Chapitre 53

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Les jours suivants, je montre mes coins préférés de Saint-Malo à mon petit ami, tout fier de me promener main dans la main avec lui dans ma ville. Je lui parle des corsaires, ce qui paraît l'enthousiasmer autant que moi.

Nous passons également de longs moments sur la plage et Auguste insiste pour aller se baigner, malgré la fraîcheur de l'eau. Il y nage un bon moment, tandis que je l'observe depuis le sable, emmitouflé dans un gros pull en laine. Je dois dire qu'il se débrouille bien dans l'eau, pour une créature terrestre. Qui aurait cru que les loups nageaient aussi bien et avec autant de grâce ?

— Moi aussi je veux me baigner, boude Mélusine que nous avons été obligés d'emmener avec nous. En plus Maman m'a acheté un nouveau maillot avec des paillettes hyper cool.

Je lui jette un regard sévère.

— Tu risquerais d'attraper froid.

Elle hausse un sourcil.

— Et ton loup, alors ?

J'observe les mouvements puissants des bras d'Auguste qui jaillissent de l'océan, projetant des gouttelettes dans les airs. Le soleil s'extirpe par moment des nuages et fait briller l'eau tout autour de lui.

— Les loups ont une chaleur corporelle plus élevée que les fées.

Sans compter qu'une telle masse musculaire doit tenir chaud, je suppose.

Le regard de mon abominable petite sœur s'illumine.

— Et si tu réchauffais l'eau avec tes pouvoirs, Vivi ?

Je secoue la tête.

— Je ne peux pas utiliser mon don au beau milieu de la plage !

Mélu roule des yeux.

— Oh allez Vivi ! Personne ne s'en rendra compte.

— Non, non et non.

— Non ! s'exclame Oriande, sans doute ravie de m'entendre employer son mot favori.

Dans son enthousiasme, elle fait sortir ses ailes de libellule. Je lui jette précipitamment une serviette sur le dos pour les camoufler en observant les alentours, paniqué.

Heureusement, la plage est presque déserte. Je ne vois dans le coin qu'un groupe de lycéennes qui... qui matent ouvertement mon petit ami en gloussant entre elles.

Mon héritage lupin me force à émettre un grognement.

Les yeux de Mélu font l'aller-retour entre moi, Auguste et ces filles.

— Je les arrose ? propose-t-elle en agitant les doigts.

— Non ! Et toi, Ori, remballe tes ailes tout de suite.

— Non !

Elle obtempère néanmoins.

Je m'allonge sur ma serviette en poussant un nouveau grognement. C'est la dernière fois que j'accepte de garder mes petites sœurs à l'extérieur. La prochaine fois, c'est Morgane qui s'y collera. Aujourd'hui, elle a prétexté devoir travailler pour rester à la maison. Ce qui est assez louche parce que nous sommes dans la même classe et je sais bien que nos professeurs ne nous ont pas donné tant de devoirs que cela. J'espère qu'elle n'est pas en train de comploter avec son boutonneux pour concocter un plan visant à dominer l'humanité. Les connaissant tous les deux, ça ne serait pas si improbable que cela.

Auguste sort de l'eau et se dirige vers nous, le corps dégoulinant. Il secoue la tête pour chasser les gouttes de ses cheveux. Je ne peux m'empêcher de penser à un chien qui s'ébroue. Du coin de l'œil, je constate que les filles de tout à l'heure l'observent toujours sans aucune discrétion.

— Pfui ! Cette baignade était vivifiante.

Il se laisse tomber sur la serviette étalée à côté de moi. Je m'empresse de m'emparer d'une autre serviette pour le frictionner. Ce faisant, je lui plante un petit bisou sur la joue. Ha ! Ces filles ont compris qu'il était à moi. Elles détournent leurs regards, l'air déçu. Même si ce n'est pas pour cela que j'ai embrassé le loup, bien sûr. J'ai simplement le droit de câliner mon petit ami quand je le souhaite, n'est-ce pas ?

L'après-midi, nous allons nous balader en forêt pour que l'alpha puisse se transformer. Et, oui, Auguste accepte de se plier aux caprices de Mélusine et accepte de courir après les balles qu'elle lui envoie. Mais il ne les ramène pas. Apparemment, il y a une limite à ce que les loups-garous sont prêts à accepter. En revanche, il la laisse à un moment donné monter sur son dos. Je les observe courir, jaloux comme un pou. Je pourrais en faire de même, j'imagine, mais cela m'obligerait à tenir mes jambes repliées sous moi. Les garous sont plus grands que les loups ordinaires, en particulier les alphas, mais, pour autant, ils ne font pas non plus la taille d'un cheval.

Puis la semaine s'achève alors qu'elle venait tout juste de commencer.

J'accompagne Auguste à la gare, le cœur serré. Malheureusement, son TGV n'est pas annulé, ni même simplement retardé. D'ailleurs, il est déjà à quai et s'apprête à partir dans quelques minutes.

Auguste lâche un moment sa valise pour poser ses lèvres contre les miennes.

— À très bientôt, garçon fée.

Il a murmuré cette phrase à mon oreille, probablement pour que les autres voyageurs n'entendent pas les deux derniers mots et comprennent que je suis peut-être le fameux Vivien Guyonvarc'h de la tour Eiffel.

Heureusement, la journaliste n'a plus rien écrit à mon sujet ni tenté à nouveau de m'appeler.

Je lutte contre une curieuse envie de fondre en larmes. Je souffre de le regarder partir, même si je sais que notre séparation ne durera qu'une semaine. Une longue semaine. Une longue semaine que je vais passer auprès de Grand-mère, qui plus est. Et une minute passée avec Grand-mère semble durer une heure. Ce qui veut dire que j'aurais l'impression d'avoir été avec elle... euh... Bon, je ne vais pas non plus me lancer dans une opération de calcul mental alors que le train de mon petit ami est encore sur le quai et que ce dernier entre dans son wagon.

Par chance, sa place est près de la fenêtre et du bon côté par rapport au quai. Auguste peut donc se coller contre la vitre pour m'adresser des petits coucous et faire un cœur avec les doigts (c'est niais comme tout, mais cela me fait quand même fondre).

Le train démarre, d'abord lentement puis de plus en plus vite. Auguste s'éloigne. Auguste est parti. Je reste seul au bout du quai, le cœur serré. Cette scène ressemble furieusement à celle que nous avions vécue pendant les vacances de la Toussaint.

Un jour, peut-être, nous n'aurons plus à nous séparer ainsi. On vivra ensemble, avec un peu de chance. Je ne dis pas que nous serons forcément mariés (mon visage chauffe à cette idée). On pourra être juste... juste un couple. Un couple qui habite dans la même maison et partage la même chambre (autant faire des économies de place). Si Auguste insiste, j'accepterai que nous adoptions un chien, à présent que je ne suis plus allergique. Ou une tortue. Je trouve que les tortues ont une tête très mignonne. En plus, elles disposent d'une bonne espérance de vie, ce qui est appréciable. Un chien et une tortue, à la limite.

Oui, je nous imagine bien dans une petite maison au bord de la mer avec un jardin rempli de fleurs.

Puis je me rappelle qu'Auguste est l'héritier de sa meute et qu'il y a de fortes chances pour qu'il soit obligé, à un moment ou à un autre, d'aller vivre dans son village d'Alsace.

Hum.

Je n'ai rien contre cet endroit, malgré le froid qui doit y régner en hiver. Simplement, l'idée de vivre au milieu de loups qui me mépriseront et m'en voudront de ne pas être des leurs ne m'enchante pas des masses. 

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Je fais juste une petite parenthèse parce que quelqu'un parmi vous (qui remplit un carnet de lecture) m'a demandé combien de pages faisait le tome 1 du Lycée des Surnaturels. Evidemment, l'histoire n'existe pas sous le format d'un livre, mais il est possible de faire des estimations, alors je vous partage le résultat, si ça vous intéresse. Le tome 1 fait environ 149 917 mots. Pour un format standard de roman papier, cela représente 600 pages !

Le lycée des Surnaturels (tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant