Il observa un moment la poitrine qui se soulevait puis redescendait doucement au rythme de sa respiration. C'était la première fois qu'il s'arrêtait ainsi pour l'observer sans ressentir cette gêne qu'il avait ressentie lors de leur première rencontre avec son père et Avéline. Comme cette époque lui paraissait si lointaine.
Tandis qu'il regardait ce visage ridé, il se remémora ce qu'il avait cru voir quelques minutes plus tôt. Cette vision d'horreur du visage déformé d'Avéline et l'impression qu'elle tombait le firent à nouveau frissonner. Même si cela l'avait extirpé de sa paralysie dans laquelle il avait été plongé, il voyait encore cette image, plus clairement que celle de Chantal accrochée à sa hache.
Il repensa à cette dernière et aux événements qui s'étaient produits la veille. Il n'arrivait pas à s'enlever de la tête que tour ce qui s'était produit était de sa faute. Il aurait du taire cette malencontreuse affaire de nudité. Il avait été encore une fois victime de sa franchise.
Il regrettait d'avoir joué le jeu de l'incrédulité et de l'innocence devant ses excentricités. Il avait bien vu qu'elle ne lui était pas indifférente, mais il avait préféré faire comme si ce n'était que des enfantillages de femme qui était restée trop longtemps célibataire.
Lorsqu'il avait su qu'elle avait été froidement remerciée pour ses services suite à l'incident de la chambre, il s'était senti immédiatement responsable de cette situation.
Le moment où il l'avait vu entrer dans les bras de Cédric et de Violette, couverte de sang, sa culpabilité s'en était trouvée quintuplée. Il aurait aimé lui parler, la rassurer, mais on ne lui avait pas permis de s'approcher d'elle.
Son retour dans la soirée, cette violence au bout de ses bras, cette démence dans ses yeux... Tout cela avait définitivement installé en lui un profond regret. Il se sentait tellement impuissant.
Il se demanda s'il ne pourrait pas aller la voir à l'hôpital. La réconforter, la rassurer, lui parler de l'impossibilité qu'ils puissent vivre comme elle l'espérait. Après ce qui s'était passé, il y aurait certainement des accusations d'agression armée et de tentative de meurtre sur le vieux Patterson portées contre elle. Il eut pitié de cette pauvre femme qui devait être maintenant sous le choc.
Violette avait ouvert les yeux et sourit à Serge :
- Est-ce que tu vas venir me tenir compagnie comme ça tous les jours pendant ma sieste, jusqu'à ce que je me réveille ?
- Peut-être. J'aime voir les gens dormir. Je peux leur parler.
Elle souleva un sourcil.
« Je me fais des discussions. J'invente. J'entends la voix de l'autre. Ça me fait du bien. Papa me disait que j'aurais pu écrire des histoires. Mais, je n'aurais que réécris que celles que j'ai lues. Je pense. »
Elle lui demanda de l'aider à se lever. Elle se sentait ragaillardie après ces quelques heures de sommeil. L'air pur de la campagne lui redonnait des forces.
Elle lui demanda s'il y avait des nouvelles du voisin et de Chantal.
Il secoua la tête : « Avéline a essayé d'appeler monsieur Lefrançois, mais c'était son répondeur. Elle a laissé un message, mais il n'a pas rappelé. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles... »
Ils se dirigèrent vers l'escalier. Violette vit la porte de la chambre de Georges fermée.
- Est-ce que je pourrais voir la chambre de Georges ? C'est peut-être impoli de ma part, mais j'aimerais voir cet endroit où il dormait. Où il s'est endormi pour toujours.
Serge ne répondit pas. Il l'entraîna vers la porte qu'il ouvrit doucement.
Violette se dégagea des bras de Serge et marcha d'un pas mesuré jusqu'au centre de la pièce, comme si elle ne voulait pas réveiller ce qui y dormait. Elle regarda tout autour d'elle puis se dirigea vers le meuble où Georges avait enligné toutes les photos de sa famille, de ses grands-parents à ses petits-enfants Tim et Célia.
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Le silence des blés d'or
General FictionÀ la mort de son père avec qui il a vécu toute sa vie, Serge, autiste, hérite de la terre familiale, une ferme centenaire qui a connu de meilleurs jours. C'est une surprise à laquelle personne ne s'attendait. Bien vite, les membres de la famille, le...