Chapitre 1 . 2

34 4 7
                                    


Lyrie

J'ai l'impression de plonger dans une eau glacée, le choc de température me fait trembler. Je sais que je devrais continuer. Courir. Encore. Mais mon corps le refuse. Je tombe à genoux et m'autorise enfin à verser une larme. Une larme de rage. Et de soulagement.

J'ai réussi ! Je suis dans l'Arragast ! Et si les dieux le veulent, je serai bientôt à Cindra. Pour retrouver mon eriah. Le véritable héritier du trône, disparu à sa naissance lors du coup d'État sanglant opéré par l'Usurpateur, il y a de cela trente-trois années.

Je ralentis ma respiration et essaie de faire cesser les tremblements. De la vapeur s'échappe de mes lèvres. Mes cheveux, d'ordinaire d'un blond doré, sont ternes, sales et emmêlés. Ils traînent par terre, étalés tout autour de moi. Une brume blanche et opaque stagne à cinquante centimètres du sol, dissimulant mes jambes et mon bassin.

Du sang coule de mon épaule, me rappelant que je suis blessée. Je relève la tête et soupire en comprenant que la flèche m'a transpercée. Je vois la tête métallique. Je ne peux donc pas l'enlever, sous peine de provoquer une hémorragie. Je n'en mourrais pas, car je suis immortelle : seule la décapitation peut m'envoyer dans le royaume des morts. Mais cela m'affaiblirait trop. Je m'en occuperai plus tard.

Je lève lentement les yeux pour observer enfin le décor qui m'entoure. Un sol terreux. Pas de ciel. Rien que les parois aux couleurs chatoyantes de l'Arragast qui diffusent une lumière tamisée et apaisante. Une odeur agréable de fleur flotte dans l'air. En revanche, je n'entends pas le moindre son. Pas même celui de ma respiration.

L'autre côté se situe à une centaine de mètres. Il me semble facile à atteindre. Mais je sais qu'il n'en est rien.

J'attends encore quelques minutes, puis mobilise mes forces pour me remettre debout. Je titube, faible sur mes jambes. J'ai la tête qui tourne, envie de vomir – ce que je fais lorsque la nausée devient trop forte.

Puis je me ressaisis. Mon cœur bat anormalement vite. Je fais un premier pas vers l'autre côté. Puis un autre, mes sens aux aguets. Je n'ai pas pu emporter mes dagues avec moi. Mais ma volonté de vivre est si forte qu'elle remplace n'importe quelle arme. Il est inenvisageable que je meure avant d'avoir vengé mes sœurs.

Je marche encore, prudemment. Lentement. M'arrêtant presque à chaque pas, m'attendant à voir surgir une créature à tout moment.

Je suis arrivée à mi-chemin. Je fais encore un pas, lorsque je sens tout à coup quelque chose me frôler les pieds. Instinctivement, je bondis sur le côté. À cause de la brume, je ne vois rien. Mais je suis certaine d'avoir senti un effleurement.

Je me fige en regardant devant moi la brume s'épaissir et gonfler. Comme si quelque chose tentait d'en sortir. Je recule, même. Parce que quoi que ce puisse être, c'est vraiment très gros. Mes yeux s'écarquillent lorsque je commence à distinguer un corps reptilien massif. La brume s'élève avant de disparaître, révélant d'énormes serpents. Non... des têtes de dragon ! Plusieurs têtes, oui. Rattachées au corps colossal du reptile.

— Par Noktys, une hydre !

Mon assurance s'efface tandis que cinq têtes, chacune plus grosse que moi, me fixent de leurs grands yeux rouges.

L'hydre... Dragon ancestral à cinq têtes, éteint depuis des siècles. À Evalon, en tout cas. Parce que dans l'Arragast, il y en a toujours... À chaque tête tranchée, deux nouvelles repoussent. Et si ma mémoire est bonne, on ne peut les tuer qu'en transperçant leur cœur avec une lame en titanium*, le métal le plus solide qui soit. Des armes rares, héritées des anciens chasseurs de dragons, disparus à ce jour.

EVALON, La Marque des Dieux - Tome 1 : Le Chasseur _ Romantasy AdulteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant