Chapitre 64

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Le jour de la première épreuve finit par se pointer bien trop vite à mon goût. La bonne humeur et la confiance que j'avais ressenties lors de notre sortie clandestine se sont envolées depuis longtemps. La perspective du tournoi me stresse tant que je me persuade pendant un moment que je suis atteint de gastro-entérite, tant j'ai mal au ventre. Au fond, cela n'aurait pas été si mal. Être malade m'aurait peut-être dispensé des épreuves à venir. Ou alors l'infirmière m'aurait guéri en trois secondes et m'aurait ensuite forcé à retourner au front.

La culpabilité me noue encore davantage les entrailles. Non, je ne dois pas penser ainsi à me défiler. Mon équipe compte sur moi. Je suis leur magicien et l'une de leur fée. Certaines parties de l'épreuve reposeront certainement sur moi.

Déjà vêtu de ma tenue de sport, je petit-déjeune avec Auguste et Jérémie, l'estomac noué. J'ai passé la nuit à m'angoisser, incapable de m'endormir. Plus je m'enjoignais à me reposer, plus je me sentais éveillé. J'ai quand même dû sombrer à un moment ou à un autre dans le sommeil, car la sonnerie de mon alarme me réveille en plus milieu d'un cauchemar où je me ridiculisais devant tout le monde, car mes ailes avaient décidé de sortir au niveau de mes chevilles au lieu de mon dos, ce qui m'obligeait à voler la tête en bas, en plus d'avoir l'air ridicule.

"Ne me faites pas ce coup-là", je pense fermement.

J'ai l'impression d'entendre mes ailes ricaner. Apparemment, mon rêve les a bien fait marrer. Tant mieux pour elle.

Tandis que la cantine se vide, nous sommes rejoints par les autres membres de l'équipe et nous nous dirigeons tous ensemble vers le lieu de rendez-vous fixé pour la première épreuve, quelque part dans le parc.

Nous sommes accueillis par un brouhaha impressionnant. Apparemment, tout le lycée a l'intention d'assister au tournoi.

Des caméras volantes enchantées nous tournent déjà autour pour immortaliser l'événement. Elles serviront également aux élèves des autres années de suivre les épreuves depuis un écran géant placé devant l'entrée. Des gradins temporaires ont été disposés tout autour. Mme Bihan est assise au premier rang. Elle est en train de sortir de son sac des aiguilles à tricoter et trois pelotes de couleurs différentes. Apparemment, elle estime que les épreuves ne seront pas suffisamment passionnantes pour se contenter de les regarder sans rien faire d'autre.

Les élèves de première et terminale bavardent tranquillement entre eux ou consultent leurs portables, pas stressés pour un sou. Je suppose que, moi aussi, je me laisserais gagner par l'excitation, si je n'étais pas obligé de participer. Quant aux élèves de ma tranche d'âge, ils paraissent bien plus nerveux et sont rassemblés dans un coin.

M. Marlin s'avance vers nous et je peux vous assurer qu'il paraît être le plus surexcité de tous.

— Bienvenue au tournoi interespèces, chers élèves de seconde ! s'exclama-t-il en écartant grand les bras.

Toutes les caméras viennent voler autour de lui en se battant presque pour avoir le meilleur angle de vue. Bong ! Deux d'entre elles entrent en collision. La première tombe par terre mais se renvole aussitôt, l'air un peu sonné.

— Comme il est de tradition, la première épreuve sera une épreuve de vitesse sous la forme d'une course dans tout le parc de l'Institut. La course commence par une plongée dans le lac. Elle se poursuivra ensuite à travers la forêt. Nous finirons ensuite dans les airs. La ligne d'arrivée est fixée au sommet de la tour de l'horloge.

Je lève la tête pour suivre le geste qu'effectue le proviseur. J'aperçois une arche lumineuse qui scintille dans les airs. J'avale ma salive de travers en comprenant que cela signifie que ce sera aux fées de terminer la course ! J'espérais pouvoir passer le premier, pour me débarrasser de cette corvée.

L'excitation du proviseur paraît monter encore d'un cran.

— Sachez que cette course sera agrémentée de quelques pièges pour pimenter un peu les choses ! Ça ne serait pas très amusant sinon.

Je retiens un grognement. Mon géniteur et moi-même n'avons décidément pas le même humour.

J'aperçois Morgane non loin de là, le teint encore plus verdâtre qu'avant l'une de ses courses habituelles. Même Hector prend soin de rester à une certaine distance d'elle, craignant sans doute qu'elle vomisse sur ses baskets toutes blanches de magicien frimeur.

Auguste nous fait signe de nous rapprocher les uns des autres pour nous concerter.

— Très bien les amis. Voici l'ordre de passage que nous allons suivre : Jérémie, Nour, Lisa, moi, Titania puis Vivien. Méfiez-vous des pièges et rappelez-vous nos entraînements.

Je suppose que je devrais faire un discours, en tant que chef d'équipe officiel. Mais je n'ai pas d'inspiration et préfère éviter de raconter n'importe quoi. D'ailleurs, personne ne réclame que je prenne la parole. Tout le monde a hoché la tête après les instructions d'Auguste et cela paraît suffisant.

Jérémie est déjà en train de se diriger vers le lac en retirant son t-shirt, couvé du regard par Nour. Lisa trottine vers sa position. Titania laisse sortir ses belles ailes violettes et noue ses longs cheveux en un gros chignon.

Auguste plante un baiser sur mes lèvres.

— À tout à l'heure, garçon fée.

— Humph, je lui réponds pour lui souhaiter bon courage.

À force de me fréquenter, il doit avoir fini par comprendre mon langage, car il me répond :

— À toi aussi.

Je le regarde s'éloigner en m'émerveillant, comme toujours, de la grâce de ses mouvements.

— Faisons de notre mieux, Vivien, me lance Titania en faisant glisser ses lunettes de vol sur son nez. Il n'y a pas trop de vent. Les conditions atmosphériques sont excellentes pour une bonne petite course. 

Elle s'élève gracieusement pour se mettre en position. Je suppose que je devrais en faire de même.

Pendant un moment, je crois que mes ailes vont tout simplement refuser de sortir. On dirait qu'elles ont le trac.

— Allez allez, je les gronde à mi-voix. Cela ne sera pas aussi pénible que de suivre un ferry jusqu'en Écosse. Sans compter que nous nous sommes beaucoup entraînés, depuis.

Elles finissent par m'obéir, sans sortir par mes chevilles, et j'imite Titania avec un instant de retard.

J'arrive rapidement à la position qu'Auguste m'avait désignée. Je fais alors vibrer mes ailes pour rester sur place. Mon corps s'immobilise dans les airs. Je bombe le torse, satisfait de mon vol stationnaire qui me paraît exemplaire.

L'une des caméras volantes est si proche de moi qu'elle me frôle presque. J'ai l'impression d'être accompagné par un moustique géant. Heureusement, elle finit par me lâcher pour aller s'intéresser à d'autres concurrents. Je ne devais pas lui apparaître assez intéressant.

Je regarde tout autour de moi, cherchant des indices sur les obstacles qui m'attendent. A priori, je ne distingue nulle part des colonnes de feu, contrairement à ce qu'avait prédit ma jumelle. En parlant de cette dernière, je la vois en train de flotter à une dizaine de mètres de là, à la même hauteur que moi.

Oh non... Je suis contre Morgane ! Ce qui signifie que je n'ai aucune chance. D'abord parce qu'elle est beaucoup plus rapide que moi, malgré son aile blessée. Ensuite parce qu'elle ne me pardonnerait jamais de franchir la ligne d'arrivée avant elle dans l'hypothèse farfelue où je me trouvais à être en tête.

Puis je songe à autre chose. Être juste un magicien n'a aucun intérêt dans cette course. Les magiciens et les magiciennes ne sont que des humains. Ils nagent mal, ne savent pas voler et n'ont pas les muscles surdéveloppés des loups ou des vampires. Ce qui veut dire que Hector est un poids mort dans cette épreuve ! Ha !

Être en hauteur a des avantages indéniables pour suivre ce qui se passe. De là où je suis, je peux voir les loups et les louves - désormais tous sous leur forme animale - en train de se mettre également en position dans la forêt. Les vampires sont déjà prêts, évidemment. Quant aux sirènes et tritons, ils sont en train de s'humidifier le corps pour faire apparaître leurs queues de poisson. Oh, ils se mettent soudain en position. La course doit être sur le point de commencer !

Le lycée des Surnaturels (tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant