Chapitre 6.3

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Lyrie

Je la suis hors de la chambre et nous remontons un long couloir qui débouche sur une petite cour arborée. Il doit être environ neuf heures, au vu de la position du soleil dans le ciel. Nous pénétrons dans la salle à manger, une grande pièce avec une table imposante remplie de victuailles. L'odeur alléchante fait gargouiller mon ventre.

Oliver, Daevon et Brenan sont debout à côté de la table, en pleine discussion. Daevon est le premier à me remarquer. Il s'arrête brusquement de parler et me dévisage. Les deux autres se retournent et me scrutent à leur tour. Qu'ont-ils ? Je n'ose plus avancer.

— Bonjour, Lyrie, me salue Daevon avec un grand sourire.

— Tu as l'air reposée, constate Brenan.

Oliver m'observe attentivement, mais reste silencieux. Brenan tend la main vers le buffet et me fait signe d'approcher.

— Nous t'attendions pour manger.

Je les rejoins et tire une chaise pour m'asseoir. Daevon s'installe en face de moi, Brenan à mes côtés. Et Oliver face à Brenan.

Un homme rond et une dame élégante font leur entrée, avant de se joindre à nous. Ils s'inclinent profondément en une révérence.

— Lyrie, je te présente le baron d'Ernel et sa femme, Celinda, m'explique Oliver.

— Je vous remercie pour votre hospitalité, leur dis-je.

— Eh bien, j'avoue que c'est la première fois que nous accueillons une walkyrie entre ces murs ! s'exclame le baron. J'avoue être admiratif, Majesté.

— Majesté ? je répète, abasourdie.

— Oliver nous a informés de votre titre.

Je prends à nouveau conscience que je suis la reine. Et que cette réalité est loin d'être assimilée.

— Je... Inutile de m'appeler « Majesté », je réponds, gênée. Le terme exact est Reina Walkyria. Mais je ne suis rien de cela à Cindra. Simplement... une étrangère de passage.

— Je vois... et comment vous appelle-t‑on, à Evalon ?

— Juste... Lyrie.

— Bien, alors... Lyrie, mangez à votre faim. Vous avez besoin de reprendre des forces !

J'acquiesce, avant d'étaler un peu de beurre et de confiture sur une tartine de pain.

— Alors dites-moi, Lyrie, comment était-ce ? reprend le baron. L'Arragast ?

— Joseph, laisse-la donc tranquille, le réprimande sa femme.

— C'est bon, j'interviens. Je peux répondre.

Tous les visages sont tournés vers moi, captivés.

— Il y fait très froid, je commence. Il n'y a ni son, ni odeur, ni souffle. C'est... un espace hors du temps. Une brume épaisse couvre le sol. C'est très déstabilisant.

— C'est vrai, confie Brenan. Nous étions enfants quand nous l'avons traversé, mais je m'en souviens parfaitement.

— Et qu'avez-vous affronté là-dedans ? me questionne le baron, curieux. Vous étiez gravement blessée quand on vous a amenée ici.

— Une hydre.

Daevon manque s'étrangler avec sa gorgée de jus de fruits, tandis que Brenan ouvre grand la bouche. Oliver fronce les sourcils, impassible.

— Une... hydre ? répète le baron.

— Une putain d'hydre ? insiste Daevon après avoir retrouvé son souffle.

— Je les croyais disparues depuis des siècles, commente Brenan.

— Moi aussi, mais je peux vous assurer qu'il en existe toujours, je réplique. Du moins, dans l'Arragast.

— Comment as-tu réussi à lui échapper ? me questionne Oliver.

Je me tourne vers lui. Ses yeux bleus me scrutent avec un réel intérêt.

— J'ai couru, je finis par répondre.

— Tu as... couru ? relève Brenan.

— Je suis très rapide. La plus rapide de toutes. C'est pour cette raison que mes sœurs... se sont sacrifiées afin que je puisse m'enfuir. J'étais la seule capable d'atteindre l'Arragast avant d'être rattrapée par nos geôliers.

Un silence pesant s'installe, personne n'ose plus parler. Ma voix se fait moins assurée lorsque je reprends :

— Je suis passée sous l'hydre. Entre ses pattes. J'avais presque atteint l'autre côté lorsqu'elle m'a mordue. Le venin m'a paralysée quelques instants. Suffisants pour qu'elle me blesse. J'ai maintenu sa gueule ouverte à la force de mes bras, à seulement quelques centimètres de mon visage. Et je l'ai repoussée. Mais j'étais à bout et j'avais perdu trop de sang. Le poison m'affaiblissait. Je pensais que c'en était fini de moi. Puis je l'ai vue...

— Vu quoi ? me questionne Brenan.

— La lumière. Mon roi. Je ne sais comment l'expliquer... Mais il était là, derrière le voile. Et il m'a prêté sa force pour que je puisse le rejoindre. J'ai réussi à me remettre debout et à courir. J'ai franchi la barrière. Je ne me souviens pas de ce qui s'est passé ensuite. Et je suppose que c'est là que vous m'avez trouvée. Eh bien, il semblerait que j'aie plombé l'ambiance...

— C'est remarquable, commente le baron. Et... ce roi qui vous aurait sauvée, qui est-il ?

— L'héritier légitime du trône d'Evalon. Je pensais jusqu'à récemment qu'il avait été tué le jour de sa naissance, il y a trente-trois ans. Mais ma reine m'a envoyée ici le trouver, car elle était persuadée qu'il avait survécu.

— Votre reine ? relève le baron.

— Je ne suis reine que depuis trois jours...

Il me lance un regard entendu.

— Et quels sont vos plans désormais ? poursuit-il.

— J'aimerais rencontrer le roi Geoffrey, je réponds. Je dois m'entretenir avec lui de plusieurs sujets. Et voir également s'il peut m'aider à retrouver mon eriah.

— Vous vous rendez donc à Priah.

— Oui.

— Nous allons escorter Lyrie jusqu'à Priah, annonce Brenan. Nous la présenterons au roi lorsque nous irons chercher notre récompense pour la harpie.

— Parfait, approuve le baron. Eh bien Lyrie, j'ai été ravi de faire votre connaissance. Vous serez toujours la bienvenue entre ces murs.

— Je vous remercie, baron. Quand partons-nous ? je questionne les chasseurs.

— Dès que nous aurons terminé le repas, répond Oliver.

— Vos chevaux sont sellés, les informe le baron.

— Merci, répond Oliver. Merci pour tout, Joseph. Je me souviendrai de votre hospitalité. Et je compte également sur vous pour ne pas divulguer la présence de Lyrie.

— Bien sûr. Je sais très bien comment les gens peuvent réagir quand ils ont peur de l'inconnu... Toute ma maisonnée se montrera discrète.

En effet, je me souviens de la première réaction de la servante quand elle m'a vue. 

EVALON, La Marque des Dieux - Tome 1 : Le Chasseur _ Romantasy AdulteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant