Chapitre 30

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Nous rentrons trempés, mais de bien meilleure humeur. Nos imperméables se mettent à goutter sur le carrelage de l'entrée, formant des flaques étincelantes. Je retourne mes bottes. Une véritable petite mare s'est installée à l'intérieur parce que la pluie y est entrée depuis le haut.

Je renifle en retirant mes chaussettes détrempées, un frisson parcourant mon dos. Une délicieuse odeur de tomates et d'oignons s'échappe de la cuisine dans laquelle Maman s'affaire avec énergie. Mon ventre gargouille bruyamment, me rappelant que le petit-déjeuner est loin.

Je passe la tête dans le salon.

— Nous sommes de retour !

Mélu, concentrée, a rangé sa dînette et lit à mi-voix un livre pour petits.

— OK ! dit-elle sans lever les yeux, trop absorbée par sa lecture.

Oriande trottine dans la pièce de son pas malhabile. Elle manque de tomber et se rattrape de justesse à la table basse sur laquelle est posé le bouquet défraîchi de M. Marlin.

— Fais attention Ori, je lui dis en m'approchant.

Mais elle ne m'écoute pas. Dressée sur la pointe des pieds, les sourcils froncés par la concentration, elle vient d'empoigner les tiges du bouquet avec détermination, ses petites mains fermement serrées autour des tiges desséchées. Je m'apprête à me lever pour intervenir lorsque quelque chose d'incroyable se déroule sous mes yeux.

Les pivoines flétries et sans vie commencent à redresser leurs dos. Le mouvement est lent mais perceptible, comme si une force invisible les soulevait. Leurs pétales roses et blancs frémissent, vibrent doucement avant de se lisser, reprenant leur texture douce et soyeuse. Ils se redéploient avec grâce et s'ouvrent largement, comme s'ils venaient tout juste d'être cueillis au petit matin.

Oriande, toujours sur la pointe des pieds, lâche alors les tiges et s'assied sur son derrière avec satisfaction.

J'en reste une seconde bouchée bée, avant de crier :

— Maman ! Maman ! Oriande vient d'utiliser un pouvoir !

J'entends des pas précipités derrière moi et une voix s'exclame :

— Oriande, mon cœur, tu es une fée des plantes ! Comme ta maman !

Elle soulève la petite et lui plante un gros bisou sur la joue.

— Non non ! Fleurs !

Maman la repose au sol, toute souriante.

— Oh, c'est merveilleux. Morgane dispose de l'air. Et Vivien et Mélu sont liés à l'eau, et...

— Vivien est lié au feu, l'interrompt Morgane derrière moi. C'est ce que Mme Bihan a déterminé.

Maman pousse un petit cri.

— Mais enfin Vivien, pourquoi ne m'en as-tu rien dit ?

— Je n'y ai pas pensé, j'admets très sincèrement. Et il est inutile de s'emballer. Mes pouvoirs féeriques ne sont pas très puissants...

Ma mère me presse dans ses bras, m'empêchant presque de respirer.

— C'est normal, mon petit chéri. Il faut que tu exerces ton don. Tante Rosalie accepterait peut-être de te prendre en stage deux semaines cet été ?

Je frémis d'horreur à cette idée. Tante Rosalie est presque aussi horrible que Grand-mère, sa sœur aînée. Je ne survivrai pas à deux semaines passées avec elle.

Je m'échappe de cette étreinte maternelle en me tortillant comme un ver.

— Hum... On verra d'ici là.

Le lycée des Surnaturels (tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant