Ruines

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Ce furent les lueurs orangées et l'odeur de fumée qui réveillèrent Avéline. Elle se dressa sur ses coudes et regarda directement vers le foyer. Il ne restait que quelques braises qui rougeoyaient. Elle vit du coin de l'œil que cette lumière étrange qui l'avait extirpée de ses rêves venait de la porte-fenêtre. Elle courut vers l'extrémité de la pièce et en arrivant devant la fenêtre, elle étouffa un cri : la cabane où Serge entreposait ses nombreux livres était la proie des flammes.

Cédric se réveilla à son tour, paniqué, et vint rejoindre sa demi-sœur.

- Shit! Appelle les pompiers. Le feu va se propager à la grange. Vite!

Serge demanda ce qui se passait, le corps affalé sur la chaise berçante, émergeant de son sommeil plus lentement que les deux autres. Il s'étira et arrêta son geste, humant l'odeur de fumée qui devenait plus intense. Inquiet, il regarda Cédric et Avéline qui auraient aimé qu'il se rendorme afin qu'il ne soit pas témoin de cette tragédie.

Avéline avait composé 9-1-1 sur son cellulaire et demandait de l'aide.

- Qu'est-ce qui se passe? Pourquoi les pompiers? demanda-t-il, l'esprit encore enveloppé de brume.

Serge se leva et marcha lentement vers eux. Son pas augmenta de vitesse alors qu'il put voir les lueurs qui éclairaient la nuit.

« C'est la cabane? »

Il écarquilla les yeux d'horreur en voyant les flammes qui enveloppaient son trésor, consumant violemment le bois et le papier qu'il contenait.

- Mes livres...

Il poussa sa sœur et ouvrit la porte-fenêtre. Un cri de détresse monta dans sa gorge. Il se précipita vers la source de ce cauchemar, mais Cédric saisit son coude juste au bon moment.

- Ne t'approche pas. C'est trop dangereux. On ne peut rien faire.

- Mes livres. Mes livres. Ça brûle.

- Je sais, Serge. Les pompiers s'en viennent.

- Ils vont brûler, mes livres?

Avéline vint les rejoindre tandis que Serge s'effondra sur le balcon, les jambes recroquevillées contre lui. Il pleurait, balançant son corps d'avant en arrière. Il marmonnait des mots inintelligibles, le visage mouillé de larmes. Il hoqueta puis arrêta de respirer avant de reprendre une profonde inspiration. Puis, un cri d'une puissance terrifiante émergea du plus profond de son ventre. Ce hurlement ressemblait à celui d'une bête sauvage agonisante. Il tremblait et se donnait des coups de paume sur le front. Cédric essaya de l'en empêcher, mais il était beaucoup plus fort que lui et la rage qui l'habitait avait doublé sa force.

Bientôt, la plainte de Serge fut accompagnée de celui de la sirène des camions des sapeurs pompiers qui arrivaient de l'est. Les gyrophares rouges éclairèrent les arbres. Ils s'activèrent bientôt pour essayer de limiter les dégâts, mais la cabane était déjà à moitié effondrée enveloppée d'une boule de feu d'une intensité indescriptible.

Le chef des sapeurs, lorsqu'il se fut assuré que l'incendie était maîtrisé, vint à leur rencontre. Il regarda le pauvre Serge prostré dans une position de fœtus qui pleurait comme un enfant et chercha ses mots pendant quelques secondes.

- Que s'est-il passé ici? demanda-t-il enfin.

Avéline lui raconta comment les lueurs et l'odeur de la fumée l'avaient réveillé. Elle n'en savait pas plus.

- Qu'est-ce qu'il y avait dans cette cabane? De l'essence? Du propane? Pour que ça flambe comme ça, ça prend un méchant combustible.

Cédric regarda sa demi-sœur et elle baissa les yeux : « Des livres... »

Le silence des blés d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant