Chapitre 13.2

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Lyrie

Daevon et Brenan nous rejoignent enfin. Leurs cheveux sont encore mouillés, mais heureusement, ils reviennent habillés. Daevon s'avance vers moi et me tend une serviette.

— La place est chaude, petite Lyrie.

— D'accord, merci.

— Oliver devrait t'accompagner, au cas où.

— Elle n'a pas besoin de chaperon, lâche Oliver tout en continuant à écrire.

Daevon rit, avant d'aller murmurer quelque chose à l'oreille d'Oliver. Ce dernier s'agace et le chasse d'un revers de la main, l'invitant à aller se faire voir. Quant à moi, je m'empresse d'emprunter le sentier par lequel les garçons sont arrivés. Je me laisse guider par le bruit de l'eau pour localiser la rivière, que j'atteins rapidement.

Après m'être assurée que je suis seule, je me déshabille et plonge dans l'eau froide. Mon corps supporte bien la température. J'en profite pour admirer le coucher du soleil. Le ciel est zébré de rose et d'orange. Je ferme les yeux et écoute la musique des insectes et des oiseaux qui chantent.

La nature de Cindra est semblable à celle d'Evalon. Avec la magie et les creati en moins. Mais c'est tout aussi beau. Naturel et authentique. Je pensais me sentir dépaysée, mais ce n'est pas le cas. Nos villes se ressemblent. La magie est simplement remplacée par l'électricité. Je n'ai jamais été une adepte des sciences, qui restent peu développées à Evalon. Ici, je les trouve captivantes.

Je nage quelques minutes et m'immerge totalement sous l'eau. Puis je sors, pour me sécher avant de me rhabiller. Je rejoins ensuite les chasseurs qui sont en train de manger. Je m'assois à côté de Brenan, qui me tend des morceaux de viande séchée et du pain. Oliver, lui, est toujours en retrait, à écrire.

— Il tient un journal de bord pour le roi, m'explique Brenan. Il y consigne nos déplacements, nos dépenses, et la chasse.

— Et il arbore toujours un air très « cul pincé » quand il fait ça, se moque Daevon.

— Je vous entends, bougonne Oliver sans relever les yeux de son carnet.

— Tant mieux ! Allez, viens manger !

— Merci, mais je n'ai pas faim.

Tout comme moi, d'ailleurs. Mais je ne laisse rien transparaître et me force à avaler ce que Brenan m'a donné.

— C'est bien ce que je disais... Trop sérieux, soupire Daevon en prenant un air faussement ennuyé. Est-ce que tu savais, Lyrie, qu'Oliver n'a jamais embrassé personne ?

Grands dieux ! Pourquoi faut-il qu'il parle de ça ? Je vois la main et la mâchoire d'Oliver se crisper. Il arrête enfin d'écrire pour fusiller son ami du regard.

— Parce qu'il considère qu'on ne peut donner un baiser à une demoiselle que si l'on éprouve des sentiments pour elle, développe-t‑il. Un autre exemple de son « trop de sérieux ».

— Daevon, tu peux pas la fermer, bon sang ? le réprimande son frère.

— Quoi ? C'est pas vrai, Olie ?

Oliver l'ignore et reporte son attention sur ses écrits, bien que je le sente irrité. Cependant, je réalise qu'Oliver... n'a jamais aimé de femme ? C'est inattendu. Parce qu'avec un physique et une prestance pareils, j'imaginais plutôt l'inverse... D'après ce que j'ai pu voir, il semble être passé entre les bras de nombreuses femmes. Et il n'aurait embrassé aucune d'elles ?

Je trouve cette idée plutôt craquante. Parce que l'autre nuit, à l'auberge, j'ai eu le sentiment qu'il aurait bien eu envie de poser ses lèvres sur les miennes.

Par Noktys ! Pourquoi est-ce que je me prends encore la tête avec ça ?

Daevon m'observe du coin de l'œil. Je le vois afficher un sourire satisfait.

— Quoi ? je lui demande.

— Rien, répond-il.

Oliver termine enfin son rapport et range son journal dans sa sacoche. Puis il se lève et s'éloigne de nous, prenant la direction de la rivière. Daevon s'empresse de le suivre. Je me retrouve seule avec Brenan, qui me tend sa gourde d'eau.

— Daevon raconte que des conneries, n'écoute pas tout ce qu'il dit, me conseille-t‑il.

— Alors, ce qu'il vient de dire au sujet d'Oliver... est faux ?

— Non, c'est la vérité. Il est buté et attaché à ses principes. Pour lui, le baiser est quelque chose d'intime.

— Plus intime que de faire l'amour ? je m'étonne.

Parce que pour moi, faire l'amour est plus intime qu'un baiser...

— Comment t'expliquer ? soupire-t‑il. Je vais parler crûment, si tu me permets ?

— Oui...

— Il y a « faire l'amour » et « s'envoyer en l'air ».

— OK...

— Quand on s'envoie en l'air, c'est seulement physique. On passe un bon moment avec une personne et ça s'arrête là. Quand on fait l'amour... il y a une communion. On s'unit à une personne pour qui on éprouve des sentiments. Pour Oliver, embrasser quelqu'un répond à la même logique.

— Je... Je crois que j'ai saisi.

— Parfait.

— Pourquoi Daevon a-t‑il parlé de ça, alors ?

Brenan esquisse un sourire avant de répondre :

— Pour faire chier Oliver ! Daevon adore l'embêter à ce sujet. Et ce, depuis qu'on a été en âge de comprendre ce qu'était une femme. N'y fais pas attention.

— D'accord.

Je médite sur ces paroles, tentant d'y donner du sens, moi qui n'ai jamais rien vécu de tout cela. Puis je l'interroge :

— Pourquoi Oliver n'est-il jamais tombé amoureux ?

— Parce que... Il y a beaucoup de facettes de lui que tu ignores. Certaines choses pèsent sur ses épaules. Des choses qu'il ne peut partager avec personne.

Il reste très évasif, ce qui attise davantage ma curiosité. Mais je préfère lui demander :

— Et toi, Brenan, as-tu déjà été amoureux ?

— Trop souvent ! s'exclame-t‑il.

— Et pourtant, tu n'es pas marié ?

— Marié ? répète-t‑il, amusé. Je n'en ai jamais eu envie.

— Pourquoi ?

— Parce que ma vie est au service de mon...

Il s'arrête net et son visage se ferme, comme s'il était sur le point de révéler quelque chose qu'il n'aurait pas dû.

— C'est pas mon truc, c'est tout, finit-il par ajouter.

Je sens qu'il ne me dit pas tout, mais je n'insiste pas. 

EVALON, La Marque des Dieux - Tome 1 : Le Chasseur _ Romantasy AdulteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant