Avéline la remercia et Serge se pencha sur la vieille femme pour déposer un baiser sur son front :
- Tu ne mourras pas maintenant, tu me le promets ?
- Ne dis pas de bêtises, Serge. Va et ne t'inquiète pas pour moi. À vous deux, vous avez insufflé une grande dose de vie dans mon cœur et dans mon corps aujourd'hui.
Serge se retira en silence tandis que Violette prenait la main d'Avéline.
« C'est dôle, mais quand je vous regarde tous les deux, je ne peux vous imaginer autrement que lorsque je vous ai reçus chez moi. Toi, la rebelle en quête d'une mère disparue et Serge enseveli dans sa tête, dans ses mots et son univers. Je revois la fierté de ton père qui vous regardait avec tant d'amour malgré son ton bourru.
« Je l'ai aimé, Georges. Ça été un coup de foudre. Mais, comme cette lumière qui déchire le ciel, cet amour s'est étiolé, dispersé dans un vide irréel. J'étais si désemparée qu'il m'a fallu partir moi aussi. Si j'avais su ce qu'il arriverait, je serais restée... »
- Ne dites pas ça, Violette. Personne ne pouvait prévoir ce que cette femme allait faire. J'en ai voulu à mon père de s'être laissé berner par elle, mais on a tous été un peu coupables dans tout ça. Elle était si charmante qu'on en a oublié la façon dont elle s'est imposée parmi nous. Papa vous a aimé aussi. Je l'ai trouvé, plus d'une fois, assis seul dans le noir, sur le balcon, à fumer son éternelle pipe au tabac qui sentait le fumier. Il ruminait sur ses femmes, comme il disait. Sur ma mère, Thérèse, qu'il a toujours considérée comme la seule femme qu'il aura jamais aimée. Cette Bérengère aurait dû n'être qu'un coup de vent, une folie passagère, n'eût été cet enfant qu'elle portait. Et puis, il y a eu votre passage dans notre vie. J'étais certaine que mon père allait vous proposer le mariage ce soir-là où l'autre est arrivée. Il y avait une espèce de folie dans son regard, une lumière que je ne lui ai jamais vue, à mon pauvre papa. Après que cette folle nous ait laissés dans le doute et l'inquiétude, avec le petit Cédric à peine âgé de trois ans, on s'est tout simplement relevé les manches. On a essayé de former une famille plus solide que tout ce que ces événements ont pu apporter de problèmes dans ce court laps de temps.
Violette lui demanda de lui raconter sa vie, lui expliquer son travail, lui présenter ses enfants qu'elle n'avait vus que quelques minutes avant le départ plutôt précipité de Gill. Avéline raconta cette histoire avec la gorge serrée. Depuis qu'elle avait osé se jeter dans les bras de JF, elle se sentait encore plus démunie qu'au matin. Tout se bousculait trop vite. Et ce satané Jean-François qui la devinait si aisément !
- Tu devrais t'en retourner à Toronto et mettre tout ça au clair avec ton mari. Vous ne méritez pas de tout chambouler pour une simple dispute. L'amour que vous avez, il est précieux. Ne le gâchez pas en fermant les yeux en espérant que ça disparaîtra par lui-même. L'amour, c'est comme les betteraves, ça tache dès qu'on y pose le doigt.
- J'aurais aimé ça vous connaître davantage moi aussi. Vous êtes tellement sereine.
Violette ferma les yeux. Elle se sentait de retour dans sa famille avec tout cet amour autour d'elle. Même la présence de Georges se faisait sentir par le biais du souvenir qu'elle avait entretenu de lui depuis leur dernière rencontre.
« Je ne peux pas partir et laisser Serge tout seul avec la ferme. Il y a tant de choses à faire et puis il faut qu'on pense à son bien-être. Il ne peut pas vivre ici tout seul, vous le savez bien. »
- C'est un peu pour ça que je t'ai demandé de rester, ma belle. Il est convaincu de pouvoir gérer sa vie tout seul et je le comprends, dans une certaine mesure. Par contre, je pense comme toi, il a besoin d'avoir au moins une présence pour voir à ce qu'il se nourrisse bien et que son bien-être, comme tu le dis si bien, soit assuré. C'est pourquoi je me demandais si je ne pourrais pas venir m'installer ici, pendant quelques mois, le temps que tu règles tes affaires à Toronto, que la vente des terres soit complétée. Ça nous donnera le temps de trouver une solution qu'il acceptera sans sentir qu'on le brusque. Tu sais, avec sa maladie, il peut basculer dans un isolement total en quelques jours. Je trouve déjà qu'il s'en tire assez bien, mais c'est grâce à votre support qu'il se tient la tête hors de l'eau.
VOUS LISEZ
Le silence des blés d'or
General FictionÀ la mort de son père avec qui il a vécu toute sa vie, Serge, autiste, hérite de la terre familiale, une ferme centenaire qui a connu de meilleurs jours. C'est une surprise à laquelle personne ne s'attendait. Bien vite, les membres de la famille, le...