Des aveux

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Avéline baissa les yeux. Elle avait maintenant honte de s'être imposée de la sorte à Jean-François. Elle avait l'impression de s'être immiscée en lui en fonçant tout droit dans le plus intime de son âme. Rien ne pouvait réparer cet affront. Et pourtant, il ne lui apparaissait pas offusqué de quelque manière que ce soit. Il la regardait différemment maintenant, après lui avoir avoué avoir les raisons de sa quête de Dieu.

« Mais je ne cherche plus depuis longtemps. Cette réponse n'existe peut-être pas. Ou si elle a existé, elle ne m'est plus accessible. Je vois toute la misère humaine, les guerres et les violences, et ça me décourage. Je ne peux qu'apporter du réconfort et de belles paroles à travers une religion qui n'en est plus vraiment une. Mais il y a une chose dont je suis certain, Avéline, c'est que je ne veux pas être la cause de plus de souffrance que celle qui est déjà autour et en nous. Voilà pourquoi je ne peux pas t'aimer comme tu le voudrais. Je suis désolé. C'est trop peu, trop tard, comme disait ma mère au chevet de mon père mourant. »

Elle se rapprocha de lui et se laissa prendre dans les bras du curé qui l'accueillit sans trembler. Il ne craignait plus cette femme.

- Pardonne-moi, JF, je t'en prie. Je ne sais plus vraiment où j'en suis. Je ne peux pas t'en vouloir parce qu'au fond, je suis exactement comme toi. Sauf que moi, je n'ai jamais osé entreprendre cette démarche pour comprendre. Je me suis laissée portée par le temps et ça ne m'a pas mené bien plus loin. J'aimerais avoir ta force, tu sais.

Il sourit : « Je ne suis pas fort. J'ai eu du courage pour aller au bout de cette quête, mais je suis quand même revenu bredouille. C'est comme si Dieu m'a abandonné. »

- Et que comptes-tu faire maintenant ? Tu ne vas pas abandonner la paroisse ? Les missions dans l'Afrique Noire, c'est un peu dépassé, non ?

- Pour te dire franchement, je l'ignore. Je suis dans un épais brouillard en ce moment. Je tiens la barre parce que je n'ai pas vraiment le choix. Il y a encore des gens, comme Serge, comme mes paroissiens, qui ont besoin de paroles sages. Les abandonner, ce serait les trahir. Ce serait me trahir.

Il la serra tout contre lui. Il déposa ses lèvres tremblantes sur ses joues, goûtant à ces larmes qui étaient un peu pour lui. Il profitait de cette énergie nouvelle qui s'était dégagée de cet aveu, pour reprendre confiance.

Il vit que Serge revenait lentement de sa promenade, l'air toujours contrarié. Ce dernier stoppa net devant les restes de la cabane et pencha la tête comme s'il abandonnait cette force qui le tenait debout jusque-là.

« Tu devrais aller lui parler. Je crois qu'il s'est senti exclu. On aurait dit qu'il faisait une crise de jalousie en nous voyant tous les deux. Tu crois qu'il a déjà été amoureux de toi, Avé ? »

Elle frotta les bras de Jean-François, se retirant de son étreinte. Elle le remercia et s'éloigna vers la porte-fenêtre sans répondre à la question.

Une brise fraîche balayait le terrain. Le soleil jouait à cache-cache derrière les nuages floconneux qui couraient dans le ciel.

Avéline s'approcha de son frère. Elle ne prononça aucune parole, essuyant quelques larmes sur ses joues du revers de sa manche. Elle constata les dégâts en humant cette forte odeur de papier brûlé humide. Elle secoua la tête en se remémorant la journée. Ce long fleuve tranquille de la vie d'adulte qu'elle avait tant rêvé n'était vraiment qu'un torrent aux coudes masqués par des bosquets d'un calme trompeur. À chaque tournant, quand l'impression qu'une certaine paix s'installait dans sa vie, elle se retrouvait cul par-dessus tête, la tête sous l'eau, à avoir de la difficulté à respirer. Tout allait trop vite dans sa tête.

Le silence des blés d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant