Chapitre 4.2

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Lyrie

Lorsque je reviens à moi, je constate qu'il fait jour. La pièce baigne dans la lueur de l'aube. Je me redresse lentement pour m'asseoir, mon corps va déjà mieux. Une douce odeur de pain chaud caresse mes narines.

— Tu as faim ?

Je sursaute et cherche la provenance de la voix. Mes yeux trouvent rapidement ceux de l'homme qui se tient debout devant moi, appuyé contre le mur, les bras croisés sur son torse. Mon premier réflexe est de chercher à attraper la dague qui repose habituellement contre ma cuisse. Qui n'y est pas.

— Je ne t'ai pas agressée, reprend l'homme. Je m'inquiète seulement de savoir si tu as faim. Ou soif, peut-être ?

Je le dévisage, cherchant à déceler s'il s'agit d'un ennemi. Je dirais qu'il est âgé d'une trentaine d'années. Il est grand et musclé, de toute évidence un guerrier. Quelques mèches de ses cheveux d'un noir profond caressent son visage, faisant ressortir ses yeux d'un bleu lagon comme je n'en ai jamais vu. Des pommettes franches et un nez droit. Il a un très beau visage et des lèvres séduisantes. Il est vêtu d'une tunique et d'un pantalon en cuir noir qui moulent son corps athlétique.

Je ne sais pas de qui il s'agit, mais ce doit être quelqu'un d'important, car il a la prestance d'un dirigeant. Je sens également autre chose chez lui. Son énergie est particulière. Pourtant, il est humain. Son regard reste dur, mais curieusement, je ne me sens pas en danger.

— Est-ce que tu comprends ce que je dis ? me questionne-t‑il, arquant un sourcil.

— Oui, je réponds enfin avec un léger accent, je comprends et je parle votre langue.

Je vois ses traits se décrisper. Il paraît soulagé.

— Tant mieux, reprend-il. Cela facilitera les choses.

— Est-ce que c'est vous... qui m'avez trouvée ? Qui êtes-vous et où suis-je ? Où est mon eriah ? Je veux dire, où est le roi ?

Je le vois tiquer, avant qu'il ne décroise ses bras et ne se rapproche d'un pas.

— Je n'ai pas la réponse à toutes tes questions. J'en ai moi-même beaucoup à te poser. Je peux te dire dans un premier temps que je m'appelle Oliver Garner. Je suis chasseur de la Couronne.

— Chasseur de la Couronne ? je répète, confuse.

— Un chasseur de monstres, si tu préfères.

Je hoche la tête, bien que je ne sache pas vraiment de quoi il s'agit.

— Nous étions en pleine chasse lorsque nous t'avons trouvée, inconsciente, devant l'Arragast, il y a trois jours, m'explique-t‑il.

— Trois jours ?

Par Noktys, trois jours ?

— Tu avais besoin de repos, ajoute-t‑il devant ma mine perplexe. Tu étais grièvement blessée.

Je ne réponds rien, mon esprit encore embrumé. J'essaie de recoller les morceaux, j'ai l'impression que quelque chose m'échappe. Mais je ne parviens pas à mettre le doigt dessus.

Mon corps se tend au moment où mes yeux se posent sur mes cheveux. J'attrape une mèche que j'approche de mon visage, réalisant pleinement ce que cela signifie. Oalah est bien morte. Ma reine... Je vois encore le sang gicler de sa gorge. Mon cœur s'emballe, tandis que d'autres visions d'horreur m'assaillent. Je porte mes mains à mes oreilles pour faire taire les hurlements. La pièce se met à tourner, je perds le contrôle. Je crois que je vais vomir.

Soudain, une main chaleureuse vient se poser sur mon épaule, faisant s'éteindre instantanément les voix. Et disparaître les images. Cet homme, cet Oliver... Il est assis au bord du lit face à moi et m'observe avec inquiétude. Il retire sa main avant de me dire :

— Je ne prétends pas savoir quelles horreurs tu as vécues. Mais c'est terminé. Tu as traversé l'Arragast et en es sortie vivante. Et désormais, tu es en sécurité. À Cindra.

Je plonge mes yeux dans les siens. Cela m'apaise d'une façon étrange.

— Tu as un nom ? reprend-il, souriant.

Un sourire... charmant.

— Lyrie, je réponds. Je m'appelle Lyrie.

— Bien. C'est un bon début. Enchanté, Lyrie. Et bienvenue à Cindra.

J'aimerais lui sourire en retour, mais je ne m'en sens pas capable.

— Mes cheveux, je lui demande, étaient-ils déjà rouges quand vous m'avez trouvée ?

— Oui.

— Ils étaient blonds, j'ajoute, surtout pour moi-même. Par Noktys, que m'est-il arrivé... Je ne comprends pas... Mon eriah... Je l'ai forcément rencontré. C'est lui qui m'a donné la force de sortir de l'Arragast. Mais... je ne me souviens de rien. Pourquoi... pourquoi n'est-il pas là ? Pourquoi m'a-t‑il aidée puis abandonnée ?

Je me tais, réalisant que je prononce mes pensées à voix haute.

— Tu as mentionné plusieurs fois ce nom... eriah, me fait remarquer Oliver. Peux-tu m'expliquer de qui il s'agit ?

— De la personne que je suis venue chercher.

Quelqu'un frappe à la porte. Je me tends instinctivement.

— Entrez, lance Oliver.

Deux jeunes hommes nous rejoignent alors. Je suis frappée par leur ressemblance. Des jumeaux. Que l'on ne différencie qu'à leur couleur de cheveux. L'un est blond, l'autre brun. Il ne me faut que quelques secondes pour deviner qu'ils sont des creati. Des panideri neberu. Des métamorphes capables de se transformer en panthères. Je n'en ai jamais rencontré. Jusqu'à aujourd'hui. Ils sont plus grands et imposants qu'Oliver. On voit un éclat féroce briller dans leurs yeux verts. Ils sont très musclés. Et tout aussi charmants. Ils sont vêtus de façon identique, pantalon beige et tunique noire cuirassée. Ils semblent également lourdement armés, plusieurs épées et poignards exposés sur leurs flancs.

— Lyrie, je te présente Daevon et Brenan, dit Oliver en se levant pour les rejoindre.

— Salut, Lyrie, me lance le blond.

— C'est un honneur de te rencontrer, Reina Walkyria*, ajoute le brun en s'inclinant.

Ma bouche s'assèche. Oui... Oalah n'est plus là. Et la teinte de mes cheveux prouve que les dieux m'ont choisie pour devenir la nouvelle reine. Tout comme mon eriah, qui a accepté mon serment. Je suis la nouvelle reine. Et probablement la dernière de mon espèce.

— Vous êtes des creati, je finis par dire. Vous avez donc réussi à franchir l'Arragast. Comment ? Depuis quand êtes-vous ici ?

— Une trentaine d'années, il me semble, me répond en souriant ledit Daevon. Quel accent charmant, je suis conquis !

— Ne commence pas à la mettre mal à l'aise avec ton numéro, le rembarre Brenan. C'est pas le moment.

— C'est bon, détends-toi un peu, frangin ! Je pense que notre amie Lyrie n'a pas ri depuis une éternité. Un peu de légèreté lui ferait le plus grand bien. N'est-ce pas ?

C'est vrai, il a raison. Je suis touchée par sa sollicitude. Je ne sais plus à quand remonte la dernière fois que j'ai ri. Vraiment. Je ne suis plus sûre de me rappeler comment il faut faire. Ni même si j'en ai encore envie.

— Tu dois être épuisée, l'ignore Brenan. Je n'ose imaginer ce que tu dois ressentir. Nous sommes de parfaits inconnus pour toi, tu te retrouves seule dans un royaume étranger. Mais si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas.

— La seule chose dont j'aie besoin, c'est de retrouver mon eriah, je réplique.

Les deux frères lancent un regard entendu à Oliver. J'ai le sentiment qu'ils savent quelque chose à ce sujet. Alors, je poursuis :

— Vous savez ce que je suis, inutile donc de vous expliquer ce qu'est le serment de la reine walkyrie. En arrivant à Cindra, j'ai manifestement trouvé celui que j'étais venue chercher. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il m'a laissée pour morte alors qu'il a accepté mon serment. Mais... je dois à tout prix le retrouver. Et vite. 

C'est une question de vie ou de mort.

EVALON, La Marque des Dieux - Tome 1 : Le Chasseur _ Romantasy AdulteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant