chose que je n'écoute pas. À quoi bon ? C'est en anglais et je n'ai pas le cœur aujourd'hui à être doué pour les langues vivantes. J'ai juste envie de... De revenir en arrière dans le temps, à l'époque où Auguste Koch avait quelque chose à faire de moi, même s'il n'a jamais répondu à ma déclaration d'amour. Et qu'il ne le fera plus jamais.

La pente se fait plus raide. Un vent à décorner les bœufs me tourne autour en sifflant furieusement. Je continue à suivre Moira sans réfléchir. J'ai l'impression que nous sommes en train de gravir une sorte de montagne plantée bizarrement en plein cœur d'Edimbourg. Ma correspondante a déclaré vouloir me remonter le moral après la fin des cours que j'ai suivis dans un état second. Je ne vois pas en quoi faire de l'alpinisme est censé guérir un cœur brisé.

Un profond soupir s'échappe de mes lèvres. Je savais que ce jour risquait de venir un jour et je m'y étais préparé. Du moins, j'avais cru m'y être préparé. J'avais tout fait pour me répéter encore et encore que notre relation n'était que temporaire. Ce qui ne devrait pas me poser de problème, puisque je suis une fée et que les fées ne s'attachent pas. Alors pourquoi... Pourquoi est-ce que cela fait autant mal ?

Je croise les bras sur ma poitrine. Je voudrais pleurer, mais mes yeux restent secs, comme s'ils n'étaient plus capables de produire la moindre goutte. Peut-être sont-ils cassés.

Sa correspondante ! Pourquoi fallait-il que sur toutes les louves de la planète son âme sœur se trouve être sa correspondante ? Cela n'aurait pas pu être... je ne sais pas, moi... une fille qui vit à l'autre bout du monde, en Australie, et qui déteste voyager et vit enfermée dans sa maison sans jamais en sortir, sauf pour relever son courrier.

C'est peut-être la lune qui est intervenue. Après tout, son rôle consiste à faire se rencontrer les âmes sœurs, apparemment. Elle se montre un peu trop compétente à mon goût.

Moira s'est arrêtée à un sommet et paraît attendre que je la rejoigne.

En temps ordinaire, je suppose que j'aurais pu admirer la vue plongeante sur Edimbourg. Je me serais sans doute assis sur une pierre et j'aurais regardé tout autour de moi avec curiosité. Aujourd'hui, je me contente de rester planté là, les yeux dans le vague. Je pourrais tout aussi bien être en train d'admirer un local poubelle.

— Allons Vivien, rejoins-moi !

Je tourne la tête vers ma correspondante avec indifférence.

— Pourquoi ?

— Nous allons nous exercer au principe de la vibration.

— Ici ? je demande d'une voix atome.

Moira hoche la tête.

— Agir en pleine nature est souvent plus efficace que d'être enfermé dans une pièce. Ma grand-mère me l'a souvent répété. Mrs McLeod aussi.

Je hausse les épaules.

Après tout, peu m'importe que nous soyons vus par d'autres promeneurs. J'ai bien sorti mes ailes devant une caméra sur le sommet de la tour Eiffel, alors bon. L'humanité a déjà été plus ou moins informée de notre existence par ma seule faute. Au pire, Grand-mère inventera une nouvelle bombe ou je ne sais trop quelle excuse.

Moira agite trois doigts. Je la vois tricoter un sort tout entortillé. L'instant d'après, les cailloux autour de moi se mettent à me tourner autour, comme si j'étais une planète et, elles, des satellites attirées dans mon orbite.

— Essaie de récupérer la vibration ! me demande Moira.

Je n'en ai pas la moindre envie, mais je suppose que lui obéir est le meilleur moyen pour qu'elle me laisse tranquille ensuite et pour que je puisse me morfondre autant que je le veux.