-J'ai été confronté à un conflit de loyauté, car je pensais jusqu'alors que la foi chrétienne et la psychologie n'étaient pas forcément conciliables. Mes a priori n'ont pas disparu d'un seul coup, mais en observant la manière dont on accompagnait la souffrance psychique à l'hôpital, j'ai peu à peu compris que j'avais beaucoup à apprendre et j'ai réalisé combien l'Église était démunie dans ce domaine. C'est alors que j'ai commencé à être attentif aux textes qui, dans les Écritures, pouvaient nous informer sur notre fonctionnement psychologique, afin de mieux comprendre et accueillir de façon adaptée les personnes atteintes de troubles psychiques au sein de nos communautés. J'en suis aussi arrivé à penser qu'une collaboration entre ces deux mondes, apparemment opposés, était plus que souhaitable. La Clinique de Dieu, mon premier ouvrage, est le fruit de ces réflexions, après 15 années d'expérience en santé mentale.
-Avec ces hommes et ces femmes en souffrance, nous pouvons prendre tout le temps nécessaire pour que s'opère la rencontre, préalable indispensable à l'alliance hérapeutique. Montrer la façon dont ces textes éclairent notre humanité et nous rejoignent dans nos besoins fondamentaux.
-Je ne sais pas ce qui est préférable: avoir eu un père violent, défaillant, ou pas de père du tout! Dans un cas comme dans l'autre, il en résulte par la suite une grande vulnérabilité. Ne pas avoir été pleinement reconnu ressemble à une naissance, une mise au monde incomplète. On fabrique à partir d'éléments ramassés ici à là, une image paternelle, fragile, instable, éphémère. Difficile de se construire sur ce fondement bricolé.
-On s'épuise à chercher une reconnaissance qui ne nous comble jamais, car le regard des autres ne suffit pas à remplacer l'absence du seul regard qui compte. Ce que l'on réclame, ce que notre cœur profond désire véritablement, désespérément, ce ne sont pas les honneurs ou l'admiration qu'apporte l'exploit ou la performance, mais la légitimité. Le pire c'est que même à l'âge adulte nous continuons à souffrir de ce manque de confiance en nous, de cette insécurité qui fait de nous des proies faciles et crédules.
-Le manque affectif dans l'enfance ou l'adolescence crée une telle fragilité qu'il est facile pour des esprits mal intentionnés de simuler l'amour, le réconfort, ou l'autorité bienveillante.
-Notre monde a dramatiquement besoin d'un Dieu Père. Pas uniquement les orphelins, car nous ressentons tous le besoin de repères plus stables et d'un attachement plus fort que ceux que nous ont offert nos parents biologiques. Quelque chose d'immuable, une voix qui nous confirme, et nous redonne espoir. Le monde chrétien l'a peut-être oublié ou ne mesure-t-il plus la portée du message qui lui a été confié.
-Des patients qui participaient à l'un de mes ateliers évoquaient les traumatismes dont ils avaient souffert dans l'enfance. À l'un d'entre eux j'ai posé la question suivante: Qu'est-ce qui vous marque le plus encore aujourd'hui, les coups ou les paroles blessantes? Il m'a répondu: les paroles, parce que mon père m'a dit que je finirais SDF et j'ai dû au jour fouiller dans les poubelles pour me nourrir! La parole de son père l'a programmé à échouer.
-Laisse-toi aimer comme un fils, laisse-moi t'aimer comme un père.
-J'ai dû admettre combien il m'était difficile d'investir ma position de fils de Dieu!
-Que nous dit Jean? Que ceux qui reçoivent la personne et le message de Jésus, Fils de Dieu, ceux qui croient qu'il est le Messie né de Dieu ont à leur tour le pouvoir de devenir enfants de Dieu.
-Le pouvoir de devenir enfant de Dieu est une proposition indécente, aussi scandaleuse que la croix où s'expose la nudité et la faiblesse du Fils de Dieu. En réalité c'est pour cette finalité que Christ s'est offert, que le Père n'a pas épargné son Fils.
