Chapitre 58

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Je suis consolé, le lendemain, par un cours de vol qui se passe plutôt bien. Je ne me cogne à rien du tout. Je vole plutôt droit et je parviens même à passer à travers le cerceau le plus large du gymnase, celui qui ne nécessite pas de replier ses ailes pendant l'intervention.

Je sors des vestiaires relativement satisfait de moi-même. Je suis encore le plus mauvais du cours de vol, soyons honnête. Mais je ne suis pas si loin derrière la fée la moins mauvaise. Et j'ai cessé de me ridiculiser en permanence. Même que Morgane m'a adressé un petit signe de tête appréciateur à la fin du cours et ma jumelle est plutôt avare en compliments.

Je m'immobilise un moment pour mieux caler mon sac de sport sur l'épaule. Mes ailes sont de retour dans mon dos, mais je les sens également contentes. Si je réussis à me débrouiller aussi bien dans les autres matières je... je devrais finir par devenir un lycéen fée/magicien et un peu loup accompli. Qui aurait cru cela il y a quelques mois ?

Le temps est bien plus agréable qu'avant les vacances. Il ne pleut plus sans arrêt et le soleil est suffisamment chaud pour procurer de la chaleur. De nombreux élèves en profitent. Les loups mâles, notamment, ont repris l'habitude de se balader dans le parc torse nu, pour se transformer plus rapidement, je suppose. Un certain nombre de filles en profitent pour se rincer l'œil. Pas moi, bien sûr. D'ailleurs, le torse d'Auguste est plus beau.

Je souris tout seul en me rappelant que je vais d'ailleurs avoir l'occasion de l'admirer d'ici quelques minutes, car l'alpha nous a convoqués pour une nouvelle réunion d'équipe.

Je me remets en route gaillardement. Même le tournoi me stresse moins qu'avant. Sauf quand j'y pense. Dans ces cas-là, je me mets à hyperventiler en imaginant toutes les façons que j'aurais de me rendre parfaitement ridicule. Enfin...

Mes mains se crispent sur les lanières de mon sac et je décide de chasser ces mauvaises idées de mon esprit. Voilà, je suis de nouveau de bonne humeur.

Alors que j'étais en train de me diriger vers notre lieu d'entraînement habituel, je remarque tout un attroupement de fées est rassemblé autour d'un jeune homme assez grand qui dépasse du cercle qu'elles forment. J'entends des chuchotements et des gloussements depuis l'endroit où je suis. Ce qui est curieux c'est que l'objet de leur excitation ne porte pas l'uniforme réglementaire. Je ne crois pas l'avoir déjà vu. Il est trop jeune pour être un professeur, je suppose.

Ma vague curiosité ne m'empêche pas de poursuivre mon chemin sans chercher à éclaircir ce mystère. J'ai à faire. D'ailleurs, après l'entraînement, si nous ne terminons pas trop tard, je vais me rendre à la bibliothèque pour étudier la magie humaine, car, oui, je suis devenu un élève studieux depuis la rentrée des vacances de Pâques. Qui était hier, certes, mais il me suffit de continuer sur ce bon rythme et je devrais survivre aux examens et au tournoi interespèce qui, à bien y réfléchir, est surtout un mauvais moment à passer.

— Hé ! crie quelqu'un derrière moi.

Je ne me sens pas concerné au départ, jusqu'à ce qu'une main tapote mon épaule. Je n'ai alors plus d'autre choix que de m'arrêter et me retourner. Je tombe alors sur un visage souriant. C'est le type de tout à l'heure qui est parvenu à se débarrasser d'une mystérieuse façon de son groupe d'adoratrices. En le voyant de plus près, je constate qu'il est effectivement plutôt esthétique, quoique pas du tout du même genre qu'Auguste. Tandis que mon petit ami est tout en muscle, cet individu-là est mince, grand et à un visage harmonieux aux traits fins. Ses cheveux noirs et lisses trahissent des origines asiatiques.

— Salut, me dit-il en me souriant. Tu dois être Vivien, l'un des deux magiciens de seconde. Je suis Zang.

Mes yeux s'agrandissent.

— Oh oui, c'est vrai, le nouvel élève magicien. Le proviseur nous avait informés de ta future arrivée. Bienvenue en France. Tu n'as pas encore d'uniforme ?

