Prologue

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Lorane

Assise sur l'édredon moelleux de mon lit, je tressaille en entendant de nouveaux cris au-dehors. Cela fait plusieurs heures maintenant que le palais est attaqué et que je suis confinée dans mes appartements, terrifiée. Je sais très bien ce que l'ennemi est venu chercher. Ou plutôt, ce qu'il est venu détruire.

Les mains tremblantes, je caresse le fin duvet blond du petit être qui repose dans mes bras, lové contre ma poitrine. Il n'a que quelques heures à peine et pourtant, ses yeux d'un bleu lagon me fixent intensément, comme s'il avait compris, lui-aussi, que nous vivions nos derniers instants ensemble.

Je sursaute en entendant les grilles de la cour intérieure exploser en un fracas assourdissant.

Ils approchent. Instinctivement, je serre le nourrisson davantage contre moi. Une larme roule sur ma joue déjà humide.

Mon cœur cogne démesurément fort contre ma poitrine. J'ai beaucoup trop chaud. L'angoisse me noue les entrailles.

J'observe mon fils, petit être fragile à la peau si douce. Il est tellement beau. Tellement parfait. Il me ressemble, mais il a beaucoup de traits communs avec son père et son demi-frère, Jonace. Son nez est droit. Ses lèvres finement dessinées. Son teint halé.

Mes doigts parcourent les runes et symboles luminescents gravés sur sa chair, au niveau de ses pectoraux, de ses épaules et de sa nuque.

— Je t'aime, Oliver, je murmure en me penchant légèrement au-dessus de son visage. Sois fort, et courageux. Je veillerais toujours sur toi.

Je dépose un baiser sur son front au moment où il émet un gazouillis. Sa bouche s'étire tandis qu'il baille.

La porte de ma chambre s'ouvre brutalement, m'arrachant un cri. Mais je me détends en réalisant que ce n'est que Fergus, le fidèle ami de mon mari. Il ne m'adresse ni un mot, ni un regard. Il se précipite vers un fauteuil pour s'en emparer afin de placer le dossier contre la poignée de ma porte pour la bloquer.

Puis il se retourne enfin, me scrutant de ses yeux émeraude. Sa peau est noircie par la fumée. Il est couvert de sang et de boue. Son armure est cabossée. Sa tresse à moitié défaite. Il est essoufflé.

Par les dieux ! Mon corps tremble. Ma gorge s'assèche.

— Lorane, me dit-il, tout bas.

En voyant une larme se former au coin de son œil, je sais déjà ce qu'il va m'annoncer. Je secoue la tête, resserrant ma prise sur mon enfant.

— Non... je bafouille.

— Le... Le Roi est mort, lâche-t-il. Je suis... désolé.

— Non, je répète, choquée. Harmand...

Le visage de mon tendre mari s'impose dans mon esprit. Sa voix grave. Ses mains fortes et rugueuses. Ses yeux de braise. Son rire. Ses mots...

Non... ce n'est pas possible... pas Harmand... Pas...

Je sursaute lorsque Fergus pose sa main moite sur mon épaule.

— Lorane, nous devons partir.

— Fergus... Regarde-moi ! Je suis trop faible ! Je ne peux pas marcher.

— Si, vous pouvez y arriver !

J'aimerais que ce soit vrai, mais mon accouchement a été difficile. Oliver s'est présenté par le siège, et j'ai perdu énormément de sang.

— Fergus, j'insiste, prends Oliver, et enfuis-toi avec lui !

— Lorane...

Ma main se lève pour lui intimer de se taire. Car j'ai pleine autorité sur lui.

— Va chercher tes enfants et fuyez à Cindra ! je lui ordonne.

— À Cindra ? Mais... l'Arragast !

— Les dieux vous laisseront passer.

— Comment...

— La Triade m'est apparue, je le coupe. Ils veulent qu'Oliver grandisse sur les terres du Roi Geoffrey, en sécurité. Jusqu'à ce qu'il soit prêt.

Ma main se serre davantage dans la sienne. Mon regard implorant se plonge dans le sien.

— Je t'en supplie, Fergus, pars avec Oliver ! Quitte Evalon ! Et protège-le !

Ému, il hoche la tête avant de baisser ses yeux vers le nourrisson qui l'observe à son tour.

Une explosion retentit derrière nous au moment où la porte vole en éclat pour aller se fracasser contre un mur. Un hurlement sort de ma gorge. Trois soldats ennemis pénètrent dans la chambre, le visage haineux.

Fergus dégaine son arme et les attaque simultanément. Un quatrième soldat apparait et accourt vers moi. Mes yeux s'arrondissent d'effroi. Ma peau se glace et se couvre de sueur.

Le temps semble ralentir tandis qu'il se rapproche inexorablement de moi, et moi de ma fin. Cela aussi, la Triade me l'a annoncé.

Alors je ferme les yeux. Enveloppe Oliver dans mes bras. Me penche sur le côté pour exposer mon dos et protéger du mieux que je peux mon fils.

Je n'entends plus que les battements assourdissants de mon cœur. Et ceux de mon enfant, qui pleure et crie, désormais.

Vis, Oliver. Et n'oublie pas. Sois fort et courageux. Je veillerais sur toi. Toujours.

EVALON, La Marque des Dieux - Tome 1 : Le Chasseur _ Romantasy AdulteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant