Celui par qui le malheur arrive

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Il regardait ses amis avec l'air de quelqu'un qui venait de voir un fantôme. Il se tourna à plus d'une reprise, regardant en direction de la route, comme s'il s'attendait à ce que quelqu'un survienne.

Il alla se caler dans le fauteuil, le visage enfoui dans ses mains tremblantes.

« Je suis vraiment, mais vraiment désolé. Tout ça, c'est de ma faute. Je suis complice de ce crime odieux... »

Avéline lui demanda de quoi il s'agissait. Serge fronçait les sourcils et Jean-François se rapprocha de lui et s'agenouilla à ses côtés.

« Je suis allé voir Bérengère. J'arrive de là-bas, de St-Aubert. Elle m'a raconté une partie de sa vie. Pas que ça m'intéressait vraiment. Mais au moins, elle consent à me remettre l'argent et surtout, elle m'a donné le nom de mon vrai père. Je la déteste autant, mais elle est remontée un peu dans le palmarès des personnes qui méritent un peu de mon respect. Sauf qu'elle ne s'est pas excusée, mais je vais y voir. »

- C'est une bonne nouvelle, ça, dit Avéline. Mais ce n'est pas un crime, à moins que tu aies décidé d'insister et que...

- Non, ça n'a pas vraiment rapport, mais je voulais que vous le sachiez, c'est tout.

« En sortant de l'auberge, j'ai vu qu'il y avait quelqu'un qui était appuyé contre la portière de mon auto. Un type bizarre. Il fumait une cigarette et l'a jeté au loin en me voyant. Puis il s'est dirigé vers moi avec l'air de vouloir me casser les deux jambes. Quand il s'est rapproché, je l'ai reconnu. C'était Tigré, le bras droit d'Alfonzo. »

- Oh, ce n'est pas vrai ! s'écria Avéline. Ne me dis pas qui tu traînes encore avec ces voyous? Tu ne te souviens pas de ce qui t'est arrivé la dernière fois ? Tu as eu la police sur les fesses pendant au moins un an. T'avais beau ne pas être impliqué directement dans les affaires de ce trafiquant de drogue, la SQ, elle, avait plus d'une raison de ne pas te croire. Mais, j'y pense : il n'était en prison, Alfonzo ?

Cédric hocha la tête, mais la secoua dans le sens inverse en disant : « Il paraît qu'il est sorti un peu plus tôt que prévu. Alors, il a essayé d'entrer en contact avec moi, histoire de comprendre ce qui s'est vraiment passé. Lui aussi est convaincu de choses que je n'ai pas faites, comme collaborer avec la police. »

- Mais, c'est vrai. Tu n'as rien fait pour aider la SQ, non ? Ne me dis pas que tu nous as menti à ce sujet-là aussi.

- Ce n'est pas si simple, Avé. Je n'étais pour raconter à tout le monde ce que je faisais avec Alfonzo, ni ce que je disais ou pas à la SQ.

Avéline n'en revenait tout simplement pas. Après toutes ces années à vagabonder, à vivoter comme un sans-abri, il s'était enfin installé dans un semblant de vie normale. Il avait mis derrière lui ses petites combines de vente de marijuana, ses contacts avec ce petit chef de gang de rue et ses aventures avec toutes les prostituées latino-américaines qui gravitaient autour d'Alfonzo. Il leur avait raconté ses frasques sans trop donner de détails, mais avait insisté qu'il n'y était pour rien, comme il le faisait avec la police qui cherchait à coincer le petit mafieux de ruelle pour le meurtre sordide d'un adolescent.

- Rien n'est jamais simple avec toi. Et là, tu arrives aux funérailles de papa, les mains plus propres que le Pape, un sourire de gars en contrôle alors que tu as ce gang de pourris qui veulent faire la peau. C'est quoi, ton problème, Cédric ? Des fois, j'ai envie de te flanquer une raclée. Une bonne fessée avec la ceinture de Georges, il me semble que ça te replacerait les esprits. Et je suppose que tu n'as pas contacté la SQ, comme de raison...

Cédric secoua la tête : « Si je les contacte, ils vont me demander pourquoi Alfonzo veut me revoir. Ça ne s'explique pas facilement tout ça. Je me suis mis à table, mais juste assez pour que la police soit satisfaite. Je n'ai pas tout dit. Mais, Fonze, lui, il ne croit pas ça et il veut me parler. »

Le silence des blés d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant