Il y eut un long silence après le claquement de porte. Personne n'osait se regarder. Charles n'avait jamais ressenti autant de tristesse devant le désarroi des trois adultes qui souffraient en silence devant lui.
Il rangea ses papiers et remit une copie à chacun des héritiers. Cédric refusa de les prendre. Il se leva, le regard fixé au plancher, et annonça qu'il s'en allait.
Avéline se leva à son tour : «Cédric, non. Tu ne peux pas partir comme ça. Pour Serge et moi, tu seras toujours notre frère, tu peux en être certain. »
– Je n'ai pas besoin de votre charité chrétienne de merde. Si Georges a attendu de nous le dire, c'est qu'il ne voulait pas qu'on se déchire de son vivant. Il doit bien rigoler du haut de son nuage. On a tous été trompés. Pas seulement moi. Vous tous. La seule personne qui devrait payer pour tout ça vient de partir comme une sans-cœur qu'elle a toujours été.
– Je pense qu'elle ne le savait pas plus que nous.
– Je la détestais déjà suffisamment pour lui en vouloir pour le reste de ma vie, mais ça, franchement, ça dépasse tout ce que j'aurais pu imaginer. Je vais vous laisser vivre votre deuil seuls, entre frère et sœur. Je n'ai plus rien à faire ici. Je ne veux pas de son argent. Je ne veux plus rien de personne.
Il essaya de passer, mais Avéline lui bloquait le passage : « Écoute-moi deux minutes, s'il te plaît, Cédric. Tu peux t'en aller. Il n'y a personne qui va t'en empêcher. Mais pour moi, tu vas toujours rester mon petit frère. Georges t'a élevé comme son propre fils, même après qu'il l'a su. Je t'aime vraiment, tu le sais ça? »
– Moi aussi je t'aime, dit enfin Serge qui quitta le fauteuil et tendit les bras vers Cédric.
Ce dernier hésita, mais se laissa prendre dans cette accolade à laquelle se joignit Avéline. Ils demeurèrent ainsi pendant quelques secondes. Puis, Avéline lui demanda de venir à la maison, de passer le reste de la journée et la nuit avec eux, s'il le voulait.
– J'ai demandé à Gill s'il voulait garder les enfants avec lui jusqu'à demain matin. Il sera au motel et nous trois, on sera comme dans le bon vieux temps.
– Dans le temps où on était innocents... dit Cédric en essuyant une larme qui coulait sur son visage bien malgré lui. Tu le sais que je t'haïs, toi, quand tu me fais tes beaux yeux de guédaille? Je vous déteste tous les deux, tout autant que Georges. Je vous en veux parce que vous m'avez aimé, parce que vous m'avez protégé contre toute cette folie que ma mère a laissée derrière elle. Je ne mérite pas cet amour.
Avéline haussa les épaules : « Tu as peut-être raison, frérot, mais pour le moment, tu t'en viens avec nous deux et on va se saouler la gueule en honneur au bonhomme. On lui doit bien ça. Qu'est-ce que tu en dis, mon beau Serge? On l'amène avec nous? »
– Plus étroits que ceux du sang et de la famille sont les liens de l'amitié.
– Man! Encore une citation! s'écria Cédric en lui donnant une tape sur l'épaule. Je ne peux pas te détester, toi. Tu as toujours quelque chose à dire, quelle que soit la circonstance.
Il l'embrassa sur la joue et lui prit la main. « On s'en va avant que je ne change d'idée. »
Il ramassa l'enveloppe que lui tendait le notaire et le remercia, les yeux fixés droit dans ceux de Charles. « Cette histoire n'est pas finie, croyez-moi! »
Le notaire les accompagna jusqu'à la porte et leur serra la main à chacun en s'arrêtant à Avéline :
– Prenez soin de ces deux-là. Ils peuvent aller à la dérive, chacun dans une direction opposée. L'un vers l'oubli, l'autre vers la tempête.
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Le silence des blés d'or
Fiksi UmumÀ la mort de son père avec qui il a vécu toute sa vie, Serge, autiste, hérite de la terre familiale, une ferme centenaire qui a connu de meilleurs jours. C'est une surprise à laquelle personne ne s'attendait. Bien vite, les membres de la famille, le...