Il enfonce les mains dans les poches de son blouson léger.

— Non, pas encore. Et je ne suis pas si pressé. À vrai dire, je ne suis pas un grand fan de cette couleur jaune.

— Ce n'est pas jaune mais doré, je le corrige distraitement.

Les lèvres du magicien s'étirent légèrement.

— Si tu le dis... Et toi, pourquoi es-tu en vert ? Enfin, si j'utilise le bon terme.

— Oh, c'est parce que je suis une fée en plus d'un magicien. Et un peu un loup. Mais pas beaucoup.

Zang cligne des paupières, l'air perdu. Je me racle la gorge et change de sujet avant de passer pour un cinglé complet.

— Vous n'aviez pas d'uniformes dans ton ancien lycée ?

— Si, bien sûr. Mais ils étaient identiques pour toutes les créatures. Après tout, pourquoi différencier ainsi les gens ?

Je hausse les épaules. J'ignore pour quelle raison l'Institut tient autant à nous distinguer. Nous avons nos différences, c'est vrai, mais ne devrions-nous pas rester unis face aux humains ? Prenez le village féerique de Paimpont. Il est interdit aux autres créatures surnaturelles depuis la nuit des temps. Pour quelle raison ? Je n'en sais rien. Parce qu'il a toujours été dirigé par des individus fermés d'esprit comme Grand-mère ? Nous sommes pourtant au XXIe siècle.

— Je n'en ai pas la moindre idée, je finis par répondre. Mais la raison derrière est probablement débile.

Zang se met à rire comme si je venais de faire une bonne blague.

— Tu as raison. Dis, on pourrait peut-être s'entraîner parfois ensemble ? suggère-t-il. Le programme scolaire n'était pas le même en Chine. Je suppose que je dois avoir de l'avance sur certaines choses et du retard sur d'autres.

Je lui jette un regard surpris.

— Euh... si tu veux... Mais... euh... je dois t'avouer que... enfin... que je ne suis pas très doué...

Vous noterez que j'ai choisi de dire "pas très doué" plutôt que "nul". Je travaille en ce moment à gagner en confiance envers mes capacités. D'après Morgane, il s'agit de la clef du succès. D'ailleurs, ça a plutôt bien marché avec le vol.

— Peu importe ton niveau, me répond cependant Zang. Je trouve qu'on progresse toujours plus vite quand on travaille à deux.

Je hoche à nouveau la tête. C'est aussi ce que M. Marlin avait affirmé.

Ce nouvel élève a l'air beaucoup plus sympathique que Hector. Certes, c'est loin d'être un exploit, mais je tiens tout de même à le noter. Peut-être même que nous pourrions devenir amis ? Ça serait sympa d'avoir un ami magicien avec qui je pourrais échanger... euh... des techniques secrètes de magiciens ? Il doit certainement y en avoir. M. Marlin serait sans doute ravi de m'en donner si j'acceptais d'aller boire le thé avec lui, mais, je ne sais pas, je me sens toujours mal à l'aise à l'idée de fréquenter mon géniteur plus que nécessaire. Sans compter que Morgane serait furieuse, si elle l'apprenait.

Zang et moi échangeons encore quelques mots polis avant de nous séparer. Je m'éloigne, un petit sourire aux lèvres. Oui, peut-être que je viens de me faire un ami.

Je remarque alors Auguste qui m'attend un peu plus loin. Le loup a les yeux fixés sur quelque chose que je ne peux pas voir.

— Qui était ce type ? me demande-t-il.

Je me retourne pour découvrir l'objet de son attention. C'est tout simplement le dos de Zang qui s'éloigne.

— Lui ? Un nouvel élève magicien. Il est très sympa.

— Hum... Et qu'est-ce qu'il te voulait ?

— Se présenter, tout simplement. Il vient de Chine, tu sais ?

— Ah...

Son visage reste fermé et il continue à regarder dans la direction de Zang qui n'est pourtant plus visible.

— On va à l'entraînement ? je finis par suggérer.

Auguste sursaute et me regarde enfin.

— Oui.

Je m'empare d'autorité de sa main et nous nous mettons en route. 

Le lycée des Surnaturels (tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant