EVALON, La Marque des Dieux - Tome 1 : Le Chasseur _ Romantasy Adulte

Chapitre 4.3

Lyrie

Un silence pesant s'installe quelques instants avant qu'Oliver ne me demande :

— Pourquoi le cherches-tu ? Et qui est-il exactement ?

— Cela ne vous regarde pas, je réplique, plus sèchement que je n'aurais voulu.

Aucun d'eux n'ose répondre.

— Je m'excuse. Je suis... un peu à cran. Ce que je veux dire, c'est que ce sont des affaires qui ne regardent qu'Evalon.

— D'accord... siffle Daevon. Est-ce qu'on peut au moins savoir ce que tu entends par « question de vie ou de mort », ma jolie ?

— Evalon court un grand péril. Des millions d'êtres vivants pourraient perdre la vie : creati, fae, humains, faune, flore. Tout. C'est pour ça que je dois trouver mon roi. Et le ramener avec moi.

— À Evalon ? demande Oliver.

— Oui.

— En quoi sa venue pourra-t‑elle aider Evalon ?

Je l'observe intensément, cherchant à percer le mystère qui l'entoure. Daevon et Brenan sont lisibles, mais cet Oliver... Il est différent.

— Cela, je ne le dirai qu'à lui, je réponds.

Aucun d'eux n'ajoute de commentaire.

— Et à quoi ressemble-t‑il, ce roi ? me questionne Brenan.

— Je ne me souviens pas. À vrai dire, je n'étais même pas sûre qu'il existe quand j'ai traversé l'Arragast. Je n'étais pas encore née quand ça s'est produit, mais sa famille a été assassinée le jour de sa naissance. Personne n'a retrouvé le corps de l'enfant. Mais ma reine a toujours eu espoir qu'il ait survécu. Et qu'il se trouve à Cindra. En sécurité.

— Tu as tenté la traversée de l'Arragast sur une simple supposition ? s'étonne Brenan.

— Je sais que ça peut paraître fou, je soupire. Mais vous... ne savez rien. Et tant mieux. Parce que si vous saviez, vous comprendriez pourquoi je l'ai fait. Mon peuple tout entier s'est sacrifié pour me permettre cette traversée. C'est pourquoi je ne peux pas échouer : je dois le trouver. Autrement... leur mort n'aura servi à rien.

Je détourne le regard et inspire pour empêcher les larmes de monter. Il est hors de question que je me montre faible devant ces hommes. Je ne pense pas qu'ils me veuillent du mal, mais je dois rester méfiante. Je ne connais rien de Cindra. Il n'y a plus que moi. Si j'échoue, c'est la fin. De tout.

— Tu entends ça, Olie ? lance Brenan. Les walkyries ont donné leur vie pour que Lyrie ait une chance de trouver son eriah.

— J'ai entendu, réplique ce dernier en le fusillant du regard.

— Alors, je pense que le moins que l'on puisse faire, c'est de l'aider à le retrouver. Non ?

— C'est vrai, l'appuie Brenan. Elle ne connaît rien à notre monde. Ce ne serait pas prudent de la laisser seule et livrée à elle-même.

Il semble que cet Oliver soit leur chef. Ou du moins, celui qui prend les décisions. J'interviens avant qu'il ne donne sa réponse :

— Vous m'avez sauvée et je vous en remercie. Mais, sans vouloir vous offenser, je ne vous connais pas. Je n'ai pas confiance en vous. Alors, dès que je serai rétablie, je partirai seule.

— Ce n'est pas une bonne idée, réplique Brenan. Et où irais-tu ? Tu ne sais même pas où chercher !

— J'irai à la capitale, rencontrer le roi Geoffrey.

— Dans quel but ? s'étonne Oliver.

— Je dois l'informer de certaines choses. Et si quelqu'un peut savoir où se trouve l'héritier d'Evalon, c'est lui, dis-je, affirmative. Il est évident que mon eriah a dû demander son aide pour lever une armée.

— Lever une armée ? répète Oliver en arquant un sourcil.

— Pour reconquérir son trône.

— Alors, tu penses que ton... roi est en train de lever une armée ? me questionne Daevon.

— Comment pourrait-il en être autrement ? Après ce qui est arrivé à sa famille, à son peuple ! Evalon souffre et a besoin de lui ! Comment pourrait-il choisir de l'ignorer ?

Je le vois déglutir. Puis regarder au-dehors, mal à l'aise. Comme s'il éprouvait de la pitié pour moi. Je dois leur paraître ridicule, faible. Ils me prennent sans doute pour une folle désespérée. Comment pourraient-ils comprendre ce que j'ai vécu ? Ce qui se passe à Evalon ? Ces hommes sont de toute évidence des mercenaires. Des chasseurs de monstres, d'après les dires d'Oliver. Même si les deux frères sont des creati, ils sont partis d'Evalon il y a bien longtemps. Autrement, ils sauraient.

Je jette un coup d'œil à Oliver. Son expression reste indéchif­frable. Il plonge ses yeux dans les miens et me dévisage un long moment avant de répondre :

— Peut-être que tout ça ne le regarde pas. Peut-être qu'il a choisi de mener une autre vie. Que le trône ne l'intéresse pas. Après tout, si j'ai bien compris, le roi que tu cherches n'a jamais mis les pieds à Evalon. Sa famille a été décimée. Il ne connaît ni son soi-disant royaume ni son peuple. Pourquoi s'en soucierait‑il ?

Ses mots me font l'effet d'un coup de poignard en plein cœur.

— Peut-être que c'est pour cette raison qu'il t'a abandonnée près de l'Arragast, poursuit-il. Parce que ton histoire n'est pas la sienne.

— Olie... intervient Brenan.

— Quoi ? lui répond-il. Tu trouves que je suis dur ? Lyrie n'a pas atterri au pays des Merveilles. Si elle veut survivre à Cindra, elle doit être préparée à toute éventualité. Même à celle que son roi ne soit pas celui qu'elle est venue chercher.

Non... je ne peux même pas l'envisager. Je ne peux pas le croire. Autrement, je ne pourrais plus mettre un pied devant l'autre. Je réponds calmement, en le fixant :

— Si telle est la vérité, alors j'attendrai qu'il me le dise en face.

— Et que feras-tu s'il ne souhaite pas retourner à Evalon reprendre son trône ? insiste-t‑il.

— Je lui planterai une lame en plein cœur.

Mes yeux se verrouillent aux siens au moment où je scelle cette promesse. Daevon manque s'étouffer et Brenan recule d'un pas. Mais Oliver reste stoïque et ne me quitte pas des yeux.

— C'est... hum... pour le moins extrême, bafouille Daevon.

— Le roi ne peut pas choisir d'ignorer la souffrance de son peuple, je rétorque. Il ne sait rien de tout le sang qui a été versé pour lui. Par ceux qui ont gardé espoir et qui ont continué de se battre. Si ce sang ne signifie rien pour lui, alors il ne mérite pas de vivre. Ni de porter la Marque des dieux.

Mes mots sont aussi tranchants que ceux d'Oliver. Et je les pense sincèrement. Oliver contracte sa mâchoire, comme s'il se retenait de dire quelque chose.

— Nous allons te laisser te reposer, finit-il par dire.

Brenan et Daevon sortent sans un mot. Oliver reste encore un peu. J'ai l'impression qu'il veut ajouter quelque chose. Mais finalement, il sort à son tour.

Je soupire avant de me laisser retomber sur le lit. Je me sens encore fatiguée. Mais dès demain, je me mettrai en route pour la capitale. Pour retrouver mon eriah. Je n'ai que cet espoir auquel me raccrocher. Je ramène mes genoux contre ma poitrine, anxieuse. Car à peine mes yeux se sont-ils fermés que les cauchemars reprennent. Je tremble comme une petite fille. Et je ne parviens pas à le contrôler.

Tu n'es plus dans la tour. Tu es sortie. Tu as traversé l'Arragast. Tu es à Cindra. En sécurité.

Je me répète cette phrase en boucle, jusqu'à ce qu'elle parvienne à apaiser mon esprit. Et que je m'endorme.