Matthieu Sanders
-Il y a un pouvoir évocateur des images ou anecdotes. Il n'y a rien de tel, pour aider à faire comprendre une idée, que de l'illustrer. Chez Jésus, ces paraboles viennent parfois en complément d'une enseignement apporté de façon plus directe. Le nombre de paraboles et l'importance manifeste que Jésus leur accorde souligne qu'il voit en elles plus qu'un simple outil rhétorique. Autrement dit, en racontant des paraboles, Jésus fait plus que de la pédagogie.
-L'expression "royaume des cieux" privilégiée par Matthieu l'évangéliste, est décrite dans les autres évangiles par une expression équivalente, le "royaume de Dieu".
-La parabole du semeur: êtes-vous prêts à écouter, comprendre et changer en fonction de ce que vous aurez entendu?
-Jésus alterne souvent entre des propos adressés à un public large (la foule) et un discours qui s'adresse au cercle plus restreint de ses disciples, ceux qui se sont déjà engagés à le suivre.
-Même jean-baptiste se demande si Jésus est bien le Messie qu'il avait lui-même annoncé! Le terme Messie vient d'une racine hébraïque qui renvoie à l'onction d'un roi. Le Messie est donc le roi, mais on utilise généralement en référence au Roi futur annoncé dans l'Ancien Testament: le Roi-Sauveur au règne universel.
-Un semeur jette de la semence (du grain). Selon la qualité de la terre où ce grain est répandu, les résultats diffèrent: dans plusieurs situations le grain ne prend pas, parce que la terre n'est pas suffisamment propice à la croissance d'une plante porteuse de fruit. On se représente traditionnellement du blé, mais on notera que Jésus ne précise pas de quelle plante il s'agit. Dans un premier cas, le grain tombe au bord du chemin où il n'y a même pas vraiment de terre pour l'accueillir. Les oiseaux s'en emparent avant que la moindre croissance ait pu avoir lieu. Dans un deuxième cas, le sol est rocailleux, la terre est mince, et on assiste à un début de croissance en faux-semblant: la plante "sort" tout de suite de la terre mais n'a pas les ressources suffisantes pour continuer à grandir. Dans un troisième cas, les grains tombent parmi les ronces. La terre à proprement parler ne semble pas poser problème ici, mais le lieu n'est pas propice à la croissance: les ronces prennent toute la place et étouffent les jeunes pousses.
-En entendant cette histoire certains des auditeurs de l'époque auraient eu à l'esprit le fait qu'à plusieurs reprises dans l'Ancien Testament, Dieu est présenté comme un semeur (Jérémie 31, Osée 2) Et dans la parabole de la mauvaise herbe qui vient après, Jésus affirme explicitement, cette fois, que le semeur est le Fils de l'homme, c'est à dire lui-même.
-On constate à la lecture des Evangiles que Jésus utilisait régulièrement l'expression "Fils de l'homme" pour parler de lui-même.
-Les Évangiles nous montrent que Jésus amène progressivement ses disciples à comprendre qui il est et ce qu'il va faire pour eux. Beaucoup de commentateurs estiment que cette pédagogie progressive était en partie liée aux fausses conceptions que ses contemporains avaient du Messie. Jésus préférait, semble-t-il que ses auditeurs apprennent d'abord à le connaître, à découvrir pour eux-mêmes l'importance capitale de sa personne et de son enseignement. Ainsi ils pourraient, dans un deuxième temps, évoluer dans leur conception de ce que devait être le Messie. Car spontanément, beaucoup raisonnaient en sens inverse: ils étaient si sûrs de ce que devait être le Messie (triomphant, nationaliste, acclamé par tout le peuple) et qu'ils étaient incapables de faire le lien avec Jésus. Jésus choisit donc de s'auto-révéler à sa manière et en son temps, en gardant le contrôle de cette révélation plutôt qu'en "s'affichant" d'emblée comme le Messie attendu.
-Imaginons que je raconte à mes enfants une histoire pour s'endormir... et que l'histoire que je leur raconte est celle d'un père qui raconte à ses enfants une histoire pour s'endormir. C'est une mise en abîme. Autrement dit, un effet de miroir. Or, nous retrouvons ce procédé dans la parabole du semeur. Il y a un effet de miroir entre l'histoire que raconte Jésus (le semeur qui sème la semence) et ce que Jésus est en train de faire en racontant cette parabole; il sème une Parole qui sera diversement accueillie.
