Chapitre 10.2

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Lyrie

Il fait presque nuit lorsque j'ouvre les yeux brutalement. Je me redresse et focalise mon regard sur une bougie allumée sur ma table de chevet, cherchant à m'extirper de l'obscurité. Je suis couverte de sueur, mon corps est agité de tremblements.

C'était juste un cauchemar. Tu n'es plus dans la tour. Tu as traversé l'Arragast. Tu es à Cindra. En sécurité.

Pourquoi mes rêves me ramènent-ils constamment dans cette tour ? Je n'ai pas besoin de rêver pour me rappeler ce que j'y ai vécu. Et tout ce que j'y ai perdu.

Brenan n'est pas là, ce qui intensifie mon angoisse. La présence et le soutien d'Oliver m'avaient réellement aidée à me reconnecter au présent. Je ferme les yeux et inspire profondément pour faire redescendre mon rythme cardiaque. Je dois apprendre à le faire toute seule. Je ne peux pas prendre l'habitude de me reposer sur les autres. Je prends à nouveau conscience du traumatisme. Des cicatrices sur mon âme. Je me sens comme un animal blessé. Tellement différente de la guerrière que je suis en temps normal.

Je me suis toujours montrée discrète et trop sérieuse. Contrairement à mes sœurs, j'ai toujours eu du mal à m'amuser. Je me tiens constamment sur mes gardes, à penser que le pire pourrait se produire et à me tenir prête à l'affronter. Comme si je m'étais préparée à devenir reine toute ma vie. Si Elrys ne m'avait pas distraite ce jour-là, jamais nous n'aurions été capturées.

La culpabilité n'a jamais cessé de me ronger durant ces longs mois d'enfermement. Et elle me colle toujours à la peau. Je ne suis pas digne de la couronne que Noktys a posée sur ma tête. Pourquoi m'a-t‑il choisie ?

J'attrape une mèche de cheveux rouges et la soulève pour l'amener devant mes yeux. Où êtes-vous, mon roi ? Souffrez-vous autant que je souffre ? Je vous en prie... J'ai tellement besoin de vous... Je ne pourrai jamais sauver Evalon seule. Et même si le roi Geoffrey acceptait de me prêter main-forte, sans magie, le combat est perdu d'avance. Je dois ramener l'héritier légitime à Evalon pour que son pouvoir s'éveille. Et s'il porte réellement la Marque des dieux, comme le pensait Oalah, il pourrait même réveiller les dragons anciens et enrayer les Trois Fléaux.

Quelqu'un frappe timidement à la porte avant d'entrer. Je relève les yeux et croise le regard d'Oliver. Il me dévisage, avant de venir vers moi. Je le regarde faire sans un mot. Il s'assoit sur le rebord de mon lit et, sans que j'aie besoin de le lui demander, il me prend dans ses bras. C'est tout ce dont j'avais besoin. De chaleur humaine. Mes mains se posent sur son dos puissant, ma tête se nichant contre son épaule. Les tremblements cessent. L'angoisse s'estompe. Ma vision s'éclaircit. Comment sa seule présence suffit-elle à m'apaiser ?

Je le sens lever timidement sa main, avant qu'il ne s'autorise à la passer dans mes cheveux. Il caresse ma chevelure, de mon crâne jusqu'aux pointes, lentement. Comme le ferait une mère pour rassurer son enfant. Cela fait naître une chaleur en moi qui chasse la glace apparemment collée à ma peau. Je sais que je ne devrais pas, mais discrètement, je respire l'odeur de sa peau musquée pour m'en enivrer. Et cela me réchauffe davantage, d'une tout autre manière cependant.

Je sens le pouls d'Oliver. Qui accélère au moment où il s'écarte un peu de moi pour pouvoir me regarder. Je me noie dans le bleu profond de ses yeux, incapable de m'en détourner. J'ai l'impression que je n'arrive plus à réfléchir et que la seule chose qui importe est la distance, très faible, qui sépare nos lèvres. Je sens son souffle chaud caresser mon visage, ce qui me trouble plus encore. J'ai la gorge sèche et du mal à déglutir. Le temps semble suspendu.

Sa main se pose contre ma joue avec douceur :

— Encore des cauchemars... Tu te sens mieux ? me demande-t‑il dans un soupir.

J'acquiesce, incapable de formuler le moindre mot. Je mordille ma lèvre inférieure, nerveusement. Je vois ses yeux glisser vers ma bouche, suivant mon mouvement.

— Lyrie... murmure-t‑il.

L'entendre prononcer mon nom avec autant de sensualité alors qu'il se tient si près de moi fait naître des fourmillements dans mon bas-ventre.

— Je... commence-t‑il.

— Quoi ?

Je l'encourage à poursuivre alors que je ne devrais pas. Ses yeux remontent vers les miens. L'intensité que je lis dans son regard a raison de moi, des pensées folles me traversent. Tous mes sens m'échappent. Et soudain, il rompt la connexion. Il s'éloigne et se relève brusquement, tendu. Je sens une vague de froid m'envahir.

— Brenan et Daevon nous attendent pour le repas, finit-il par dire. On devrait les rejoindre.

— Heu... Oui.

Je ne suis pas capable de répondre quoi que ce soit d'autre.

— Je t'attends dans le couloir, ajoute-t‑il avant de sortir et de refermer la porte.

Je souffle pour tenter de calmer le feu en moi. Je me lève et me secoue. Même ma poitrine est lourde. Je ne comprends pas ce qui m'arrive, pourquoi je réagis ainsi alors que je sais que c'est mal.

Lyrie... Ressaisis-toi ! Tu ne le connais pas. Et ce genre de sentiments... n'est pas pour toi. Je suis une walkyrie. Je ne pourrai jamais être avec qui que ce soit. Brenan a raison. Ce que j'ai vécu dernièrement me pousse à vouloir vivre de nouvelles expériences qui m'aideraient à oublier. Comme m'abandonner à un homme. Mais je ne peux pas !

Par respect pour mes sœurs mortes, je ne peux me détourner de mon but. Ni espérer sourire ou être heureuse. Pas tant qu'elles ne seront pas vengées.

Ces pensées chassent enfin cet état de transe et font chuter la température de mon corps. Je reprends le contrôle. Et suis enfin capable de rejoindre Oliver, maîtresse de moi-même.

EVALON, La Marque des Dieux - Tome 1 : Le Chasseur _ Romantasy AdulteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant