Chapitre 3 . 2

13 2 0
                                    

Oliver

Il est quatre heures du matin lorsque nous sommes arrivés au domaine du baron d'Ernel. Malgré l'heure tardive, il nous a accueillis poliment. Les chasseurs de la Couronne sont respectés et admirés dans tout le royaume. Nous ne sommes pas plus d'une vingtaine, ce qui est loin d'être suffisant pour enrayer toutes les menaces horrifiques qui pèsent sur Cindra. Notre espérance de vie est faible. D'où les fortes récompenses. Il nous a offert le gîte et vivement remerciés d'avoir tué la harpie. Daevon et Brenan partagent une chambre modeste en face de la mienne.

Je suis debout, droit comme un I, appuyé contre le mur. La walkyrie repose sur mon lit. Les draps sont déjà rouges, je me demande comment elle peut vivre encore avec tout ce sang perdu. Sa peau ruisselle de sueur, son visage est tordu de douleur. Elle remue souvent les lèvres dans des murmures incompréhensibles, en proie à la fièvre. L'extrémité de ses doigts est bleutée, sans doute à cause du poison. Elle a une plaie béante sur la hanche. Un coup de mâchoire, comme sur son bras et sa jambe. Je me demande quelle créature a pu lui faire ça. Mais à y regarder de plus près, son corps est couvert d'hématomes et de bleus. De cicatrices. Malgré son apparente musculature, elle n'a que la peau sur les os. Comme si elle avait souffert de la faim. Était-elle captive ? En tout cas, quelque chose l'a suffisamment effrayée pour qu'elle choisisse de tenter sa chance en traversant l'Arragast.

Le médecin entre enfin, suivi par les jumeaux. Un homme d'une cinquantaine d'années, chauve, au visage froid. On voit qu'il a été tiré de son lit, d'où, certainement, sa mauvaise humeur.

— On m'a dit que vous aviez besoin de mes services ?

— C'est pour elle, je précise en désignant le lit.

Le médecin s'approche, avant de se figer. Son malaise est palpable.

— Cette femme... est-elle une creati ? ose-t‑il demander.

— Oui, je lui confirme.

Je le vois blêmir. On compte très peu de creati à Cindra. Pour cause : l'Arragast. La plupart des creati sont les monstres échappés de la barrière. Les autres, les survivants, se cachent pour espérer vivre une vie tranquille. Comme nous. Les humains tolèrent notre présence. Tant que nous restons discrets et n'interférons pas avec eux.

Je tente de le rassurer :

— Cette femme ne vous fera aucun mal. Elle a juste besoin d'être soignée. S'il vous plaît.

— C'est que... j'ignore comment soigner une creati, répond‑il.

— Son corps est semblable à celui de n'importe quel humain, intervient Daevon. Elle a simplement une faculté à guérir et à cicatriser plus rapide que la normale. Alors, faites comme si vous veniez en aide à n'importe lequel de vos patients.

Son visage se déride.

— Bien. Pour commencer, pouvez-vous me dire ce qui lui est arrivé ? nous questionne-t‑il en s'asseyant au bord du lit, com­mençant à l'ausculter.

— Nous l'avons trouvée comme ça. Nous ignorons ce qui lui a fait ça, je lui explique.

— De toute évidence, quelque chose de gros, marmonne le médecin en examinant les traces de morsure. Elle a reçu une forte dose de poison également, constate-t‑il en observant les extrémités de ses doigts. Bien. Je vais nettoyer et désinfecter les plaies. Drainer le poison. Recoudre. La nuit va être longue, messieurs.

— Je vais rester, je propose. Je pourrai vous aider, si besoin. Daevon, Brenan, allez vous reposer.

— D'accord. N'oublie pas de dormir, Olie.

Les deux frères sortent de la chambre. Le médecin lève les yeux vers moi et me fait signe d'approcher :

— Vous allez m'aider à la tenir. Cela va être douloureux pour elle. Elle risque de se débattre.

— Pas de problème.

— Bien. Alors, on y va.

EVALON, La Marque des Dieux - Tome 1 : Le Chasseur _ Romantasy AdulteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant