Ils se regardèrent pendant un moment puis Georges approcha ses mains vers les joues de Bérengère, encore brûlantes.
– Je ne veux pas que tu te retrouves seule avec l'enfant. On a fait cet enfant ensemble, on doit l'assumer. Et puis, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas essayer de vivre ensemble.
Elle afficha un air de femme comblée et se jeta dans ses bras, le remerciant pour sa confiance et en se confondant encore en excuses, comme si cette nouvelle ne suffisait pas à effacer ce qui s'était passé quelques minutes plus tôt.
Georges appela les enfants, pour leur présenter Bérengère et surtout leur annoncer qu'ils allaient avoir un petit frère ou une petite sœur à cajoler d'ici quelques mois.
Serge descendit promptement et vint serrer la main de la femme, sans vraiment la regarder dans les yeux.
– Tu as un enfant dans ton ventre? Pourquoi?
Bérengère éclata de rire : « Comme tu es comique toi! Si tu es bien sage, je vais te faire un dessin. »
Georges appela de nouveau sa fille qui ne répondit pas. Il demanda à Bérengère de patienter un peu et gravit les marches avec appréhension. Sur le palier, il hésita avant de frapper deux coups secs sur la porte fermée.
– Avéline, je voudrais te parler.
Silence.
« Avéline, je n'ai pas l'intention de descendre tout seul alors tu ouvres tout de suite, s'il te plaît. »
Il attendit trois minutes et comme il n'obtenait pas de réponse, il tourna la poignée et entra.
La jeune fille était recroquevillée sur son lit, le regard rivé sur la fenêtre où le rideau en tissu blanc transparent se soulevait doucement au gré d'une brise fraîche.
« Ma chérie, tu ne veux pas descendre et venir rencontrer Bérengère? C'est une femme très gentille. Je suis certain que vous allez bien vous entendre. »
Elle ne le regardait pas, laissant les larmes couler sur ses joues sans les essuyer. Les bras entourant la vieille peluche qu'elle avait conservée pour les jours de pluie, elle préférait se taire, car elle savait que s'il ouvrait la bouche, ce serait pour causer plus de mal que de bien. De plus, elle détestait déjà cette femme sans l'avoir rencontrée. Elle avait reconnu la voix un peu rauque et sèche de la femme qui avait appelé la veille. Cette chipie venait de tout gâcher et son père, tout intelligent qu'il paraissait être, s'était laissé ensorceler comme un vrai habitant ignare. Elle voyait déjà le malheur qui planait au-dessus de leurs têtes. Elle avait peur pour elle, mais aussi pour Serge qui allait réaliser assez vite que cette femme n'avait rien à voir avec leur pauvre maman ou encore avec la douce Violette. Elle voulait s'enfuir à tout jamais de cette maison et ce n'est pas en se présentant devant cette intruse que les choses allaient se régler comme par magie. Elle refusa de répondre et ne bougea pas d'un poil.
Georges sentait bien que la petite en avait gros sur le cœur et qu'elle se retenait pour ne pas faire une scène. Il ne savait pas s'il devait insister pour qu'elle soit formellement introduite à Bérengère ou bien s'il était préférable d'attendre que les choses se calment un peu.
« Alors tu vas rester ici à bouder et pleurnicher dans ta chambre jusqu'à demain matin? »
Elle se tourna complètement vers le mur, ignorant les questions de son père. «Laisse-moi tranquille. Je ne me sens pas bien, c'est tout, mentit-elle. »
Il tapota son épaule et quitta la chambre sans faire de bruit. Il y verrait plus tard, car cette situation ne pouvait pas durer éternellement. Sinon, ce serait la guerre entre ces deux-là et il ne le désirait pas.
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Le silence des blés d'or
General FictionÀ la mort de son père avec qui il a vécu toute sa vie, Serge, autiste, hérite de la terre familiale, une ferme centenaire qui a connu de meilleurs jours. C'est une surprise à laquelle personne ne s'attendait. Bien vite, les membres de la famille, le...