Le lycée des Surnaturels (tome 2)

Chapitre 39

La queue au comptoir des boissons et sandwichs est interminable. Je me mets tout au bout et prends mon mal en patience. Je vais en profiter pour être studieux et réviser mes hiéroglyphes.

Je soupire en contemplant la liste toujours aussi interminable de signes. J'avais prévu de travailler davantage en Écosse, mais avec ce qui est arrivé à Auguste, j'ai eu la tête ailleurs, et... Enfin, c'est tout de même compréhensible, non ?

Mon portable se retrouve entre mes mains sans que je ne me souvienne de l'avoir sorti. Hop ! TikTok s'ouvre (presque) tout seul. Bon, je peux quand même m'accorder une pause de quelques minutes. Ce n'est d'ailleurs pas pour me distraire. C'est pour surveiller ce qui se dit sur les réseaux sociaux à mon sujet, et... Oh, il y a justement une nouvelle vidéo ayant mis mon nom dans les tags et même dans son titre. Oui, je suis devenu un tag de TikTok. Plusieurs, même, car beaucoup de gens font des fautes dans mon nom de famille (jusqu'à 5 fautes). Ce n'est pas le cas pour celle d'aujourd'hui qui s'intitule : « j'ai discuté avec Vivien Guyonvarc'h".

Allons bon. Encore un ramassis de bêtises.

Je m'apprête à faire glisser la vidéo vers le haut lorsque le nom et le portrait de la personne ayant posté la vidéo apparaissent et me font sursauter. Il s'agit de la journaliste qui m'a téléphoné l'autre jour, cette Aurélie Blancard ! Elle est plus jeune que je ne l'avais pensé. Elle ne doit avoir que quelques années de plus que moi. Et nous avons réellement discuté ensemble !

Discuter est quand même un grand mot. Disons qu'elle a essayé de me tirer les vers du nez pendant que je feignais d'être quelqu'un d'autre. Je me doutais bien qu'elle ne m'avait pas cru lorsque j'avais affirmé être un marin pêcheur de Brest. J'aurais dû prendre une voix plus grave. Ou inventer autre chose. Mais qui a dit que j'étais doué pour l'improvisation ?

Je laisse la vidéo défiler. J'enfile mes écouteurs pour pouvoir entendre le son.

« Salut tout le monde », déclare la jeune femme en affichant un sourire digne d'une pub de dentifrice. « C'est Aurélie Blancard, journaliste indépendante. Vous avez sûrement tous vu cette vidéo virale d'un garçon fée volant autour de la tour Eiffel. Eh bien, j'ai réussi à parler à ce mystérieux Vivien ! Voici ce qui s'est passé ».

À ce moment-là, on entend la sonnerie d'un appel en cours et l'écran devient noir.

« Allô ? ».

Saperlipopette ! C'est ma voix ! Cette journaliste m'a enregistré ! Est-ce que c'est légal d'enregistrer quelqu'un sans son accord ? Je n'en suis pas sûr. Enfin, ce n'est pas comme si je pouvais aller me plaindre au commissariat de police !

« Ai-je bien Vivien Guyonvarc'h à l'appareil ? ».

« Euh... Euh... Qui est à l'appareil ? ».

Ai-je réellement une voix aussi aiguë et ridicule ?

J'écoute le reste de la conversation en me mordant le bout du pouce.

« Votre voix n'est pas celle d'un marin-pêcheur de quarante-cinq ans », est en train de dire la journaliste. « Pouvez-vous me confirmer que vous êtes un garçon fée ? ».

Cliq. On m'entend raccrocher précipitamment, ce qui me donne éminemment l'air d'être coupable.

Un texte s'affiche sur l'écran : « Vivien a-t-il dit la vérité ? C'est ce que notre enquête vérifiera ! ».

Aurélie Blancard réapparaît en souriant de plus belle.

« Vivien a nié être le garçon fée. Mais nous pouvons supposer que les fées sont très secrètes. Alors, est-il vraiment celui que nous cherchons ? ».