Chapitre 19.3

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Oliver

Au moment où je pénètre dans l'habitation, je trouve Nanou dans le couloir. Ses yeux s'écarquillent quand elle découvre mon visage amoché. Elle se précipite vers moi et touche ma blessure, me faisant grimacer.

— Oliver, qu'est-ce qui s'est passé ?

— Rien de grave, Nanou. Une gifle bien méritée.

Elle lève les yeux au ciel avant de me prendre par la main et de me conduire jusqu'à la salle de bains, à l'étage. Elle me fait asseoir sur un tabouret et sort de quoi nettoyer et désinfecter la plaie. Elle me soigne en marmonnant que je ne suis qu'un imbécile. Imbécile qu'elle aime profondément, heureusement pour moi. Puis elle passe affectueusement sa main dans mes cheveux, avant de poser sa petite main sur ma joue.

— Voilà, mon petit. Qu'as-tu bien pu faire ou dire pour que Lyrie te gifle ainsi ?

— Lyrie n'a rien à voir là-dedans, je soupire.

— Ouf ! s'exclame-t‑elle. J'ai eu peur que tu te sois mal comporté.

Je fais mine de m'indigner :

— Mal comporté ?

— Vous, les hommes !

— C'était Gaëlla, je lui avoue.

— Ah ! Je t'avais dit de ne pas t'encanailler avec une creati ! me réprimande-t‑elle en agitant son doigt devant mon nez. Tu es humain, Oliver.

— Je sais.

— Alors, ne fricote pas avec des femmes qui ont plus de force que toi, ça ne t'attirera que des ennuis.

Je ne peux m'empêcher de rire. Et elle aussi. Elle me serre dans ses bras, je profite de sa chaleur et l'enlace à mon tour. Ce petit bout de femme, qui a toujours été là pour moi et que je considère comme ma mère.

— Je t'ai racheté de la teinture pour tes cheveux, ajoute-t‑elle.

— Merci. Tu penses toujours à tout.

— Bien sûr ! Avec quatre mâles dans cette maison, il faut bien que quelqu'un fasse tourner la boutique !

Elle me fait un clin d'œil avant de sortir de la salle de bains. Quant à moi, je me dirige vers ma chambre, me déshabille et me laisse tomber sur mon lit. Instinctivement, ma main vient caresser mes pectoraux, là où repose la Marque des dieux. Je ressens un picotement sous mes doigts, comme chaque fois que je la touche.

Qu'attendez-vous de moi ? Pourquoi moi ? Que suis-je censé faire ? Moi qui ne suis qu'un humain pathétique... Je n'ai rien du héros que vous attendez ! Que puis-je accomplir dans ce corps faible ? Vous avez créé Arthur Pendragon à votre image. Moi, je n'en suis qu'une pâle copie !

Un sentiment de désespoir m'envahit. Tout me pousse à bousculer ma vie. Mettre fin à la parodie et reprendre la place qui me revient de droit. En ai-je seulement la force ? Le pouvoir ? Je n'ai jamais mis les pieds à Evalon. La moitié de ses habitants sont des fae ou des creati, tous plus forts et plus puissants que moi. M'accepteront-ils en tant que roi, moi, simple métis ? Comment renverser mon oncle ? Lever une armée ?

Ma tête se met à tourner. Chaque fois que je pense à tout cela, je me dis que ce n'est pas réel. Ça ne peut pas l'être ! Je grimace en sentant encore une migraine se déclencher et provoquer un sifflement insupportable sous mon crâne. Je plaque mes mains contre mes oreilles par réflexe, bien que je sache que cela n'amenuisera pas la nuisance.

Je me recroqueville en position fœtale et ferme les yeux. Je n'ai rien d'autre à faire qu'attendre. Et soudain, je réalise que je n'ai plus mal. Que le sifflement a cessé. Et que je n'entends plus rien... Pas même mon propre cœur battre.

Je me redresse brusquement, mes sens en alerte, et me fige en voyant la Triade devant moi. Elles sont là, ces trois femmes irréelles venant du royaume des dieux. L'œil étrange qu'elles portent sur leur couronne m'observe attentivement. Je n'ose pas bouger, ni émettre le moindre son.

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— Tu nous as appelées, Oliver d'Ellentour, lance la plus grande des trois.

— Et nous sommes venues, continue la petite au carré court.

Je les regarde sans comprendre.

— Nous avons entendu ta prière, complète la plus maigre aux cheveux bouclés.

— Ma prière ? je répète, incrédule.

— Oui. Et voici la réponse des dieux : "Lorsque la Lune rencontrera le Soleil pour l'assombrir, les Portes d'Ombra s'ouvriront sur les mondes mortels. Rien n'y survivra. Deux élus ont été choisis pour empêcher le Ragnarök de s'accomplir. L'enfant né dans le sang de sa mère réveillera et dominera les Titans endormis pour enrayer le Mal. Pour ce faire, il aura besoin du don le plus précieux de la Reina Walkyria. Ensemble, ils détruiront les enfers et feront renaitre les dieux".

— Tel est le message des dieux, conclut la plus grande en me toisant de ses grands yeux vitreux.

— Je n'y comprends rien, je souffle, perdu.

— Cette réponse est profondément ancrée en toi, Oliver d'Ellentour, persifle la plus petite. Sache que si tu continues d'ignorer nos avertissements, tu seras seul responsable de l'extinction de ton monde. Notre message a été délivré. Il est temps pour nous de partir.

— Attendez ! je leur crie.

Mais le sifflement dans ma tête reprend de plus belle, m'obligeant à fermer les yeux. Je gémis sous l'intensité de la douleur. Qui s'estompe au bout de quelques minutes, enfin. Mon corps tremble encore, mais je parviens à me calmer et à me redresser. Évidemment, la Triade a disparu. Je suis à nouveau seul. Désespérément seul.

Je me lève péniblement et attrape mon carnet pour noter la prophétie. Si c'en est une. Je la relis plusieurs fois, tentant de la comprendre.

« Lorsque la grande Lune rencontrera le Soleil pour l'assombrir »... Il est certainement fait référence à une éclipse solaire. « L'enfant né dans le sang de sa mère »... c'est moi. Ma naissance a amorcé la mort de ma mère. Et puis il y a Lyrie, et son « don le plus précieux ». De quoi s'agit-il ? D'un pouvoir qui sommeille en elle ? De la puissance du fameux cri de la Reina Walkyria ? De... sa vie ? Mon corps se couvre d'une pellicule de sueur froide.

Je me lève d'un bond, j'ai besoin d'air. Je sors en trombe de ma chambre et titube jusqu'à l'escalier que je descends tant bien que mal pour rejoindre le jardin. J'essaie de reprendre mon souffle en inspirant de grandes bouffées d'air frais. Mais ma poitrine est tellement compressée que j'en ai mal au cœur.

Je suis en train de faire une sévère crise d'angoisse. Non, pas maintenant ! Le sol se met à tourner sous mes pieds, une bile acide remonte dans ma gorge. Je tombe à quatre pattes. J'ai atrocement chaud, plus de force dans les bras. Je m'écroule.

EVALON, La Marque des Dieux - Tome 1 : Le Chasseur _ Romantasy AdulteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant