L'absence prolongée

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- Tout ça, c'est bien joli, mon beau, mais ça ne me dit pas ce que tu attends de moi ? le questionna-t-elle. Comment veux-tu que je te croie quand tu me dis que tu es en amour avec moi ? Ton impulsivité me fait plus peur que ta Fadette.

Frédéric joignit ses mains dans les siennes, enlaçant doigt après doigt. Il y avait cette lumière dans ses yeux qu'elle ne pouvait ignorer. Peut-être était-il vraiment en amour, après tout, se disait-elle.

- Écoutez-moi bien, ma belle Bérengère. Je quitte le Québec ce soir pour rejoindre Paris. Avec Fadette et mes associés. J'ai convaincu Fadette de suivre un traitement dans une clinique privée en Suisse afin de perdre du poids. Ce n'est pas sa première tentative, mais cela nous donnera du temps pour nous connaître vous et moi. Si vous en avez envie, bien entendu.

« Je peux vous réserver une place sur le prochain vol et je vous prendrai en charge dès votre arrivée. Je vous ferai découvrir les charmes du Sud de la France. Mandelieu-la-Napoule existe pour vrai, ma chère. Sans rire ! »

Bérengère esquissa un sourire et laissa son regard se perdre sur l'horizon maintenant peint d'un bleu indigo profond. Cette offre sortie de nulle part lui souriait. Cet homme, même s'il ne disait peut-être pas toute la vérité, pourrait lui offrir une chance inouïe de fuir définitivement ce bourbier dans lequel elle s'était plongée. Cette distance qu'elle placera entre ce lourd passé qui la hantait et cette nouvelle vie outremer allait enfin lui ouvrir de nouveaux horizons.

Depuis la mort de son premier mari, ses frasques ne lui avaient attiré que des problèmes et tout cela avait culminé avec sa rencontre avec Georges, l'imbroglio avec Jodoin à propos du bébé et sa sœur qui ne croyait plus en elle. Elle désirait plus que tout retrouver une certaine sérénité et cela ne se ferait pas en restant dans un environnement comme celui-là. Elle avait le goût de l'aventure et rien d'autre ne la retenait ici à part le petit Cédric. Elle eut une pensée pour l'enfant, mais chassa cette image en constatant que Frédéric la dévorait des yeux.

- D'accord, dit-elle enfin. Mais il y aura des conditions.

Pujol ne cacha pas sa joie, portant la main à son cœur, comme si ce dernier allait bondir de sa poitrine. Bérengère trouva le geste charmant, même s'il lui apparaissait un brin exagéré.

- Je vous écoute... demandez-moi tout ce que vous voulez, je suis à votre service.

- Tu ne sais vraiment pas dans quoi tu t'embarques, Frédo. Attache ta tuque avec de la broche, mon homme, parce que tu vas te faire brasser le béret !

« D'abord, tu ne me touches pas. Des bisous, ça me convient. Mais les pattes, la quéquette, les séances du Dernier tango à Paris, c'est sur la glace jusqu'à nouvel ordre. Bien compris ? »

Pujol acquiesça sagement.

« Ensuite, il faut que Fadette le sache. Je n'ai pas l'intention de jouer à cache-cache avec une femme qui risque de péter sa coche parce que tu lui as menti à tour de bras. Donc, tu t'assois avec elle dans l'avion et tu lui dis tout. Si tout ce que tu m'as dit est vrai à propos de votre mariage d'arrangement, alors elle devrait s'accommoder de la chose, mais tu dois lui promettre que tu ne divorceras pas. Il faut sauver les apparences et surtout les meubles. Tu me suis toujours ? »

- Je ne comprends pas tous les mots, mais je crois que c'est assez clair. Autre chose ?

- On laisse tomber les vouvoiements. Ça me donne des boutons.

- Cette dernière demande sera la plus difficile à honorer, je crois, dit-il enfin en souriant. Scellons cet accord par un baiser, si tu le veux bien.

Le silence des blés d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant