Chapitre 4.1

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Lyrie

Mes yeux s'ouvrent lentement. Très lentement. Je sens que je suis allongée sur quelque chose de confortable. Un matelas, sans doute. Tout mon corps est douloureux. À tel point que je n'ose pas bouger. Ma gorge est sèche. J'ai soif. Très soif.

J'ai envie de hurler, mais je n'en ai même pas la force. Les souvenirs de ces onze derniers mois remontent à la surface avec violence. La trahison. La capture. La torture. La faim. L'humiliation. La souffrance. Le désespoir. Le sang. Le génocide. Et les sacrifices.

Je revois inlassablement les têtes tranchées de mes sœurs clouées sur les piquets face à nos cellules. Nous ne pouvions que les voir. Nuit et jour. Chaque fois que nous ouvrions les yeux. Je me rappelle encore l'odeur de décomposition à laquelle j'avais fini par m'habituer. Et la terreur qu'à chaque nouvelle lune, ce soit mon tour.

Une walkyrie ne craint pas la mort. Parce qu'une fois mortes, nous offrons notre virginité à notre dieu, Noktys. En échange, il nous permet de renaître en créature immortelle ou d'accéder au repos éternel. Une walkyrie qui meurt et se présente devant Noktys sans cette précieuse offrande se voit condamnée à errer dans le royaume d'Ombra, gouverné par le . Pour une éternité de souffrance.

Rares sont les walkyries qui abandonnent leur vertu, sachant ce qui les attend à leur mort. Deux de mes sœurs avaient renoncé à leur immortalité et à leur repos éternel pour vivre un amour passionné avec un homme. Une question d'amour véritable, soi-disant. L'une d'elles m'avait dit un jour qu'elle préférait connaître une vie courte mais intense auprès de l'homme qu'elle aimait, plutôt qu'une éternité seule et sans amour. Je ne l'ai jamais réellement comprise. Parce que j'ai beau avoir été attirée par un homme, ou même avoir ressenti un sentiment amoureux, je n'ai jamais éprouvé le besoin d'aller plus loin, et de renoncer à ma vie d'immortelle pour cette futilité.

Mais ce qu'ils ont fait à mes sœurs... nos geôliers... Ils ne se sont pas contentés de nous torturer et de nous affamer pour briser nos esprits. Quand venait le moment des sacrifices, ils choisissaient cinq d'entre nous. Qu'ils violaient sauvagement avant de leur trancher la tête, s'assurant de leur mort, et de leur impossibilité de se réincarner ou d'accéder au repos éternel. La pire fin qui soit pour une walkyrie. La mort dans le déshonneur total.

Alors oui, pour la première fois de ma vie, j'ai été effrayée par la mort. Et je le suis toujours. Mes yeux sont encore fermés et pourtant, je pleure. Je suis terrorisée. Et je réalise enfin pleinement l'horreur que j'ai traversée, et je prends conscience que plus jamais je ne reverrai mes sœurs.

Nous étions à peine huit survivantes quand je me suis échappée, dont Oalah, ma reine. Elles se sont toutes sacrifiées pour que je puisse m'enfuir. Car j'étais la plus rapide. Je l'ai toujours été. J'étais celle qui avait le plus de chances d'atteindre l'Arragast.

Aujourd'hui, il n'y a plus que moi. Et j'ai réussi. J'ai franchi l'Arragast. Et j'ai survécu. Je ne me rappelle plus vraiment comment, mais je me souviens de l'hydre. Qu'elle a failli me tuer. Et que je lui ai échappé de justesse, portée par la force de mon eriah, qui m'attendait de l'autre côté.

Les dieux ont eu pitié de moi et m'ont conduite à lui. Je me souviens encore de sa lumière aveuglante. De son pouvoir et de sa puissance. J'ai reconnu la marque indélébile des dieux sur lui. Celle d'Isgard, le roi des Dieux. Je me souviens de sa main dans la mienne. Du sentiment de plénitude qui m'a envahie quand je me suis retrouvée dans ses bras. Du serment silencieux que nous avons prêté, nous liant à jamais l'un à l'autre.

Puis c'est le trou noir. J'ai quelques flashs. Des réveils. Des cauchemars. Je crois qu'on m'a prodigué des soins. Je peux sentir les herbes médicinales des onguents. On m'a lavée également, parce que ma peau sent le savon, et plus cette odeur infecte de saleté.

Mes yeux parviennent enfin à discerner un plafond blanc au-dessus de moi. Je tourne légèrement la tête. Il y a une grande fenêtre avec de beaux rideaux en velours vert foncé. Il fait nuit. Plusieurs bougies éclairent la pièce. J'entends aussi le crépitement d'un feu. Et la respiration d'un homme endormi.

Je regarde dans sa direction. Il est assoupi dans un fauteuil placé près du lit. Est-il là pour me surveiller ? Pour m'empêcher de fuir ? Où est mon eriah ? Est-ce lui qui m'a amenée dans cette chambre ?

Ma tête se met à tourner. Prise de vertiges, je referme les yeux. Et je sombre à nouveau. 

EVALON, La Marque des Dieux - Tome 1 : Le Chasseur _ Romantasy AdulteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant