Chapitre 13.1

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Lyrie

Cela fait deux jours que nous avons quitté Elsie. Nous voyageons sans relâche, nous arrêtant uniquement pour faire nos besoins, manger, dormir brièvement. Nous avons traversé plusieurs bois, grimpé en haut d'une colline puis descendu vers une vallée verdoyante et fleurie. Nous avons contourné plusieurs villages, établi des campements dans des grottes. Nous n'avons rencontré aucune difficulté particulière, hormis une horde de loups qui s'est vite éclipsée en découvrant les panthères géantes.

Durant ces deux jours, je suis restée plutôt silencieuse. J'ai mis ce temps à profit pour réfléchir : à ce que j'allais dire au roi Geoffrey ; à ce que j'allais devoir faire pour retrouver l'héritier d'Ellentour. Je ne sais même pas si je dois chercher un homme ou une femme ! Ce qui est certain, c'est que seule la Marque des dieux me permettra de le reconnaître. Et le pacte que nous avons scellé.

Je me souviens qu'Oalah le décrivait comme un « appel ». Elle était capable de « sentir » le roi Harmand n'importe où. Elle pouvait se connecter directement à son esprit, entendre son cœur battre pour s'assurer qu'il allait bien. Je vais donc forcément ressentir cet appel lorsque je me retrouverai face à lui. Ou elle. Si seulement on m'avait expliqué comment fonctionne ce lien, peut-être serais-je en mesure de le retrouver !

C'est bien ce que j'ai essayé de faire à l'auberge, la nuit où les chasseurs m'ont laissée seule pour rejoindre cette fille. Je me suis mise en état de méditation et ai tenté d'entrer en contact avec mon roi, sans succès. Je me heurtais à un mur chaque fois. Comme si quelque chose m'en empêchait.

Puis il y a eu... le bruit. Et les cris. Au-dessus de ma tête. Au départ, j'ai cru que quelqu'un était en danger. Puis j'ai entendu des éclats de rire. Et j'ai reconnu la voix de Daevon. Il y a eu encore... de nombreux râles... Ceux de la femme qui, ma foi, avait l'air plus que comblée. Et ceux des trois garçons.

Au début, j'ai simplement écouté, ne pouvant occulter le vacarme. Puis j'ai réalisé que mon cœur s'était emballé, et que la température de mon corps avait grimpé en flèche. Sans que je le contrôle réellement, le visage d'Oliver s'est imposé à moi. J'entendais son souffle et les cris de la femme. Et, je ne sais par quelle folie, je me suis imaginée à sa place, bien que je n'aie aucune idée de ce qui se passait réellement. Pour la première fois de ma vie, j'ai... fantasmé. Oui, je crois que c'est le mot.

Après ce constat, impossible de fermer l'œil. Je n'étais pas fatiguée de toute façon, au contraire. J'étais plus qu'éveillée. Je suis alors sortie et ai couru dans les plaines au moins trois heures, déjouant la garde du pont-levis d'Elsie – un véritable jeu d'enfant...

Courir a apaisé mon corps et j'ai pu revenir dans ma chambre, sereine. J'y ai trouvé Brenan endormi, affalé en travers de son lit. Après l'avoir replacé correctement, j'ai enfin réussi à méditer.

Aussi, le matin, quand je suis sortie de ma chambre et me suis retrouvée nez à nez avec Oliver, des images de mon « fantasme » ont ressurgi brutalement, sans prévenir. Mortifiée, j'étais incapable de soutenir son regard. Puis je lui ai posé la question. Pour savoir s'il avait une femme dans sa vie. Je ne comprends toujours pas pourquoi j'en ai eu besoin. C'est absurde, puisque je ne peux être avec personne.

— Lyrie, ça va ?

Je sursaute. Je n'ai pas entendu Oliver approcher. Génial... Il n'attend pas ma réponse et prend place à côté de moi sur le tronc d'arbre arraché où je suis assise.

— Très bien, je réponds, froidement.

— Les jumeaux sont allés se baigner dans la rivière, m'informe-t‑il. Tu pourras y aller à leur retour, si tu en as envie. L'eau est froide, mais...

— J'irai, je le coupe.

La dernière chose dont j'ai besoin, c'est qu'il soit si proche de moi. Sa proximité me rend nerveuse.

J'ai l'impression qu'il le remarque puisqu'il se lève sans un mot et s'éloigne, à mon grand soulagement. Il s'adosse contre un autre arbre en face de moi et sort un carnet relié en cuir. Il l'ouvre et s'affaire à y noter des choses. J'avoue qu'il a piqué ma curiosité et que je meurs d'envie de savoir ce qu'il écrit. 

Nous demeurons silencieux, chacun plongé dans ses pensées. De temps à autre, je l'observe, contemplant son profil sérieux tandis qu'il écrit. C'est complètement insensé. Mon cœur s'emballe chaque fois que mes yeux se posent sur lui. Que m'arrive-t‑il, pour l'amour des dieux ?

Il relève soudain la tête pour me regarder, au moment même où je le dévisage. On dirait qu'il veut me dire quelque chose, mais il reste muet. Finalement, il retourne à son carnet.

EVALON, La Marque des Dieux - Tome 1 : Le Chasseur _ Romantasy AdulteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant