Chapitre 3 . 1

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Oliver

Une... walkyrie ? J'ai déjà entendu ce mot. Si ma mémoire est bonne, il s'agit de guerrières créées par Noktys, le dieu de la guerre. D'après les légendes, ces femmes sont immortelles. Seuls la décapitation, certains poisons violents ou le titanium peuvent en venir à bout. On raconte qu'elles possèdent la force d'une centaine d'hommes, et qu'elles sont plus rapides.

Pourquoi une telle créature aurait-elle risqué sa vie et franchi l'Arragast pour me trouver ? Pourquoi est-ce que je me sens lié à elle, d'une façon que je ne comprends pas ? Et ses cheveux ! Pourquoi ont-ils changé de couleur ? Je n'arrive pas à arracher mes yeux de sa contemplation, tant elle me fascine.

— Olie ?

Je parviens enfin à tourner mon visage vers mes amis qui se tiennent debout, à quelques centimètres de moi. Daevon est un peu amoché par la lutte avec la harpie, dont la tête tranchée repose dans un sac de toile posé près de lui. Leur mine est grave. Je les ai rarement vus avec une telle expression, ce qui déclenche un frisson d'appréhension dans mon corps.

— Je ne sais pas ce qui m'a pris, je tente de leur expliquer. Je n'ai pas pu résister. Je ne sais pas comment, mais elle m'a appelé ! Et je n'avais d'autre choix que d'y répondre. Je n'ai même pas réalisé que je courais vers l'Arragast !

— OK, calme-toi et respire, m'encourage Brenan.

— Qu'est-ce qui m'arrive ? je lance, paniqué. Je ne sais même pas qui est cette femme et pourtant, je n'arrive pas à la lâcher. J'ai l'impression que si je la perds, je vais m'effondrer ! C'est... complètement dingue !

— C'est normal, soupire Daevon. C'est une walkyrie. Son peuple a toujours été lié à ta lignée par le serment des dieux envers elle. Elle t'a désigné comme son eriah, son roi. Et tu l'as acceptée.

Je proteste :

— Je n'ai rien fait du tout !

— Tu n'en as peut-être pas l'impression, mais si. La preuve, ajoute-t‑il en désignant sa chevelure pourpre.

— Olie, ses cheveux... reprend Brenan. La reine walkyrie qui prête serment au roi s'engage à lui offrir sa vie et son sang. Lorsque ce pacte est scellé, les cheveux de la reine se teintent de la couleur du sang de ses ennemis. De ceux qu'elle a tués. Et de ceux qu'elle tuera pour son eriah.

— Mais je n'ai scellé aucun pacte ! je râle, totalement confus.

Ils ne répondent rien. Et tout à coup, je réalise ce que mon ami est en train de dire :

— Attends, tu as dit reine ?

Brenan opine de la tête.

— Cette femme... est la reine des walkyries ?

— Il semblerait... Mais c'est étonnant. La reine est bien plus âgée. Celle-ci est jeune.

— Il a dû arriver quelque chose à Oalah, suppose Daevon.

— Oalah ? je répète.

— Nous n'étions que des enfants à l'époque, mais je me souviens qu'elle était la reine qui protégeait tes parents. Je pensais qu'elle avait été tuée lors du coup d'État... Mais elle a dû survivre, jusqu'à récemment. Nous sommes partis d'Evalon depuis trente-trois ans, Olie. On ignore ce qui a pu s'y produire, mais... il semble que la walkyrie que tu tiens dans tes bras soit la dernière de sa race.

Je baisse les yeux vers elle. Tout se bouscule dans ma tête. J'ai l'impression que tout m'échappe. Les paroles prononcées par la Triade me reviennent en pleine face. Cette femme serait-elle le messager envoyé par les dieux ? Même si je n'ai rien fait en ce sens, j'ai, semble-t‑il, accepté de lier mon destin au sien. Est-ce ce choix qui va bouleverser ma vie ? J'ai l'intime conviction que oui.

— Olie... tu trembles, murmure Brenan en posant sa main sur mon épaule.

Je ne réponds rien, j'en suis incapable. Je ne connais pas grand-chose du royaume d'Evalon. Du royaume qui aurait dû être le mien. Peut-être à tort, je ne m'y suis pas vraiment intéressé, persuadé que je n'y mettrais jamais les pieds. J'ai préféré vivre pleinement ma vie à Cindra, plutôt que de rester emmuré dans la haine et les regrets. Mais il semble que la vie en ait décidé autrement en plaçant cette walkyrie sur mon chemin.

— Olie, on doit la conduire à un médecin. Il faut drainer le poison hors de son corps et recoudre ses blessures, me rappelle Daevon.

Je dois me ressaisir. Repousser à plus tard l'analyse de tout ce cirque. Daevon a raison : la priorité, c'est de sauver cette femme.

— OK, j'approuve. Allons voir le baron d'Ernel. Il nous trouvera un médecin.

— Bien. Je vais chercher les chevaux.

Je le regarde s'éloigner. Brenan se rapproche et observe la walkyrie.

— Petit, elles me fascinaient autant qu'elles me terrifiaient, confesse-t‑il. Cette femme... Je crois qu'elle a vécu des horreurs, Olie, ajoute-t‑il en scrutant son corps. C'est une bombe à retardement, tu en es conscient ?

J'acquiesce. Que suis-je censé répondre ? Je réalise à peine ce qui vient de se produire : une walkyrie a jailli de l'Arragast et m'est tombée dans les bras, puis s'est liée à moi et je ne peux rien faire contre ça. Je sais seulement que je dois la sauver. Le reste, je m'en préoccuperai plus tard.

Daevon nous rejoint avec nos montures. Je grimpe sur mon cheval, et Brenan hisse la walkyrie que j'assois devant moi, calant son corps contre mon buste, entre mes bras. Sa tête repose contre ma poitrine. Un curieux sentiment m'envahit. Un instinct protecteur. Ce qui est stupide, car je ne connais même pas son nom.

Daevon attache le sac de toile dans lequel repose la tête de la harpie. Et nous nous mettons en route vers le domaine du baron.

EVALON, La Marque des Dieux - Tome 1 : Le Chasseur _ Romantasy AdulteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant