Le lycée des Surnaturels (tome 2)

Chapitre 32

Les gouttes glissent le long de mon visage, se mêlant à la sueur froide qui perle sur ma peau. Mon cœur bat la chamade et mon regard reste fixé sur le bateau qui s'éloigne inexorablement du quai. Chaque seconde qui passe le fait paraître plus distant.

Une vague d'impuissante m'envahit. Si je savais courir sur l'eau, je pourrais sans doute le rejoindre en moins d'une minute. Au lieu de cela, je suis coincé ici comme un idiot. Comme un criminel, même, puisque je viens de m'évader d'une cellule. Bon, ce n'était techniquement pas une vraie cellule, mais cela s'en rapprochait.

Je jette un regard nerveux derrière moi. Et si le douanier qui m'a arrêté tout à l'heure se rendait compte de ma fuite ? Je n'ai pas envie d'être arrêté par la police et jeté définitivement en prison ! Oh là là. C'est la première fois que j'ai fait quelque chose d'aussi illégal (si l'on fait abstraction du cassage de la tour Eiffel, bien sûr) ! Est-ce que cela me vaudrait réellement une peine de prison ? Ou une interdiction de séjour sur le sol britannique ?

Paniqué, je me dandine d'un pied sur l'autre. Qu'est-ce que je vais faire ? Qu'est-ce que je vais faire ? Qu'est-ce que je vais faire ?

Je lève les yeux pour examiner le ciel. Il fait désormais nuit noire. Sur le bateau, mes camarades doivent être en train de s'apprêter à dîner un bon petit repas bien chaud.

Mon ventre gargouille. Je n'ai pas non plus la moindre nourriture sur moi. Je ne possède rien d'autre que les vêtements que je porte. Et mes pouvoirs, bien sûr, et...

Je me fige. Une idée folle vient de traverser mon cerveau. Une idée qui n'aurait jamais dû apparaître, mais je ne contrôle malheureusement rien de ce qui se passe à l'intérieur de mon crâne. Et si j'utilisais mes ailes pour rejoindre le bateau ?

Je secoue la tête. Non. Je ne dois pas laisser transparaître ma nature ici, à un endroit où n'importe quel humain pourrait être en train d'enregistrer une vidéo pour faire le buzz sur TikTok.

Je scrute les environs. Personne en vue. Le seul mouvement perceptible, à part les gouttes qui tombent du ciel, est celui du bateau qui s'éloigne de plus en plus. Désormais, il ne serait pas si facilement atteignable à pied.

La part audacieuse de mon cerveau essaie de convaincre la part raisonnable. La situation est après tout très différente de celle de décembre. La tour Eiffel est un monument mondialement connu. Il n'est donc pas si étonnant qu'elle soit sans cesse filmée. Mais ce n'est pas le cas du port de Roscoff. Qui connaît le port de Roscoff ? Personne ou presque ! À tort, si vous voulez mon avis, car c'est une petite ville pleine de charme et qui a aussi abrité des corsaires, comme Saint-Malo, d'ailleurs (mais en moins bien, quand même).

Mais, bref, passons, je ne suis pas là pour jouer au guide touristique. Il me faut prendre une décision. Maintenant.

Je me mords la lèvre, essayant d'imaginer les conseils que je pourrais recevoir. Maman me préconiserait certainement de partir en quête d'un téléphone pour l'appeler. Elle ne doit pas être encore arrivée à Saint-Malo et pourrait faire demi-tour pour venir me chercher. Morgane me dirait... Que j'ai été idiot de suivre docilement les douaniers, je suppose, et que j'aurais dû les envoûter pour qu'ils me laissent tranquille, ou je ne sais trop quoi (sauf que mon dernier Envoûté m'a causé trop de problème pour que j'ai envie d'en avoir un autre de sitôt). Quant à Auguste... Auguste m'attend sur ce bateau. Je ne vais tout de même pas le laisser partir tout seul en Écosse !

Et je m'élance avant d'hésiter davantage. Je cours droit devant moi avant de changer d'avis, sans même attendre que mes ailes daignent réagir. En quelques secondes, j'arrive au bout du quai. Je continue sur ma lancée et ai le temps de me sentir tomber droit vers les flots noir d'encre avant de me retrouver soulevé dans les airs. Mes ailes ont bien voulu répondre, mais je les sens faire preuve d'une certaine mauvaise humeur. Elles n'apprécient pas vraiment d'être sollicitées dans un contexte aussi humide, ce que je peux comprendre.